Elections allemandes : l’avenir pourrait bien se mettre au « vert » !

Maintenant que les candidats à l’élection législative du mois de Septembre en Allemagne sont connus, Alain Howiller analyse leurs chances, forces et faiblesses…

Les 16 ans au pouvoir auront laissé des traces... Angela Merkel aurait souhaité une transmission du pouvoir plus sereine. Foto: Frankie Fouganthin / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Alain Howiller) – Elle avait dit : « Jamais plus je ne revivrai une telle réunion » à l’issue des 9 heures de débats avec les 16 Ministres-Présidents réunis début Mars pour définir les nouvelles mesures anti-Covid que, une fois de plus, chaque région interprétera à sa guise, comme cela s’est toujours passé tout au long de cette (première ?) année de crise sanitaire. L’usine à gaz dont cette ultime réunion avait accouché autour de… minuit (!) n’a pas fonctionné comme il aurait fallu ! Elle s’était jurée qu’elle n’interviendrait pas, ni dans le choix du président de la CDU, ni dans la désignation de la tête de liste qui mènera le combat des élections fédérales du 26 Septembre. Angela Merkel pensait terminer, dans la sérénité, ses 16 années à la tête du gouvernement allemand et prendre une retraite politique méritée et annoncée dès le renouvellement du Bundestag en 2017. Elle ne pensait pas que ses derniers mois au pouvoir seraient à ce point perturbés !

Si finalement, face aux Ministres-Présidents des Länder, elle a gagné dans sa lutte pour appliquer des mesures cohérentes contre la pandémie sur l’ensemble du territoire, et si les interminables sessions avec les « barons régionaux » lui seront désormais épargnés (au moins pour qui est des dispositions anti-Covid), son absence dans le débat sur sa succession à la chancellerie a imposé à la CDU et à son parti-frère bavarois, la CSU, un affrontement fratricide qui a, déjà, eu des répercussions et qui laissera, sans aucun doute, des traces durables !

Covid-19 : le long combat d’Angela Merkel ! – Dès l’irruption de la pandémie, Jens Spahn, Ministre CDU de la santé, avait lancé, sans succès, l’idée d’une réforme qui permettrait au gouvernement fédéral d’imposer, dans des cas précis, des mesures s’imposant aux Länder et dépassant les contraintes constitutionnelles qui laissent à ces derniers, la prérogative de gérer le domaine de la santé. Suivirent des mois d’affrontements au sein de la « Conférence des Ministres-Présidents » (dont, à vrai dire, on n’avait guère parlé jusque-là !) où Angela Merkel, très vite consciente de la dangerosité de la Covid-19, essayait de faire adopter des mesures restrictives que beaucoup de Länder contournaient… pour des raisons le plus souvent électoralistes !

Après la réunion du début Mars, la chancelière supprima la procédure des décisions en « Conférence des Ministres-Présidents » pour faire adopter par le Bundestag, des mesures anti-Covid (dont des couvre-feux) qui n’étaient respectées que très… aléatoirement dans les Länder. C’est le Bundestag qui donc sera appelé à adopter la nouvelle mouture de la « Loi de protection contre les maladies infectieuses », adoptée il y a un an, qui permettra au gouvernement fédéral de décider des mesures (dont les très controversés couvre-feux !), des dispositions qui ne seront plus des injonctions, mais des instructions.

Une loi anticonstitutionnelle ? – La nouvelle loi, qui sera adoptée par les seuls députés CDU/CSU et SPD, appartenant à la « Groko » au pouvoir, sera étrangement baptisée « Einspruchgesetz » (loi « d’objection », car elle oblige les éventuels opposants à faire « objection » devant le Parlement ou des instances juridictionnelles), mais elle entrera dans l’histoire comme la « Notbremse » (en quelque sorte « recours de nécessité »). Les députés « Verts » s’abstiendront lors du vote, car la loi n’est pas assez explicite sur le… télétravail. L’extrême-gauche (Die Linke), l’extrême-droite (l’AfD et le FDP (Parti libéral) voteront contre, essentiellement parce qu’ils contestent des infractions à la constitution (atteinte aux droits des Länder, restrictions des libertés individuelles par l’instauration d’un couvre-feu de 22 à 5 heures). La Cour Constitutionnelle de Karlsruhe devrait être saisie, bien que le Bundesrat ait, lui aussi, approuvé la loi. La saisie de Karlsruhe, fera-t-elle de la nouvelle loi une victoire à la Pyrrhus ou ouvrira-t-elle le chemin vers une révision de la constitution pour adapter le… fédéralisme ?

En jurant qu’elle n’interviendrait pas dans le choix de celui (ou celle) qui conduirait la liste des chrétiens-démocrates lors du renouvellement du Bundestag, Angela Merkel était loin de se douter de l’effet que sa non-intervention aurait sur le terrain ! Les deux candidats en lice -Armin Laschet, Ministre-Président du Land de Rhénanie du Nord-Westphalie (NRW) et Markus Söder, son homologue de Bavière- se sont affrontés, fracturant le mouvement chrétien-démocrate, déjà en perte de vitesse à cause de la manière dont le gouvernement fédéral gérait la crise sanitaire, et divisant l’opinion.

Quand les chrétiens-démocrates se déchirent ! – Dans la lutte entre les deux prétendants, leurs partisans sont allés jusqu’à se menacer mutuellement : les membres de la CDU de la Rhénanie du Nord-Westphalie ont lancé l’idée de créer une filiale en Bavière et leurs « camarades » bavarois ont menacé d’étendre le réseau de la CSU à l’ensemble du territoire fédéral ! Finalement, alors que le mouvement des « jeunes chrétiens-démocrates », s’appuyant sur les sondages, se prononçaient en faveur de la candidature de Söder, la direction de la CDU tranchait en imposant Laschet. Markus Söder s’inclinait et promettait de participer activement à la campagne de son ex-rival et Angela Merkel félicitait son fidèle partisan de NRW !

Et les sondages, qui, déjà avant la décision, soulignaient que 44% des sondés trouvaient que Söder était un bon candidat contre… 22% favorables à Laschet, ont été sans appel : ils désapprouvent le choix du président de NRW et bien pire, une fois connu que les « Verts » avaient choisi comme tête de liste la députée Annalena Baerbock, coprésidente du mouvement écologiste, 54% des Allemands ont considéré que c’était un bon choix, alors qu’ils n’étaient que 32% pour penser de même à propos de la désignation de Laschet ! A la question « qui préférez-vous comme candidat à la chancellerie », 32% ont cité Baerbock, 15% Olaf Scholz, le Vice-Chancelier SPD du gouvernement, à égalité avec Armin Laschet. Et bien pire encore, le même sondage RTL/ntv vient de placer les « Verts » en tête des intentions de vote avec 28% (+5% par rapport au 13.04) devant la CDU/CSU qui affiche 21% d’intentions (-7%) !

Les « Verts » premier parti devant la CDU ! – Les « Verts » premier parti, alors que le SPD reculerait à 13% (-2%), le FDP à 12% gagnerait 2 points, « Die Linke » à 8,5% progresserait de 1%, tandis que l’AFD stagnerait à 9,5%. Certes, lorsqu’en 2017, il avait gagné les élections en NRW contre l’emblématique sociale-démocrate Hannelore Kraft, Armin Laschet, européen convaincu et francophone, n’était de loin pas le favori des sondages, il reste quelques mois avant les élections au Bundestag et, surtout, la CDU n’a pas encore publié son programme. Et on ne cesse de rappeler qu’un sondage n’est pas l’élection !

Mais, il y a le feu à la maison CDU/CSU – La candidature d’Annalena Baerbock est venue perturber le jeu électoral : en 2017, elle faisait partie de la délégation qui négociait avec Angela Merkel pour une éventuelle coalition CDU-CSU/Verts/FDP qui avait, alors, la préférence de la chancelière. Cette dernière avait toujours rêvé d’un tel attelage : n’avait-elle pas hésité entre la CDU et le mouvement écologiste après la chute du Mur de Berlin, n’avait-elle pas été « Ministre de l’Environnement, de la Protection de la Nature et de la Sécurité Nucléaire » (1994/1998) ? Elle en avait rêvé, le FDP avait fait échouer qui, aujourd’hui, pourrait redevenir d’actualité. Qui aurait cru que la retraite politique d’Angela Merkel s’inscrirait dans de semblables perspectives ?

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