Epiphanie : les trois Reines mages

Elles suivent la belle étoile de l’Europe

Les Trois filles de Sophie (la Sagesse). Eglise d'Eschau, en Alsace Foto: Ralph Hammann/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/ 4.0Int

(Marc Chaudeur) – Aujourd’hui, le 6 janvier, c’est le jour où l’on célèbre traditionnellement l’arrivée des trois Rois mages, venus saluer Jésus à peine né et souligner la supériorité de ce petit être aux mains nues sur leur propre majesté de sages et de rois. Mais les temps ont un peu changé, comme le chantait Bob Dylan dans les années 1960, déjà.

Il semblerait, actuellement, que les Rois mages sages nagent dans un océan de folie : par exemple, quand Trump rodomonte sa prétention à détruire 52 sites iraniens, alors qu’il suffirait qu’on le force, ligoté et surtout bâillonné, à visiter Yazd et Chiraz : il y apprendrait ce que le mot «civilisation«  signifie. Mais dans l’Histoire des hommes, y compris dans leur Histoire actuelle, il se passe des choses positives, encourageantes et qui nous font apercevoir une brillante étoile entre les nuages obscurs. Aujourd’hui, ce sont des  Reines mages qui nous visitent. Nous les avons aperçues aujourd’hui, nos trois Reines mages, qui cheminaient sur leurs dromadaires nourris à l’herbe bio garantie sans pesticide.

Sur leurs dromadaires, nous voyons Greta Thunberg, Zuzana Čaputová et Laura Codruţa Kövesi. Trois femmes, oui oui. Etrange pour un pays aussi macho que la Mésopotamie, dont on dit qu’est issue cette royauté ? Mais ne répète-t-on pas sans cesse que la religion qui célèbre cette dernière est une religion universelle ?

Greta Thunberg, on ne la présente plus. Malgré les procès d’intention, les insultes, les insinuations, les assertions péremptoires, malveillantes et complotistes à son égard, il n’est pas exagéré d’affirmer que la jeune fille suédoise, avec son apparence si fragile, son Asperger et sa roideur luthérienne, ont transformé la manière de voir le monde de millions de personnes.Et convaincu les multitudes de l’urgence de la tâche. Et surtout, espérons le, mis les dirigeants et chefs d’État du monde entier au pied du mur. Première conséquence pragmatique pour nous, citoyens : n’élisons plus des hommes (et femmes) politiques qui n’agissent pas dans le sens de l’urgence climatique ou qui ne respectent pas leurs engagements à cet égard.

Les deux autres, les deux jeunes Melchior et Balthazar en brocart, on les connaît moins bien, du moins en France dont la population ne brille guère par son attirance pour les langues étrangères.

Zuzana Čaputová a été élue Présidente de son pays en mars 2019 : écologiste et progressiste, elle était une candidate de rupture. Contre l’ambiance délétère qui avait envahi la Slovaquie : des miasmes dûs à la corruption, aux sutures non cicatrisées de la période stalinienne, et surtout, tout cela étant évidemment noué ensemble, aux liens intimes qui unissaient de manière de plus en plus fatidique la politique et le crime organisé. L’événement déclencheur d’un véritable soulèvement de la société civile contre cette putréfaction en marche, ç’a été le meurtre d’un jeune journaliste, Ján Kuciak, fin février 2018, auquel le chef et plusieurs membres du gouvernement « social-démocrate » (honte !) étaient plus que mêlés.

A Noël, on a pu voir la Reine mage slovaque quitter sa robe de brocart et confectionner des gâteaux dans un hospice pour vieilles personnes, vêtue d’un tablier de toile genre mamie alsacienne des années 1970, ce qui n’est pas fréquent pour une Reine. Espérons très fort que tout ce qu’annoncent la personnalité de la Reine Čaputová et son projet écolo-progressiste se réalisera dans les trois ou quatre années à venir.

En Roumanie, Laura Kövesi, elle, lutte au moins depuis 2013 contre la corruption généralisée dans tous les milieux, et cela au sein d’un parquet – assez ancien, déjà, puisqu’il remonte à 2002 – appelé DNA (Direction Nationale Anticorruption). Madame Kövesi, une personne absolument admirable, a eu toutes les peines du monde à conserver sa place de Procureure, soumise aux attaques dures, incessantes et obstinées du Premier ministre et de son entourage. Nous en avons parlé abondamment ici même. Et récemment, le 1er octobre 2019, Madame Kövesi , après avoir subi les mêmes attaques et les mêmes outrages du gouvernement de son pays, et cependant protégée par le Président roumain Claus Iohannis, a été choisie à la tête du Parquet Européen (ou «Bureau du Procureur Général Européen»). Celui-ci a pour destination – et, nous l’espérons, aura pour activité, dans la prochaine décennie – la lutte contre la corruption ; cette fois, pour la première fois dans l’histoire, à un niveau européen global. Une institution d’une nature et d’une ampleur tout à fait inédites.

Longue vie à nos Reines mages européennes ! Les Rois sont morts, vive les Reines !

 

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