En Sicile : incohérence et confusion

Que faire, maintenant ?

En Sicile : une rue de Valguarnera Foto : Davide Mauro/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/4.0Int

(Marc Chaudeur) – Notre amie Rosalia Billeci, médecin à Palerme, nous informe sur la marche des événements en Sicile. La peur règne, la confusion semble s’être installée. Malgré le nombre assez restreint de victimes pour l’instant, tout est en place pour que les choses se passent plutôt mal. A moins qu’on se ressaisisse.

La Sicile est très loin des chiffres vraiment hallucinants de la Lombardie et de quelques autres régions septentrionales de l’Italie (en Lombardie, plus de 27 000 personnes atteintes, et presque 3500 morts !). Le COVID-19 n’a pour le moment fait « que » 8 morts, sur environ 630 personnes infectées. La Sicile, rappelons le, ce sont 5 millions d’habitants sur 26 000 kms2, par conséquent une densité assez forte, à peu près le double de la France. Mais par manque de rigueur, par les effets de la peur bien compréhensible des Siciliens, beaucoup de médecins actifs là-bas craignent que la situation ne tourne à la catastrophe.

Rosalia Billeci est de ceux là. Elle habite à Palerme, dans un quartier à la fois populaire et très central. Pas encore de gentrification, là-bas… Et elle est confrontée depuis le début de l’épidémie à de graves problèmes. Le principal, pour elle, c’est l’absence crasse de prise en charge des malades, dès lors qu’ils sont atteints de fièvre. Une personne atteinte de fièvre, les médecins ne la visitent pas, et les hôpitaux ne la gardent pas. Alors , que peut faire cette personne ? Eh bien, il lui reste à mourir chez elle !, dit Rosalia. Coronavirus ou non. Car la fièvre en soi ne signifie pas grand-chose : en tant que symptôme , elle ne peut être interprétée qu’associée à d’autres symptômes. En Sicile, actuellement, on peut donc mourir sans soins dès lors qu’on présente une température élevée.

Rosalia évoque une situation très difficile où se mêlent peur, inaction, confusion, improvisation et, pour finir, « régression » : régression des mœurs, de l’entraide, du simple respect. Notamment quand après avoir tout essayé, le ou la malade, qui n’est pris en charge ni par les hôpitaux, ni par les médecins, est visité par les secours publics (en Italie, le 112) sous l’aspect d’un infirmier revêtu d’une combinaison hyper-étanche d’extra-terrestre ; terreur dans l’immeuble, branle-bas de combat, et mise à l’isolement social du patient !

Dans une interview publiée par le journal sicilien Meridionews, Rosalia donne l’exemple d’une femme de 50 ans – relativement jeune, donc – souffrant d’une maladie des ganglions, sans rhume, ni difficultés respiratoires, sans aucun contact avec des personnes à risque. Aucune visite d’un quelconque médecin ; on lui prescrit des antibiotiques, qui s’avèrent inefficaces. Rosalia et son médecin traitant (virtuel) lui suggèrent donc de se rendre à l’hôpital le plus proche, au centre de l’Ile. Mais là-bas, personne ne l’examine !

Autre exemple significatif donné par Rosalia Billeci : un patient sourd vient la voir chez elle, puisqu’ il ne peut consulter par téléphone. Reconnaissant, il lui offre une bouteille… Mais ces soins ne devraient-il pas, normalement, aller de soi ?

Que faut-il faire, dans ce cas ? Le médecin ne vient pas et n’est pas disponible, l’hôpital renvoie les malades chez eux, les postes de premiers soins n’acceptent les malades que s’ils appellent, courriellent, sont choisis par une clinique ou… un généraliste !

Quant aux instructions, aux recommandations et aux mesures décrétées à Rome ou à Palerme, elles mêmes sont source de confusion : Rosalia affirme que chaque médecin ou presque les interprète à sa manière… C’est là une source grave de désorganisation et d’inefficacité.

On ne peut donc que difficilement se montrer optimiste sur les conséquences à venir en Sicile de la propagation du COVID-19. Une réorganisation serait nécessaire. Mais elle est d’autant plus difficile que les moyens médicaux, les lits d’hôpitaux, le personnel manquent.

On connaît cela ailleurs, dans un pays voisin au Nord, dans une mesure un peu moindre. Un peu… Il faut essayer de se ressaisir.

A consulter (en italien) : https://palermo.meridionews.it/

 

 

 

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