Elections de Hambourg : des résultats atypiques ?

Focus sur les dernières municipales

Que mijote donc Katharina Fegebank (à dr.), meneuse des Verts de Hambourg ? Foto: Markus Scholz RdWRedaktion/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/2.0Gen

(Marc Chaudeur) – Deux vainqueurs à ces élections à la Mairie de Hambourg,la grande ville hanséatique de presque deux millions d’habitants : le SPD social-démocrate, mais bien plus encore, les Verts, qui ont doublé leurs précédents résultats de 2015 ! Mais pourquoi des résultats en apparence si différents que dans les autres régions allemandes ?

On s’en doute : l’évocation de la tradition social-démocrate de Hambourg, effective, n’explique à peu près rien, tant les votes dans le reste de l’Allemagne ont rompu avec bien d’autres traditions. Le cas pathologique de la Thuringe en est une une illustration caricaturale. Le charisme de Peter Tschentscher, plutôt subliminal, ne suffit pas non plus. Sa bonne gestion de la Ville, puisque Tschentscher est le Bürgermeister sortant, en revanche, a joué un grand rôle dans sa réélection ; notamment son action pour les logements sociaux et pour la croissance.

Il ne faut cependant pas omettre de remarquer que le SPD a perdu 6 points par rapport à ses résultats de 2015 (39,2 % cette année). Une victoire assez relative, donc ; l’expression de défaite compensée paraît plus appropriée, dans cette perspective. Les vrais vainqueurs, ce sont les Grünen ; les troupes de Katharina Fegerbank ont doublé leur score, passant de 12 à 24% ! Un score tout à fait excellent, même dans l’ensemble du tableau allemand. Qui constitue cependant une demi-victoire, là aussi : Frau Fegerbank et les Verts espéraient bien se retrouver au gouvernail de la ville sur l’Elbe. Eh bien non, ce sera pour la prochaine fois.

Les vrais perdants en revanche, ce sont la CDU (11%), le FDP (5%) et l’AfD (5,3 %). Ils paient tous le prix de leurs magouilles thuringiennes. Faut-il rappeler en quelques mots ce qui s’est passé à Erfurt au début du mois ? La complicité de l’AfD, le parti qu’on a le droit d’appeler « fasciste » et de la CDU conservatrice a permis l’élection du candidat FDP, Thomas Kemmerich – qui s’est retiré dès le lendemain, devant l’indignation et l’écœurement d’une grande partie des Allemands.

A cela s’ajoute l’immense tristesse et le dégoût du massacre commis à Hanau (11 morts et de nombreux blessés) en Hesse, par un nazi parano-schizophrène : on a imputé à l’AfD la lourde responsabilité d’avoir semé un climat haineux et violent qui pouvait très facilement inciter au passage à l’acte des êtres fragiles, marginalisés et fanatisés.

Sur le plan local, il est sans doute intéressant de savoir dans la mesure du possible qui a voté qui, et en quoi ont consisté les chassés-croisés qui, au vu des résultats, se sont nécessairement produits.

Un fait très encourageant, et dont on espère ardemment qu’elle servira de modèle : la participation a crû de 7% par rapport à 2015 : 63,5% des électeurs ont voté. Ce qui a surtout profité aux Sociaux-démocrates et aux Verts : les quelques 100 000 électeurs supplémentaires par rapport aux précédentes Bürgerschaftswahlen ont surtout voté pour ces partis. Il y a bien eu chassé-croisé : les Verts ont, semble-t-il, surtout profité de transferts de votes SPD – mais, autre fait remarquable, un peu moins de 50 000 électeurs tout fraîchement arrivés à Hambourg et qui n’avaient pas voté en 2015 ont choisi le parti des Verts. Inversement, certes, beaucoup d’ex-abstentionnistes semblent avoir voté SPD ; de même que d’anciens électeurs de la CDU, fait plus remarquable encore.

Si on va plus loin, la distinction par niveau d’instruction, métier, situation professionnelle et âge des électeurs hambourgeois réservent peu de surprises : ces critères classiques montrent que le dessus du panier vote principalement Verts. Selon plusieurs études, les électeurs classés comme « à faible instruction » votent surtout SPD et donnent d’assez nombreux suffrages à l’AfD : 9%. Autre catégorie qui a beaucoup voté AfD (14%) : les ouvriers… Impressionnant, le vote hambourgeois des retraités pour le SPD : 59 % ! Les indépendants, on s’en doute, ont (relativement) beaucoup choisi le FDP (10%) et les Verts (26%) – c’est le créneau sociologique de la bourgeoisie indépendante et écolo – et d’une manière cette fois plus surprenante, le SPD (27%), et bien peu la CDU (18%).

Pour ce qui est de l’âge, les vénérables Hambourgeois de 70 ans et plus n’ont voté qu’à 3% pour l’AfD, contrairement à ce que certains esprit djeunistes croient souvent – et les mêmes ont voté à 59% pour le SPD. Chez les 18 à 45 ans, les Grünen font un beau carton : 33,5% ! Voilà qui est bien, les p’tits gars !

Et puis, remarquable aussi : les femmes ont davantage voté pour le SPD (39 contre 36%) et pour les Verts (28 contre 23%, une différence substantielle) que les hommes. Et moitié moins pour l’AfD : 3% face à 6% pour les hommes.

Enfin, un institut linguistique relève comme l’une des causes possibles de l’échec du FDP l’insupportable jargon allemenglish de manager extatique qu’il faut braver pour essayer de lire son programme. Il y est question, par exemple, de « CheckIn/Be-Out-Verfahren » (je ne traduirai pas). Il est vrai que du côté de l’AfD, on a droit à du « Upskirting » (étrange : un vocable de film porno, non ?), de « light fidelity » et autres chewing gums au salsifis.

Mais on peut cette fois s’en consoler assez vite : les programmes de l’AfD, on ne les lit pas. Encore moins que ceux du FDP.

 

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