En Allemagne aussi on vote…

… deux élections-tests auront lieu en Mai de l’autre côté du Rhin !

La composition de la nouvelle diète à Dusseldorf pourrait donner une indication sur le prochain Bundestag. Foto: Pkw98 / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Alain Howiller) – Les hasards du calendrier électoral font qu’on vote en France et en Allemagne le 7 Mai. Pour la France, il s’agira, bien sûr, du deuxième tour de l’élection présidentielle, pour l’Allemagne, il s’agira d’une consultation électorale bien plus modeste : il s’agira de renouveler le parlement régional du Schleswig-Holstein. Une élection dont l’impact sera renforcé par le renouvellement, huit jours plus tard -le 14 Mai- du parlement de la Rhénanie du Nord – Westphalie (NRW) dont la population représente un peu plus de 23% de la population allemande. Les deux élections auront lieu un peu plus de 4 mois avant les élections législatives du 24 Septembre. Elles pourront apporter des indications précieuses sur l’état de l’opinion avant le renouvellement du Bundestag et sur la compétition engagée entre Angela Merkel qui brigue un quatrième mandat de chancelière et Martin Schulz qui veut porter le SPD au pouvoir à Berlin.

Le résultat des récentes élections en Sarre (le 26 Mars) où la chrétienne-démocrate Annegret Kramp-Karrenbauer avait conservé le Land à la CDU avec 40,7% des voix, avait sonné comme un avertissement pour les dirigeants du parti social-démocrate SPD : ils avaient espéré remporter le Land en bénéficiant de l’image de Martin Schulz qui avait été désigné, peu de temps auparavant, comme tête de liste du SPD aux législatives du 24 Septembre. Espoir déçu alors que les sondages avaient enregistré « un effet Schulz » dans l’opinion : le leader social-démocrate, élu Président du SPD, avait même réussi à devancer Angela Merkel et à relancer son parti qui enregistrait un nombre important de nouvelles adhésions (+ 16.000 depuis le début de l’année). Mais tout porte à croire que « l’effet Schulz » s’est tassé et que Angela Merkel et la CDU sont en train de reprendre la main.

Quand le SPD définit son programme ! – Même si le SPD ne définira qu’à la fin du mois de Juin son programme de campagne, les orientations qui filtrent à travers les discours du candidat social-démocrate n’ont peut-être pas (encore ?) rencontré l’adhésion des électeurs peu habitués à être confrontés aux thèses de Schulz qui, pourtant, a placé au cœur de ses revendications, une amélioration de la rémunération du travail, une approche « anti-austéritaire » de la politique prônée par Wolfgang Schäuble, et un souci d’équité devant l’impôt (davantage frapper les hauts revenus). Des arguments que les partenaires économiques de l’Allemagne ne manqueront pas de suivre de près dans la mesure même où les traités européens devraient pousser l’Allemagne, confrontée à des excédents importants, à relancer la consommation intérieure et donc les importations !

Si le discours de Schulz peine à convaincre, les premières piques lancées par Merkel contre son adversaire, le durcissement de sa politique à l’égard des « migrants », le soutien de la population dans la lutte du gouvernement contre le terrorisme contribuent à la remontée d’Angela Merkel dans les sondages. La chancelière n’a-t-elle pas soutenu Thomas de Maizière, son Ministre de l’Intérieur qui voulait renforcer le pouvoir fédéral vis à vis des länder et ne s’est-elle pas payé le luxe de critiquer les länder dirigés par la gauche, auxquels elle reproche un manque de détermination dans la lutte contre le terrorisme ! La bonne santé de l’économie (le chômage n’a jamais été aussi bas) est venue, elle aussi, au secours de Merkel, de la CDU et sa filiale bavaroise, la CSU. Le tassement relatif de l’AfD (tombé à 8% dans les intentions de vote, le parti se redresse légèrement et évolue à nouveau vers 10%) a sans doute contribué, lui aussi, au redressement.

Amélioration du classement dans le « Top Ten » des politiques ! – La CDU a retrouvé ses marques avec 34/35% des intentions de vote aux législatives et le SPD qui flirtait avec les mêmes indices, recule à 30/31% selon les instituts de sondage. Certes, pour la CDU le chemin est encore long pour retrouver les 41,5% de voix obtenus lors des élections législatives de 2013 et le SPD améliore ses perspectives par rapport aux scores obtenus alors (25,7% des voix), mais Martin Schulz a reculé à la quatrième place du classement des 10 hommes politiques les plus appréciés tandis qu’Angela Merkel retrouve une deuxième place appréciée, derrière Winfried Kretschmann, le Ministre-Président « Vert » du Bade-Wurtemberg et devant l’inusable Wolfgang Schäuble, le Ministre CDU des Finances, candidat aux législatives dans l’Ortenau.

Si les Allemands désignaient leur nouveau chancelier par un vote direct, ils se prononceraient (sondage d’avril) pour Angela Merkel à 48% et à 40% pour Schulz : dans le sondage de Mars, Schulz et Merkel se retrouvaient tous les deux à… 44%. Du coup, 49% des sondés (31% y sont hostiles) seraient à nouveau favorables à la reconduction (!) de la coalition CDU/CSU/SPD actuellement au pouvoir à Berlin. Par contre, 62% seraient hostiles à une coalition… SPD/Verts/Die Linke !

Un renouvellement qui pèsera ! – Schulz a déjà du chemin à refaire : sa participation active à la campagne actuelle en vue des élections du 14 Mai dans le land de Rhénanie du Nord – Westphalie (NRW), la publication du programme de gouvernement du SPD, lui donnera-t-elle une occasion de rebondir ? Pour saisir davantage l’état de l’opinion, les observateurs auront, très prochainement, deux cas pratiques à étudier : le 7 Mai le Land de Schleswig-Holstein (dirigé par une coalition SPD/Verts/Minorité danoise) renouvellera son parlement régional, tandis que le land de Rhénanie du Nord – Westphalie (dirigé par une coalition SPD/Verts) fera de même huit jours plus tard. Le renouvellement du Parlement du Schleswig-Holstein pourrait bien, une fois de plus, écarter la CDU du gouvernement du Land au profit soit de la reconduction de la coalition sortante soit au profit d’une coalition SPD/FDP/Verts. Mais ce qui pourrait être un « test-grandeur nature », ce sont les élections du 14 Mai, dans lesquelles Martin Schulz s’est beaucoup investi pour voler au secours de la ministre-présidente sortante (Hannelore Kraft), au pouvoir depuis 2010, qui semble être confrontée à une relative usure du pouvoir !

Si la plupart des observateurs n’escomptent pas de changement important au Schleswig-Holstein, les regards sont plutôt tournés vers la Rhénanie du Nord Westphalie. Compte tenu du poids démographique et économique (la Ruhr) du Land (plus de 23% de la population allemande !), compte tenu, aussi, de la proximité des élections au Bundestag (dans 4 mois environ), ces élections sont réputées apporter des indications sur ce qui risque d’arriver après la consultation électorale du 24 Septembre. On se souvient que c’est après que le SPD ait perdu les élections régionales de 2005 en Rhénanie du Nord – Westphalie, que Gerhard Schroeder avait décidé la dissolution du Parlement, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles élections générales qu’il perdra au profit de… Angela Merkel !

La préfiguration de Septembre ? – La proximité des élections au Bundestag font qu’on suivra de près ce qui se passera en NRW le 14 Mai : les coalitions qui naîtront à Dusseldorf pourraient bien préfigurer celles qui s’imposeront, en Septembre, au niveau fédéral ! Les postures que les politiques adoptent ici le laissent entendre en tous les cas. Avec ce bémol qu’il ne faut jamais oublier lorsqu’on parle de politique : dans cette activité « jamais ne veut jamais dire… jamais ! »

En NRW, la CDU, en progrès dans les intentions de vote et le SPD, en légère régression, ont fait savoir qu’ils ne souhaitaient pas constituer une grande coalition : cette approche est conforme à celle exprimée sur le plan national. Christian Lindner, président fédéral et tête de liste en NRW du parti libéral FDP, a souligné que son mouvement ne participerait pas à une coalition comptant le SPD et les Verts : cette décision est aussi valable sur le plan national !

Le SPD espère que Die Linke entrera au Landtag, ce qui, en l’état, est loin d’être assuré. Die Linke pourrait faire l’appoint dans une coalition SPD/Verts soit comme participant au gouvernement soit comme « sleeping partner » appuyant, au coup par coup, une coalition minoritaire SPD/Verts. La ministre-présidente sortante s’était déjà essayée -avec succès- à mener une coalition minoritaire, en 2010. Le problème étant que si Die Linke n’entre pas au Landtag, sur quel soutien pourra-t-elle compter ?

Le refus de L’extrême-droite. – La CDU comme le SPD se refusant, à juste titre, à tout accord avec le parti d’extrême droite AfD, la situation devient compliquée et en l’état actuel des choses, il sera difficile de trouver une majorité de gouvernement si aucun des partenaires possibles n’évolue et renonce à ses oukases ! C’est ce qui rend la situation encore plus intéressante : NRW pourrait, dès lors, être le « laboratoire » de la formule de gouvernement qui pourrait s’imposer demain à Berlin ! D’autant qu’une solution a toujours été trouvée dans le passé face aux « apparentes majorités introuvables ! »

A quatre mois des élections pour le renouvellement du Bundestag, les incertitudes régionales reflètent les questions que les électeurs se posent au niveau fédéral. Mais personne n’oublie que beaucoup de choses peuvent encore changer d’ici à l’automne.

Le match Merkel/Schulz trouvera fatalement une issue en compétition électorale, au contraire du football, il n’y a pas de tirs au but pour trouver une issue à un match nul éventuel. D’ailleurs, en politique, peu importe le niveau des compétiteurs, il n’y a pas… de match nul !

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