En Pologne, ça bouge, décidément !

Allemands, 11 Novembre, coupables turgescences

En Pologne, une sucette prohibitive Foto: Mamiejeanjean / Wikimédia Commons / CC-BY-SA / 3.0Unp

(MC) – La Pologne ressemble parfois à un tourbillon. Il s’en passe, des choses… Des mauvaises et des meilleures.

On peut constater d’assez vives tensions entre l’Allemagne et la Pologne nationaliste du parti PiS (Droit et Justice), dirigé par Jarosław Kaczyński. Une certaine animosité est palpable depuis l’accession de ce parti au pouvoir, en 2015. Les rapports entre les 2 pays, depuis les années 1960, sont assez réservés, malgré le nombre très important de Polonais qui vivent et travaillent chez leurs voisins de l’Ouest ; surtout depuis les années 1990. Et pourtant, un sondage IPSOS, effectué l’an dernier, indiquait que 86 % des Polonais avaient une opinion favorable des Allemands… contre 29 % des Allemands qui à l’inverse, auraient une opinion favorable de leurs voisins de l’Est. Intéressant.

Cette tension est savamment entretenue par le parti PiS, actuellement au pouvoir. Il y a le poids énorme de ce mastodonte économique de l’Ouest qui suscite de l’admiration, de l’envie et du ressentiment à la fois. Et puis l’ombre portée des blessures de la seconde guerre et du nazisme subsiste, qui ne s’effacera jamais. Ces deux facteurs se trouvent à l’origine, au moins indirecte, des inimitiés récentes entre les deux pays, d’ailleurs toutes relatives.

En effet, le désaccord actuel des 2 pays sur la politique des migrants – qui s est traduit ce weekend par l’expression du refus par la Pologne de signer le Pacte de migration de l’ ONU, à l’instar de la Hongrie, de la République Tchèque et… des Etats-Unis d’Amérique – peut sans aucun doute être défini comme une conséquence du sentiment d’écrasement économique par la République fédérale. La Pologne, tout au moins le parti au pouvoir (mais pas seulement lui et ses partisans) considère qu’elle ne peut porter le même fardeau économique que l’Allemagne, ni maîtriser avec la même apparente et relative facilité l’afflux de milliers de migrants chez elle.

A tort ou à raison. Mais il est vrai que ces deux pays présentent des différences très importantes : le PIB de la population polonaise est très inférieur à celui de l’Allemagne, et sa population beaucoup plus jeune ; ainsi, l’économie polonaise trouverait beaucoup moins facilement comment « digérer » dans le marché de l’emploi cette main d’oeuvre potentielle. Le Brexit lui-même devient par ailleurs un sujet de polémique, puisque le gouvernement polonais demande à l’Union Européenne, sans contribution supplémentaire de la part de Varsovie, de remplir le trou budgétaire que laissera le départ de nos chers amis britanniques agités d’un mouvement brownien.

Mais le vrai problème est l’utilisation démagogique et, pour user d’un mot in, clivante de ces thèmes, par le PiS au pouvoir – qui d’ailleurs, l’est dans les voïévodies, mais non dans les grandes villes. Le parti de Kaczyński entretient à la fois savamment et avec brutalité un antagonisme plus ou moins larvé.

Ainsi, l’an dernier, il a fait remonter à la lumière, de certaines cavernes croupissantes, la question des indemnités de guerre ; un monstre du Loch Ness qui a refait surface opportunément dans la presse populiste juste avant la visite d’Angela Merkel à Varsovie, ce weekend. Et le président polonais, Andrzej Duda, a même affirmé que cette question serait évoquée avec la chancelière.

L’Allemagne nous doit 840 milliards d’ euros, clame-t-on. Il est vrai que l’Allemagne nazie a totalement détruit le pays entre 1939 et 1945 (62 % de son industrie, 85 % de ses infrastructures, presque 20 % de sa population) et qu’elle se trouve à l’origine de plus de 40 années de domination soviéto-stalinienne.

La Pologne a, certes, renoncé officiellement à ces réparations de guerre en 1953 ; mais le PiS et ses petits camarades arguent que cet accord avait été extirpé par les Russes, du moins imposé par l’influence irrésistible des Soviétiques. Les Allemands font valoir, eux, que l’Allemagne démocratique actuelle n’a plus rien à voir avec l’Allemagne nazie. Ils ont tous deux raison.

Autre sujet qui agite les esprits dans le pays de Mickiewicz et de Chopin : les manifestations du 11 Novembre. Ce jour là, on célébrera le centenaire de l’Indépendance polonaise, particulièrement lors de la Marche de l’indépendance qui depuis 2009, a lieu maintenant chaque année à la même date. Acte d’ unanimité patriotique ? C’est ce que disait vouloir le président, Andrzej Duda. Mais il y a problème : cette manifestation est devenue celle des ultranationalistes et des identitaires de Młodzież Wszechpolska ( « Jeunesse de toute la Pologne ») et d’ONR (« Camp National radical »). L’an dernier, cette Marche a rassemblé… près de 100 000 manifestants, dont beaucoup venus de l’étranger (de Hongrie, de Slovaquie, de Suède…).

Hélas, le gouvernement PiS s’est pris à son propre piège : en effet, le parti et ses alliés tenaient chaque année une manif commémorative du crash de Smolensk (2010), où le gouvernement tout entier s’est retrouvé qui au Paradis des démocrates gentils, qui dans l’Enfer des magouilleurs corrompus. Et pour se protéger des contre-manifestants, le PiS a édicté une loi qui imposait la prééminence des manifestations « cycliques », celles qui ont lieu au même moment de l’année à intervalles réguliers. Eh bien, c’est le cas de cette Marche pour l’indépendance du 11 Novembre. Sauf que les fascistes ardents de l’ONR et de MW refusent tout net la présence des fascistes tièdes du PiS…

Voilà qui est embarrassant : la démonstration d’unanimité restera, tant qu’elle existera, une démonstration de force de l’extrême-droite où l’on chante entre autres un drôle de Dieu qu’on imagine sans doute armé de lance-missiles (« My chcemy Boga », Nous voulons Dieu, ou bien « Dieu, le foyer, l’honneur »). Mais le PiS n’entretient-il pas quelque arrière-pensée moins négative et plus coupable dans cette tolérance d’une manif borderline ?

Le PiS souffre d’ailleurs d’ une double déception puisque, réduit à la célébration des cérémonies officielles, il y verra bien peu d’opposants : le maire d’opposition de la grande ville de Poznań organise en effet des célébrations parallèles. Y seront invités les anciens présidents Wałęsa, Kwaśniewski et Komorowski, qui se sont empressés d’accepter l’invitation. Donald Tusk aussi est invité. Viendra-t-il ?

Enfin, un autre facteur d’agitation équinoxiale en Pologne : le succès fracassant que remporte le film Kler (Clergé), réalisé par Wojciech Smarzowski. Ce film traite des turgescences sacerdotales. Turgescences plus que coupables lorsqu’elles sont suscitées par la fraîcheur enfantine.

Un événement réellement extraordinaire que le retentissement de cette œuvre, dans ce pays ardemment catholique et cléricaliste. Le film bat tous les records d’affluence. Il bat même La Passion du Christ. Il a permis de ramasser, depuis le 12 octobre, à peu près 20 millions d’euros ! Et bientôt, on pourra le voir dans le monde entier. Les citoyens polonais discutent et disputent plus que vivement de cette production qui expose très crûment ce saint que vous ne vouliez voir ni nu ni en érection. Droit et Justice au pouvoir n’est pas content, mais pas content du tout. Voilà une bonne nouvelle.

Et puis hier a eu lieu le second tour des élections municipales et régionales. Il fallait suivre tout particulièrement les résultats des élections de Gdańsk : en effet, le candidat de la Plateforme civique devait l’emporter très largement sur le candidat du PiS.

Voilà la seconde bonne nouvelle.

 

 

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