Elections en Grèce

Non, pas eux !

Un débouché : évêque de l'Eglise orthodoxe grecque ! Nul besoin alors de soutenir son pays en payant d'obscènes impôts ! Foto: travelogue/Wikimédia Commons/CC-BY-SA PD

(Marc Chaudeur) – Aléxis Tsípras et le parti Syriza viennent de perdre largement les élections législatives, comme on s’y attendait depuis leurs mauvais résultats des Européennes du 26 Mai. Le mieux est l’ennemi du pire : faut-il craindre la victoire de Nea Demokratia, le parti de droite, et la politique qui s’annonce pour quelques années ? De quelle manière les choix économiques de cette formation pourront-ils permettre au moins une amélioration de la situation des Grecs ?

Les législatives anticipées tiennent lieu de celles qui devaient se tenir en octobre, anticipation qui est la conséquence de l’échec de Syriza aux dernières élections européennes. La participation s’annonce plutôt faible, et les observateurs sur place lisent la résignation sur les visages : le parti de gauche/extrême-gauche ne fait plus recette ; et Kyriakos Mitsotakis, le dirigeant de Nea Demokratia ne déchaîne pas les foules non plus : le vote des citoyens grecs se fondera sur le souci d’éviter le pire. Le pire, c’est la situation qui a régné de de 2010 à 2016. C’est la montée vertigineuse de la pauvreté, des suicides, de la prostitution, le manque de soins y compris pour les maladies les plus graves. La misère noire, en somme.

Mais le pire, c’eût été aussi la madurisation de la Grèce par suite de l’application d’un programme maximaliste, issu d’une démagogie gauchiste parachutée de Wolkenkukucksheim. L’ élection en 2015 de Syriza, de Tsípras et avec lui, ne l’oublions pas, de Yánis Varoufákis ministre de l’Economie, est la première accession démocratique au pouvoir d’un mouvement d’extrême-gauche en Europe. Le gouvernement Syriza a évité au pays la sortie de l’Union Européenne, de la zone euro, et la ruine totale du pays. Ceci au prix de ce que Vároufákis, et nombre des électeurs de janvier 2015, considèrent comme une trahison.

Une trahison ? Certes, la façon de procéder de Tsípras a été étrange, et les problèmes majeurs, nullement réglés.En 2015, il propose à la population un référendum, pour entériner le refus en bloc de la politique que voulait imposer la Commission Européenne – la cure de cheval sur laquelle l’inflexible Wolfgang Schäuble n’a jamais cédé d’un pouce. Et 10 jours plus tard, de Bruxelles, Tsípras impose ladite cure de cheval ! Et cependant, l’économie grecque continue à vivre sous perfusion, et les dettes subsistent comme une menace obsédante pour les jours incertains – ce pourquoi il faut assurément craindre le retour de Nea Demokratia au pouvoir. Ce qui se passera dès ce soir.

Les acquis sociaux depuis 2015 sont cependant loin d’être négligeables : sécurité sociale gratuite élargie à plus de 2 millions de Grecs, création de centres communautaires pour les bénéficiaires de ces prestations, aides au logement, cantines gratuites dans les quartiers pauvres des grandes villes, revenu de solidarité d’environ 150 à 200 euros, et… début de commencement d’une meilleure organisation des aides sociales – ce qui est un vrai sujet dans ce pays…

Syriza, malgré la forte imposition, a pourtant réussi à faire remonter le PIB, nullement catastrophique en 2017 et 2018 ; à faire baisser le chômage jusqu’à 18 ou 19 % selon les sources alors qu’il grimpait à 29% voici 3 ans encore ; et les salaires minimaux, eux, ont augmenté de plus de 10 %.

Ces excellentes mesures sociales et ces résultats économiques somme toute très bons, Tsípras les a assurément financés en pressurant au maximum ce qu’on appelle un peu vite les « classes moyennes » : certes, elles sont plus moyennes que les couches essorées par Nea Demokratia de 2012 à 2015, et pourtant… Euphémisme. En tout cas, la perte électorale est majeure dans les scrutins favorables au parti au pouvoir. Et Syriza n’a toujours pas réussi à imposer les armateurs et l’Église orthodoxe !

Pêle-mêle, on reproche au Premier ministre sortant  d’avoir quitté le sol ferme de ses électeurs, en 2015 déjà, et puis d’autres choses plus secondaires : l’an dernier, d’avoir négligé grandement l’organisation des secours et la gestion des dégâts de l’immense incendie de Matie (plus de cent morts) ; et toujours en 2018, d’avoir accepté une conciliation réelle avec les autorités élues de Nord-Macédoine pour inscrire officiellement le nouveau nom de ce pays au fronton des nations. Une réussite éclatante ! Mais beaucoup de Grecs sont très susceptibles sur ce qui concerne l’identité de leur pays…

La situation économique, politique et psychologique est infiniment meilleure qu’en 2015. Le pire a été évité, l’extrême-droite d’Aube Dorée et d’ Elliniki Lysi circonscrite dans ses ronds de sorcières, et on ne saurait assurément se réjouir du retour de la droite. Cette droite sous laquelle les impôts pour les couches les plus modestes ont augmenté de 337 % et seulement 9 % pour les plus riches ; sous laquelle la tranche des 10% les plus pauvres ont perdu 85% de leurs revenus, tandis que les 30% les plus riches ne perdaient que 18% !

Alexis Tsipras n’a que 45 ans. Et l’opposition de centre gauche et de gauche sera puissante… Reste cependant, comme une immense montagne menaçante, le problème non réglé de la dette publique. A ce problème, bien sûr, un remède théorique : la reprise des investissements. Mais il n’est pour l’instant que théorique, malheureusement…

 

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