Elections : une Allemagne différente et… semblable s’installe !

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(Alain Howiller) – Alors que l’économie allemande, fortement perturbée par les pertes d’approvisionnement en matières premières et en puces électroniques, ne cesse de revoir à la baisse ses taux de croissance (+2,4% cette année contre… +6,6% en France !), tout en réussissant à maintenir un taux de chômage de 5,2% (contre 7,6 % en France).

Le Bundestag, mais quel Bundestag ? – La réorganisation politique du pays, elle, se poursuit après le « tsunami » électoral qui a emporté le rêve d’Armin Laschet de devenir le nouveau chancelier CDU, successeur d’Angela Merkel !

Si la défaite a été marquée pour le groupe CDU/CSU par la perte de 39 sièges et la désaffection de 2,5 millions d’électeurs/électrices qui ont voté SPD (1,3 millions d’après les experts) ou Verts, elle a ouvert la voie à une coalition « SPD/Verts/FDP ». Les négociateurs (trop optimistes ?) espèrent pouvoir signer un contrat de coalition d’ici à la fin de ce mois. Les futurs partenaires ont mis en place… 22 commissions (!) qui travaillent sur ce contrat valable pour la législature.

Une femme 2ème personnage de l’Etat. – En attendant les 736 députés du Bundestag (un chiffre record d’élus), on a perdu quelques vedettes : Horst Seehofer, le Ministre CSU de l’Intérieur, a pris sa retraite politique à 72 ans, après 50 ans de vie politique intense ! Les Ministres (CDU) Peter Altmaier (Economie) et Annegret Kramp-Karrenbauer (Défense) ont renoncé, eux aussi, à leur mandat de parlementaire. Et Wolfgang Schäuble, à 79 ans, a ouvert, pour la dernière fois, la session de ce 20ème Bundestag, cette assemblée où il était entré en 1972 ! Une courte présidence-bilan de doyen conclue pour permettre l’élection de Bärbel Bas, 53 ans, de Duisburg (Rhénanie du Nord-Westphalie NRW), une représentante de l’aile gauche du SPD.

L’élection de Bärbel Bas, qui devient le deuxième personnage de l’Etat dans l’ordre protocolaire allemand, pourrait bien permettre à Frank-Walter Steinmeier, l’actuel Président de la République, de garder son poste au-delà de février où on désigne le nouveau président. Le poste aurait pu échoir à une femme compte tenu du fait que les 5 grands postes de la République Fédérale étaient, jusqu’ici, tous occupés par des hommes !

Angela Merkel dans la tribune d’honneur. – La nouvelle élue est la troisième femme à occuper ce poste : dans la tribune du parlement, s’était d’ailleurs installée Rita Süssmuth, ancienne présidente CDU (1988/1998) du Bundestag. A ses côtés, avaient pris place… Angela Merkel et le président Steinmeier.

Par rapport à l’assemblée précédente, Bärbel Bas présidera un Bundestag plus jeune (la moyenne d’âge est de 47,5 ans (25% des élus ont même moins de 40 ans), plus féminine (34,7% d’élues) et plus ouverte aux élus d’origine étrangère (11,3%). Le groupe le plus important est celui du SPD (206 membres, +83 élus), suivi du groupe CDU/CSU (197 membres, -39 élus), des Verts (118 membres, +51 élus), du parti libéral de droite FDP (82 membres, +12), de l’AfD (83 membres, -11 élus) et enfin « Die Linke » (39 membres, -30 élus).

Comme précédemment, l’AfD est le seul parti à n’avoir obtenu aucune vice-présidence de l’assemblée et Alexander Gauland, un de ses responsables, revendiqua en vain le droit de présider la session en tant que doyen d’âge !

Un nouveau Ministre-Président en « NRW ». – Comme prévu, Armin Laschet a démissionné de la présidence du Land de NRW. Il est remplacé par celui qui, déjà cadre de la CDU, a été son Ministre des Transports : Hendrik Wüst, 46 ans.

Cette élection constitue en fait, avec l’entrée au Bundestag d’Armin Laschet (qui n’aura donc pas tout perdu !), le premier élément d’une réorganisation de fond du parti chrétien-démocrate qui ne veut plus, d’après un de ses responsables, dépendre de l’aura d’un (ou d’une) dirigeant(e) !

Le coup de pied de l’âne de Seehofer ! – Une déclaration en forme de coup de pied l’âne à Angela Merkel qui, pourtant, a permis au parti de régner sur la chancellerie 16 années durant ! Coup de pied de l’âne aussi de Horst Seehofer à Markus Söder, avec ce commentaire : « Même avec lui comme candidat, on n’aurait pas gagné ! » Désemparée dans un premier temps, le parti chrétien-démocrate a engagé sa « remontada » !

Il s’agit, disent les dirigeants, de rajeunir, féminiser et de s’engager vers davantage de solidarité. Le parti veut organiser, à Hanovre, les 22 et 23 Janvier, un congrès de rénovation pour définir un programme, désigner de nouveaux dirigeants, redevenir un « parti populaire » (Volkspartei).

CDU : le président proposé par la base ? – Les délégués des circonscriptions du parti réunis à Berlin(1) ont déjà pris position dans l’une des polémiques nées de la volonté de rénovation : ils ont proposé que désormais, leur président soit élu par la base du mouvement : les organes directeurs de la CDU, saisis de la proposition, ont accepté, du bout des lèvres, la proposition ! Les 400.000 membres du parti donneront leur avis (il pourrait… ne pas être suivi !) qui sera transmis aux délégués du congrès.

Vent de renouveau aussi à l’extrême-gauche qui a quasiment perdu la moitié de ses sièges au Bundestag alors qu’elle préside un Land (la Thuringe) et qu’elle va entrer en coalition dans deux « états » (dont Berlin). Le parti veut redevenir un mouvement d’opposition dur. A l’extrême-droite, la réflexion s’est, elle aussi, engagée après les échecs enregistrés aux législatives : le parti tiendra son congrès le mois prochain à Wiesbaden.

Un gouvernement en Décembre ? – Après l’élection du prochain gouvernement issu de la future coalition, il restera notamment un point à régler dans un paysage politique en évolution : qui remplacera, notamment dans les postes de responsabilité, les membres du SPD, des Verts ou du FDP qui seront devenus ministres ? Le SPD et les Verts ont déjà fait connaître leurs réticences face à d’éventuels cumuls de fonctions ! On devrait en savoir plus lors de la deuxième quinzaine de Décembre au cours de laquelle le gouvernement pourrait être présenté au Bundestag.

Plus que jamais le titre de l’ouvrage de l’historien Alfred Grosser, paru en… 2002, se justifie. Il avait titré son livre : « L’Allemagne de Berlin, différente et semblable. »

Angela Merkel s’est rendue au sommet du G20, à Rome, accompagnée d’Olaf Scholz : la continuité, la complicité des deux dirigeants a marqué les participants au sommet ! L’Allemagne, différente et semblable !

(1) Voir eurojournalist.eu du 2.11.2021.