Epilogue pour un tramway nommé Désir ?

A ceux qui auraient tendance à l'oublier, un projet de tram est un formidable outil pour des projets de ville vécus comme des « processus de mobilisation territoriale visant à transformer la forme physique, l’économie et l’image des villes dans un contexte de compétition interurbaine ».

Par où passera le tram nord de la CTS, si jamais il passera ? Foto: Eole99 / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Francis Alexis Hammer) – Pour autant, ainsi que le notait Pierre Bourdieu, il s’agit pour tout nouveau projet, de favoriser une forme de connivence avec ceux qui en sont les destinataires : « Le langage d’autorité ne gouverne jamais qu’avec la collaboration de ceux qu’il gouverne, c’est-à-dire grâce à l’assistance des mécanismes sociaux capables de produire cette complicité ».(1) Un processus, qui lorsqu’il réussit à se parer de l’onction des gouvernés, ne peut que sortir renforcé dans sa recherche de légitimité et consécutivement de sa faisabilité.

Le tram Wolfisheim / Strasbourg / Vendenheim – Concernant ce vieux serpent de mer, on ne peut que s’étonner du silence de certains élus locaux concernant sa partie ouest Strasbourg / Wolfisheim, là où souvent les mêmes, sont vent debout contre sa partie nord Strasbourg / Vendenheim. Tout cela au nom d’arguments dont certains laissent dubitatifs. Avec cités en vrac « les commerces », « les itinéraires cyclables », « la grosse conduite de gaz », « les expropriations envisagées », « les relations impossibles entre voisins » ou encore, pour suivre Jean Louis Hoerlé (alors 1er adjoint à Bischheim), les « problèmes de stationnement », « d’accessibilité des commerces et des garages ». (2)

Des oppositions, qui au fil du temps se sont multipliées, parfois contredites ou transformées, comme cette préférence pour un renforcement du réseau de bus CTS avec des cadences accrues et des bus articulés sur la ligne 6 route de Brumath (cf: J.L. Hoerlé, et Pierre Perrin, maire de Bischheim et de Souffelweyersheim). (3)

Une position contraire à celle d’Hélène Hollederer, qui, en 2018, candidate à la mairie de Schiltigheim, prenait fait et cause pour un tram passant « par la route de Bischwiller qui desservirait différents points d’intérêt, le futur quartier Fischer, le centre, le Pixel Museum, quitte à zigzaguer dans les rues ». (4)

Une position également contraire à celle de Danielle Dambach, restée fidèle à sa promesse de campagne aux municipales de 2018, lorsqu’elle se prononçait pour « la relance du projet de tram, voté en 2013 sur l’avenue du général de Gaulle à l’Ouest, jusqu’au quartier populaire des Écrivains ». (5)

Toutes ces prises de positions ont aujourd’hui de quoi décontenancer le citoyen lambda dans sa quête d’éléments tangibles. Entre les tenants du statut quo et les partisans de l’un ou l’autre tracé du tram, « deux lectures sont possibles qui paraissent s’opposer : ce que représente le tramway dans et pour un quartier et ce qu’il représente à l’échelle de la ville ou comment un projet de tramway prend alors place dans un projet urbain ? » (6)

La concertation publique, outil indispensable du projet de tram au nord de l’Eurométropole – Dans cette phase cruciale qu’est la concertation publique en cours, le projet de tram allant de Strasbourg vers Vendenheim, arrive à une sorte d’acmé. Par-delà la position de nombre d’élus locaux et d’acteurs de la société civile, ce qui se joue, est bien une certaine vision du futur de la conurbanisation nord de l’Eurométropole. De fait, en éliminant la position soutenue par les maires Hoerlé et Perrin qui ne figure pas dans la concertation, les 3 tracés proposées au public, sont de nature à peser différemment sur le futur de cette conurbation.

Pour faire court, la variante empruntant le sud de la route de Bischwiller, puis serpentant à travers les rues de la ville pour rejoindre la gare de Bischheim et en dernier le quartier des Ecrivains, ne correspond pas au critère d’une plus grande rapidité de temps de parcours telle qu’elle est exigée pour un tram.

Celle empruntant la totalité de la route de Schiltigheim pour s’arrêter à la rue du Souvenir à Bischheim, suppose un accord entre les deux municipalités, ce qui aujourd’hui, est loin d’être le cas. De plus, et de façon non accessoire, cette variante entre en opposition avec la volonté de la municipalité schilickoise de faire de la route de Bischwiller « une rue qui ne donne plus la priorité à la voiture, (en proposant) axe apaisé, avec des trottoirs larges et de la place pour les cyclistes ». (7)

Reste la variante à l’ouest de Schiltigheim / Bischheim passant par la route de Brumath. Un tracé rectiligne allant vers Hoenheim et Souffelweyersheim, et par-delà vers Vendenheim avec sa zone commerciale et sa gare, véritable hub du futur pour les voyageurs venant de l’ouest et du nord de l’Alsace. Avec un premier tronçon qui pourrait s’arrêter au niveau de la rue de Mundolsheim à Bischheim, une voie à large gabarit en proximité de terrains non construits permettant l’installation d’un parking relais à moindre frais.

Pour ses tenants, son principal intérêt réside dans sa capacité à offrir aux quartiers populaires traversés (quartiers des Généraux, Ecrivains, SNCF, Vendenheim), les mêmes commodités que celles déjà offertes aux quartiers populaires de Strasbourg, ainsi qu’à ceux du Wirhel à Ostwald ou du Marais à Schiltigheim. L’arrivée du tram en ces lieux serait de nature à dynamiser la transformation urbanistique qui ne manquerait pas de s’ensuivre, capable au demeurant de favoriser la mixité sociale en répondant utilement à la problématique des discriminations socio-spatiales souvent cumulatives. Un pari possible lorsqu’on sait que dans les quartiers populaires, les rapports au territoire sont immanquablement aussi des rapports à la mobilité, à ses cadres de vie, ses espaces et ses limites.

Faire d’une pierre deux coups ? – A lire les positions des uns et des autres (élus et société civile) concernant les tracés, routes de Bischwiller et de Brumath, celui traversant les quartiers populaires de l’ouest de Schiltigheim et Bischheim, semble tout à la fois :

• revivifier ces quartiers au vu des effets qui accompagnent la mobilité.
• remodeler par ricochet la voierie de la route de Bischwiller permettant un apaisement des flux, et au-delà, de développer de tout ce qui a trait aux commerces et aux services de proximité.
• obliger à une meilleure prise en compte des circulations est/ouest qui aujourd’hui posent problème.
• associer l’A35 (transformée en boulevard urbain) et la route de Brumath au service d’une meilleure régulation des circulations de transit et de proximité.
• permettre aux gares urbaines du nord de l’Eurométropole de s’inscrire pleinement dans un schéma redéfini des mobilités/transports.

1. Pierre Bourdieu, Ce que parler veut dire, Paris, Fayard, 1982, p. 113.
2. https://www.dna.fr/edition-de-strasbourg/2012/07/13/le-choc-des-opinions
3. https://www.dna.fr/economie/2021/04/01/tram-hoerle-et-perrin-militent-pour-une-solution-alternative
4. https://www.rue89strasbourg.com/municipales-tramway-schitigheim-170442
5. ibidem 4
6. http://www.urbanisme-puca.gouv.fr/IMG/pdf/01_rapport_final_proneg_tram_aout_2010.pdf
7. https://c.dna.fr/economie/2021/09/01/tram-nord-choisir-le-bon-trace-pour-le-schilick-de-demain
8. ibidem 6 page 27

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