Elections européennes : ainsi meurent les dinosaures politiques !

Alain Howiller analyse les résultats des élections européennes et les perspectives qui découlent de ces résultats.

Hollande ? Mélenchon ? Larcher ? Juppé ? Le Pen ? En tout cas, sans doute un jeune porteur d'espoir politique... Foto: Mitch Ames / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Par Alain Howiller) – Au sortir d’une campagne européenne trop courte, trop intense, qui a laissé tant de représentants du monde sur leur faim, une nouvelle Europe se dessinera-t-elle – volens nolens- sous nos yeux à Strasbourg, siège officiel du Parlement Européen, et à Bruxelles où se réunit ce qu’on appelle l’exécutif de l’Union Européenne ? La mise en place des nouveaux députés européens, la désignation du successeur de Jean-Claude Juncker, Président de la Commission, la nomination du successeur de Donald Tusk, la présidence du Conseil Européen où certains verraient bien Angela Merkel. Cette dernière, après des propos équivoques selon lesquels elle se verrait bien continuer à s’intéresser au sort de l’Europe, a démenti l’intention qu’on lui prêtait ! S’il est vrai qu’il y a un vieil adage en politique affirmant que « jamais ne veut jamais dire jamais », on ne sait pas trop si cela va se vérifier (ou non). Sans oublier l’issue du « Brexit », on continuera dans les semaines à venir à alimenter les titres des médias avec des informations concernant l’Union Européenne, mais aussi le Conseil de l’Europe où la présidence française a négocié le retrait des sanctions prises, en 2014, contre la Russie annexant la Crimée !

L’Europe occupera encore le terrain entre « vérités et… contre-vérités » assénées « pour être sûr de n’avoir rien oublié ! », pour reprendre une célèbre pique lancée contre un écrivain français. A ce propos, on aura peine à oublier cette affirmation du journaliste d’une chaîne d’information française faisant du Conseil de l’Europe une « filiale » du Parlement Européen ! Sans doute a-t-on tout dit sur les élections européennes qui viennent d’avoir lieu et dont le quotidien espagnol « El Pais » a résumé le résultat en soulignant : « La montée des ‘Verts’ et des ‘Libéraux’ ralentit l’avancée de l’extrême-droite et des eurosceptiques ».

Né d’une collision avec une météorite. – En fait, l’élection européenne a agi comme la météorite qui aurait décimé, il y a 65 millions d’années, les dinosaures : le monde politique ancien a explosé dans la plupart des pays où règne une démocratie reconnue. Ce qui exclut notamment… la Pologne, la Hongrie, la Slovénie, la Hongrie, la Slovaquie, la Tchéquie… où les taux de participation ont été les plus faibles (1) et qui prouvent quotidiennement combien il est difficile pour les démocraties de sortir des régimes forts…  Autres éléments : la majorité « Droite/Sociaux Démocrates » qui faisait la pluie et le beau temps au Parlement Européen, n’existe plus. Une bonne partie des sondages se sont trompés notamment sur les taux de participation ou sur les résultats prévisibles de certains partis (exemple les « Verts »). L’activisme sous-estimé des réseaux sociaux a pesé sur les résultats dans les derniers jours du scrutin en poussant une très large part des jeunes au vote écologique. A part en Grande Bretagne, la sortie de l’Union Européenne et de l’Euro ne rallie plus, même si les partis réclament une réforme de l’Union (mais quelle réforme ? ). Ces convergences… contradictoires (!) vont peser sur l’avenir : mais quel avenir ?

En France et en Allemagne, le vote des électeurs a provoqué (2) une sorte de sidération qui devrait conduire les partis qui furent jadis… des partis populaires (Volksparteien) à tirer- enfin- la leçon du tsunami subi lors des élections présidentielles françaises de 2017 ou des boulet tirés, à bout portant, contre la CDU/CSU et le SPD dès les élections générales de la même année 2017. On avait, alors, promis qu’on se réformerait : les électeurs ont décidé de ne plus attendre et de passer à l’action ! Certes, il faut se garder de projeter sans précaution le résultat d’élections européennes sur des élections municipales ou générales : même si les observateurs – y compris ceux des médias- sont tentés de le faire.

Macron cette fois vainqueur par KO ? – Mais on ne peut ignorer qu’en France, les deux principales forces de gauche (PS avec 6,2% des voix et la France Insoumise avec 6,3%) n’ont réuni additionnées que 13% des voix, alors que les écologistes totalisaient 13,5% des voix (contre 8,5% aux élections européennes de 2014), le Rassemblement  National (ex-FN) 23,3% (en retrait de 2% environ par rapport aux élections européennes de 2014) et La République en Marche (liste « Renaissance ») 22,4%, les Républicains totalisaient 8,5% des voix (contre 20,14% en 2014). L’affrontement RN/La République en Marche vient de connaître, le 26 Mai, un nouvel épisode.

Et Macron qui, lors de l’élection européenne, est arrivé dans un mouchoir de poche, à la hauteur du parti d’extrême-droite, est donné vainqueur au cas où il y aurait un autre duel avec Marine Le Pen : les derniers sondages le créditent de 32% d’intentions de vote contre 28% ! S’il s’agit pour le Président français de gagner ce combat, il ne saurait – ni lui, ni plus particulièrement encore les autres partis – de s’exonérer de l’obligation de bâtir un nouveau socle théorique. Il en va de la survie de la démocratie : l’élection européenne, ici comme ailleurs, a révélé et sans doute anticipé les conflits du futur !

En Allemagne, on le sait, la CDU/CSU avec 28,7% de voix (-6,6% par rapport à 2014) réalise son plus mauvais résultat depuis 1994 et le SPD totalise 15,8% de voix (-11,5% par rapport à 2014), les Verts font 20,5% de voix (+9,5%), l’AfD 11% de voix (+3,9%) et le FDP 5,4% (+ 2%). Si l’AfD affiche des progrès par rapport à 2014, elle plafonne autour de 13/14% selon les sondages sur le résultat d’éventuelles élections générales, alors qu’aux élections européennes, le parti d’extrême-droite tourne autour de 20 à 25% dans les trois Länder où auront lieu, à l’automne, des élections régionales.

Quand l’AfD vire en tête! – L’AfD est premier parti en Saxe et au Brandebourg, deuxième en Thuringe ! L’affaissement des partis membres de la Grande Coalition a évidemment relancé les réflexions sur la pérennité de la Groko. Annette Kramp-Karrenbauer, en amenant son parti à 28,7%, a subi sa première défaite électorale : malgré le soutien appuyé d’Angela Merkel, elle est sur la sellette et, bien que la CDU soit devenu le premier parti aux élections régionales de Brême, vieux fief du SPD et des Verts, ils ne sont plus rares ceux qui, à la CDU/CSU, se demandent si AKK est le bon choix pour succéder éventuellement à la chancelière actuelle. Au SPD, la situation n’est pas meilleure : la secrétaire générale, l’ancienne ministre du travail Andrea Nahles est, elle aussi, en difficulté, et il se pourrait bien qu’on lui trouve assez rapidement un successeur (Martin Schulz jure qu’il n’est pas candidat…).

En France comme en Allemagne, les partis ont entamé une « danse du ventre » pour s’attirer les grâces des Verts, d’autant que ces derniers se déclarent aujourd’hui ouverts à toutes les formes de concertation : ils rêvent d’être les faiseurs de roi (de majorité) au Parlement Européen en négociant leur concours pour constituer, au coup par coup, des majorités d’idées ! Qui aurait cru, il y a encore quelques mois, que cela serait possible ! Avec la disparition des dinosaures, il faudra reconstruire. La théorie de l’évolution politique cherche un nouveau … Darwin !

(1) Exemples de taux de participation dans les pays dits « de l’Est » : 43% en Pologne, 43,4% en Hongrie, 22,7% en Slovaquie, 28,7% en Tchéquie, 28,3% en Slovénie, 30,3% en Bulgarie, 37,6% en Estonie, 53,08% en Lituanie, 51,07% en Roumanie.

(2) Voir eurojournalist.eu du 22 Mai.

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