Encore un procès concernant le camp de concentration Stutthof

L’inculpée âgée aujourd’hui de 96 ans, était secrétaire au camp de concentration Stutthof près de Gdansk. Une nouvelle fois, il se pose la question de la culpabilité individuelle.

Le symbole de la barbarie humaine - le crématoire du camp de concentration Stutthof. Foto: Diether / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – Plus le temps avance, plus les procès contre les collaborateurs du système des nazis paraissent étranges. Pourtant, que ce soient les responsables, les gardiens, les kapos, les secrétaires, tous les inculpés dans ces procès ont contribué à faire fonctionner la machine meurtrière des nazis, ont contribué à la Shoah, ont participé au plus grand crime contre l’humanité jamais perpétré. Et les crimes contre l’humanité ne peuvent et ne doivent pas tomber dans les oubliettes. Mener ces procès est donc important, même si on arrive à ressentir de l’empathie pour une vieille dame de 96 ans qui, le jour de l’ouverture de son procès, a tenté de prendre la fuite, mais à 96 ans, la mobilité réduite ne permet pas d’aller loin. Irmgard F. a été reprise seulement quelques heures après sa tentative de fuite et elle devra faire face à l’un des derniers procès qui essaiera d’apporter des éclaircissements quant au système des nazis.

Irmgard F. avait 18 ans lorsqu’elle travaillait dans le secrétariat de l’administration du camp de concentration Stutthof. On lui reproche „complicité de meurtre“ dans 11.000 cas, un crime qui ne peut pas être prescrit. Toutefois, l’appréciation de ces cas est très difficile – il n’y a plus de témoins en vie, l’inculpée était très jeune au moment des faits et presque 80 ans plus tard, il est quasiment impossible de déterminer sa part de responsabilité dans une machine meurtrière qui occupait 500.000 personnes.

Mais Irmgard F. n’a pas la conscience tranquille. Le matin du premier jour du procès devant le Tribunal de Grande Instance de la ville d‘Itzehoe dans le nord de l’Allemagne, Irmgard F. a quitté l’EHPAD où elle vit, mais au lieu de se rendre au tribunal, elle partait à Hambourg – une réaction de panique, qui prouve toutefois qu’elle est en possession de ses capacités physiques, ce qui devrait permettre le déroulement de ce procès.

Evidemment, ce nouveau procès relance le débat si ça sert à quelque chose de mener des procès 80 ans plus tard, contre des personnes en toute fin de vie. La réponse est simple – oui. Le nazisme et ses crimes odieux n’est pas un épisode de l’histoire, mais la négation absolue de tout humanisme et on ne peut pas laisser tomber ces crimes dans les oubliettes, ne serait-ce que par respect pour les 65.000 personnes ayant été assassinées au camp du Stutthof.

Généralement, ces procès se soldent par des peines relativement courtes, souvent assorties d’un sursis. Pourtant, l’importance de ces procès réside à la fois dans le message aux victimes que leurs souffrances ne restent pas impunies et dans un deuxième message qui s’adresse aux générations actuelles: « Les crimes contre l’humanité seront poursuivis, aussi longtemps que ce soit nécessaire et possible ».

Irmgard F. a été reprise à Hambourg et elle devra faire face à son procès. Si humainement, on peut comprendre que ce procès doit être très difficile à vivre pour Irmgard F., il ne faut pas oublier que ce que les victimes du nazisme ont vécu au camp du Stutthof, était bien plus grave.

Il y a encore plusieurs procès de ce type en attente, systématiquement contre des personnes qui approchent les 100 ans. Il faudra tous les mener, il ne faudra pas fermer ce chapitre sous prétexte que les inculpés soient très âgés. Il s’agit d’une appréciation juridique du nazisme et même si ces procès viennent des décennies trop tard, il est important d’aller jusqu’au bout. Des crimes comme ceux commis par les nazis ne peuvent pas être oubliés et amnistiés. Et Irmgard F. peut s’estimer heureuse que son procès n’ait lieu que maintenant. En principe, les criminels de guerre devraient se trouver en prison depuis des décennies. La liberté qu’Irmgard F. a pu vivre jusque maintenant, les victimes du Stutthof auraient bien aimé la vivre aussi.

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