Elections et reprise économique : ces tensions qui menacent !

Alain Howiller sur les derniers chiffres de la conjoncture et les perspectives économiques pour les prochains mois, dans un environnement en pleine mutation. C'est mieux que prévu !

Un signe encourageant - les bateaux de touristes accostent à nouveau à Strasbourg ! Foto: Threecharlie / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Alain Howiller) – Après un été qui, entre deux averses, cultivait le chaud et le froid, nous voilà donc entrés dans un automne bien particulier : celui de la fin espérée d’une crise sanitaire qui a gangrenée nos sociétés, celui d’une évolution politique et économique qui -élections obligent- interpelle l’Allemagne à court terme et la France à moyen terme.

L’Allemagne, par la force des choses, tourne une page. Que restera-t-il demain de cette « économie sociale de marché » qui a profondément marqué l’ère Kohl/Merkel et qui, baptisée « Ecole de Fribourg », s’est imposée dès la création de la République Fédérale et la prise de fonctions de… Ludwig Erhard, alors Ministre fédéral de l’économie de Konrad Adenauer(!) ?

Retrouver le niveau de 2019 avant la fin 2021 ! – Que sera demain et avec quelle majorité, une économie française néo-libérale qui se cherche et qui est, aujourd’hui, confrontée à une société fragmentée où la violence, la « radicalité », cette expression qui est devenue si banale pour souligner que le… « coup de gueule » étouffe de plus en plus le… « coup de main » !

Ces interrogations marquent une rentrée qui, à la surprise générale, s’accompagne d’un optimisme raisonné sur lequel personne n’aurait parié lorsque, au début de l’année 2020, la Covid-19 a conduit des dirigeants désarmés à engager une lutte pleine d’aléas contre la pandémie. Et, alors que le doute gagnait, le vaccin vint, ouvrant la perspective de voir enfin le bout du tunnel dans lequel la crise sanitaire nous a engagés. A Strasbourg, lors de la récente présentation d’une enquête sur le bilan et les perspectives dans l’économie du Grand Est, Laurent Sahuquet, Directeur régional de la Banque de France (BdF), s’est même risqué à affirmer : « …Au niveau national, on espère retrouver le niveau d’avant la crise avant la fin de cette année 2021 ! » Et les sondages mettent en relief que le moral des ménages, qui avait « plongé » en août, s’était fortement redressé en Septembre.

Ces manques qui freinent la reprise ! – Lors de cette conférence de rentrée, le responsable de la BdF, abordant la situation de l’industrie dans le Grand Est, a pu ajouter que 84% des chefs d’entreprises estimaient, aujourd’hui, que leur rentabilité est restée stable et que, pour une partie d’entre eux, elle s’est même améliorée. Un constat à propos duquel Jean-Luc Heimburger, Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie Alsace Métropole, a pu préciser avec, tout de même, un bémol invitant à la prudence : « Deux tiers des dirigeants d’entreprises font état d’un chiffre d’affaires satisfaisant, 78% des dirigeants se disent confiants, mais 22% (contre 16% il y a six mois)- s’attendent à un environnement économique défavorable », a-t-il déclaré. Au plan national, la BdF avait déjà relevé : « Pour le mois de septembre, les chefs d’entreprises anticipent globalement une progression de leurs activités dans le bâtiment et dans une moindre mesure, dans les services et une quasi-stabilité dans l’industrie avec des commandes bien orientées ».

Qui, il y a encore peu, aurait tablé sur des approches de ce type où l’optimisme relatif, mais dominant, est confrontée à ces réalités déjà soulignées ici(1) qui freinent la reprise : 51% des entrepreneurs interrogés se plaignent de difficultés d’approvisionnement qui les conduisent à avoir recours -un comble dans les circonstances actuelles- à du… chômage partiel ou au report de certaines fabrications. Les matières premières manquent (y compris le… bois !), les puces électroniques aussi. Les délais de livraison, alors que camions, bateaux et conteneurs manquent, s’allongent et les prix des transports grimpent (exemple : le coût de livraisons par conteneurs depuis la Chine a été multiplié par… 20 !).

Des livraisons bloquées en mer ! – La part (près de 50%) des entreprises se plaignant de difficultés de recrutement, s’accroît, elle aussi. Et la dernière note de conjoncture de la BdF relève cette anecdote à propos de la conjoncture dans la rubrique « matériel de transport ». Des bateaux en provenance de Chine sont restés bloqués deux semaines en août pour mesures de confinement !… « La surchauffe dans certains pays (en Asie notamment, en Chine, au Vietnam, en Corée du Sud) pèse sur les prix et sur les délais de livraison !

Dans sa note, la Banque de France a pu relever, à propos de la situation dans le Grand Est, qu’on a assisté cet été, à un regain d’activité industrielle avec un renforcement des effectifs. Malgré certains risques de fléchissement en Septembre, la confiance (et une augmentation des effectifs) reste de mise dans le secteur, alors qu’on s’attend dans « les services marchands à un accroissement du nombre de prestations et (à une hausse) de la demande ; le tout accompagné de recrutements ». Pour Jean-Luc Hoffmann, Président de la Chambre de Métiers d’Alsace : « On s’attendait à une rentrée difficile voire catastrophique avec des faillites et la fin des aides de l’Etat. C’est le contraire qui s’est produit : l’artisanat est reparti !… »

Un premier bateau au port de Strasbourg ! – Même le bâtiment, secteur où 61% des entreprises (contre 36% dans l’industrie) disent souffrir du manque de recrutements, la reprise s’affirme malgré la montée des délais de livraison ! Si le secteur automobile, particulièrement touché par le manque de composants électroniques, se plaint de carnets de commande bas et de stocks élevés, l’hôtellerie-restauration retrouve de l’optimisme avec le retour progressif des clients et particulièrement, des premiers touristes étrangers ! Signe des temps : les Strasbourgeois ont pu saluer, pour la première fois depuis le début de la crise sanitaire, le retour d’un bateau de croisière néerlandais, venu accoster au port !

Face à ces signes de reprise, quel sera l’impact des revendications qui s’affirment dans la rue, alimentées par une situation économique qui s’améliore et qui pose, légitimement, la question du partage de ce qu’on appelait jadis les… « fruits de l’expansion ». Il est à redouter que le climat électoral qui s’est déjà bien installé dans la perspective des élections présidentielles d’avril 2022, ne soit un accélérateur supplémentaire de tensions !

(1) Voir eurojournalist.eu du 21.09.21.

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