Elections régionales : le Land de «Hambourg» vote dimanche

Une élection-test… pleine d’enjeux imprévus !

Le chantier de "l'Elbphilharmonie" ne sera pas le seul sujet lors des élections à Hambourg dimanche. Foto: Frank Schwichtenberg / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Alain Howiller) – Il y a quatre ans, lors des dernières élections régionales, la défaite avait été sérieuse pour la CDU qui gérait la ville-état (le Sénat) de Hambourg : le parti d’Angela Merkel avait, alors, perdu la moitié de ses électeurs, passant de 42,8% des voix en 2008 à… 21,9% en 2011 ! La défaite avait, alors, marqué le déclin régulier de la CDU lors d’élections régionales : au point que le parti chrétien-démocrate, tout en gagnant les élections législatives, ne dirige plus, aujourd’hui, que 7 Länder (Bavière comprise dirigée par la seule CSU) sur 16 ! Tout porte à croire que les élections («Bügerschaftswahlen») au Sénat hambourgeois qui auront lieu ce dimanche 15 Février, ne changeront rien aux statistiques : le SPD qui dirige seul -cas unique pour un dirigeant SPD- le Land, devrait sortir vainqueur de la compétition électorale. A Berlin, la coalition CDU/SPD en est à ce point convaincue que le maire sortant, Olaf Scholz, Président du Sénat, l’organe directeur de Hambourg, a été désigné, pour 4 ans, comme coordinateur de la politique culturelle franco-allemande, poste auquel il succède à Annette Kramp-Karrenbauer, la Ministre-Présidente CDU du Land de Sarre.

Quand Winfried Kretschmann monte en grade ! – Il s’agira notamment de savoir si le sortant gardera la majorité absolue pour pouvoir continuer à diriger seul le Land ou si, au contraire, il sera amené à conclure une coalition auquel cas il se tournera, affirme-t-il, en priorité vers les «Verts» qui sont crédités par les sondages, entre 11 et 14% d’intentions de vote. Même si le maire sortant a parlé de «priorité» dans les négociations, n’excluant pas, de fait, la conclusion d’accords avec d’autres partenaires (la CDU créditée entre 20 et 27% d’intentions de vote s’est déclarée prête à une «grande coalition» locale), les écologistes tiennent la corde pour participer au pouvoir qu’ils avaient déjà partagé -mais avec la CDU- avant 2011. A l’époque, ils avaient quitté la coalition avec les chrétiens-démocrates, provoquant des élections anticipées qui furent… mortelles pour la CDU ! La politique de participation à la gestion de Länder est devenue une… spécialité des «Verts» associés au pouvoir dans 8 Länder : si la participation tombe essentiellement à gauche -avec Die Linke mais, majoritairement avec le SPD comme au Bade-Wurtemberg dirigé par le «vert» Winfried Kretschmann-, elle n’exclut pas une coalition avec la CDU comme en Hesse.

Une «souplesse» qui explique que les «Verts», après bien des déboires, affichent actuellement une grande stabilité dans les intentions de vote (autour de 10/12%) et que Winfried Kretschmann se soit hissé au quatrième rang des «politiques» considérés comme les plus importants du pays. Il se situe derrière l’inévitable chancelière, toujours bonne première devant Frank-Walter Steinmeier, le Ministre (SPD) des Affaires Etrangères et l’incontournable Wolfgang Schäuble, l’élu de la circonscription d’Offenbourg, Ministre Fédéral des Finances.

Un «baromètre politique» et toujours les mêmes ! – Certes, au «baromètre politique», les trois premiers du classement ont perdu quelques points, mais, bon an mal an, ils maintiennent leur position depuis des mois. Pour ce qui est d’Angela Merkel, 81% des Allemands considèrent qu’elle est «compétente», bonne «patronne» du gouvernement (79% des sondés), sympathique (69%) et crédible (65%). Pourtant, les observateurs n’hésitent pas à souligner qu’elle hésite souvent, change d’avis, peine à prendre des décisions et que, dissimulatrice lorsqu’elle tranche, c’est le plus souvent en tenant compte des… sondages d’opinion. Elle bénéficie d’une sorte de fascination dont même les médias, pourtant souvent critiques, subissent les effets. A ce propos, dans le magazine «New Yorker», le journaliste américain George Packer -celui là même qui fait d’Angela Merkel une «Alice au Pays des Merveilles» moderne- raconte que les nombreux journalistes qu’il avait rencontré à Berlin, lui avaient tous avoué qu’ils avaient voté pour la chancelière dont, pourtant, ils disaient souvent, pis que pendre ! Il est certain que c’est grâce à elle que son parti gagne les élections nationales et qu’il reste en tête des intentions de vote avec 42% (-1 par rapport à Décembre) des voix, devant le SPD (25% : stable), les «Verts» (12% : soit ,+1%), «Die Linke» (8% : stable), le parti anti-immigration et eurosceptique «Alternative pour l’Allemagne (AfD)» (6%) et le parti libéral «FDP» toujours à la dérive avec 3% des intentions de vote !

Il est vrai que la conjoncture économique, contrairement à ce qu’on redoutait, semble être repartie, que le chômage est au plus bas (6,5%, mais 4,3% au Bade-Wurtemberg et 3,8% dans l’Ortenau), que l’indice du climat des affaires comme celui évaluant la situation se sont redressé, que les exportations ont à nouveau progressé (+3,7% en 2014) et que, surtout, au moment où l’Allemagne a décidé d’introduire la règle de l’équilibre du budget fédéral, les rentrées fiscales ont progressé (+4% en 2014) !

Hambourg : un endettement et des promesses ! – La règle d’équilibre des budgets qui doit s’imposer aux Länder à partir de 2020, a été au cœur de la campagne électorale à Hambourg : d’autant que le sénat sortant a décidé que la ville-état respecterait, dès 2017 (!), cette règle, sachant que Hambourg avec 25 milliards de dettes figure parmi les plus endettés d’Allemagne ! Apparemment, ce débat-là n’influence guère les choix des électeurs si on en croit le pourcentage d’intentions de vote qui s’orientent vers le SPD sortant ! Il semble en aller de même avec la controverse sur la desserte de la ville en bus (les «Verts» voudraient un tramway), sur le creusement de l’Elbe pour permettre aux très gros bateaux d’arriver jusqu’au port, sur l’interminable et coûteux chantier de «l’Elbphilharmonie» (l’ensemble salle de concert-hôtel et appartements dont le budget a été multiplié par… dix depuis 2007), le projet de candidature pour l’organisation des Jeux Olympiques d’été de 2024 voire la légalisation contrôlée du cannabis (prônée par le FDP et les «Verts»).

Les violents affrontements qui eurent lieu, en Octobre, entre salafistes et Kurdes d’un côté et la police de l’autre, n’ont apparemment pas laissé de traces : ils ont paradoxalement -tout comme la tentative de mettre le feu au quotidien «Hamburger Morgenpost» qui avait publié des caricatures tirées de «Charlie Hebdo»- poussé les Hambourgeois à descendre par milliers dans la rue pour empêcher l’implantation et les manifestations projetées par le mouvement anti-immigration «Pegida» !

Au delà des résultats, les vrais enjeux ! – Si personne n’en attend un renversement profond de tendance, les élections de ce dimanche permettront, à travers les pourcentages de voix recueillis par les uns et par les autres, de prendre le pouls de l’Allemagne. Les voix recueillis par le SPD seront un test pour la coalition SPD/CDU qui gouverne à Berlin. Les voix recueillis par «l’AfD» permettront de jauger l’impact sur l’électorat des problèmes d’immigrations qui perturbent actuellement l’opinion allemande. Les voix qui se porteront sur les «Verts» permettront de confirmer dans quelle mesure les électeurs voient ce parti comme partenaire crédible pour la gestion d’une collectivité.

Les voix réunis par la CDU permettront à ce parti de juger si oui ou non, il est sorti d’une sorte de malédiction compromettant sa progression vers un pouvoir régional dans lequel il était passé maître… hier ! Quant à «Die Linke», on saura si ce parti d’extrême gauche jusqu’à récemment «maudit» parce que engendré par «l’ex-parti communiste» de «l’ex-DDR» confirme sa réhabilitation dans l’univers de la démocratie allemande ! Comme quoi, une élection apparemment sans grand enjeu, peut apporter un éclairage déterminant sur nos sociétés !

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste