Erdogan assassine Kemal Atatürk

Suite au référendum scandaleux, la Turquie se transforme en une dictature présidentielle. La Turquie démocratique et laïque de Kemal Atatürk est finie.

Erdogan est passé par la - la fin de la Turquie de Kemal Atatürk. Foto: Shlomo Cohen / Wikimedia Commons / CC0

(KL) – On ne saura jamais à quel point ce « référendum » turc a été manipulé, tout comme on ne saura jamais si le « poutsch » de l’année dernière, prétexte pour les changements en Turquie, n’avait pas été orchestré par Erdogan et ses sbires. Toujours est-il que la Turquie vient d’enterrer 100 ans d’histoire démocratique et ces changements obligent l’Europe à prendre position.

De dizaines de milliers de personnes incarcérées, plus de 100.000 personnes licenciées, un climat de la peur, des médias fermés, des journalistes, écrivains et artistes en prison, la guerre civile contre les Kurdes intensifiée – voilà le bilan de celui qui vient de se voir confier le pouvoir absolu sur la Turquie. La Turquie, état moderne fondé par Kemal Atatürk, c’est de l’histoire. Et autant l’Europe que l’OTAN doivent rédéfinir leurs positions vis-à-vis d’un état qui n’a plus rien en commun avec l’Europe.

Et, comme il fallait s’y attendre, l’une des premières mesures annoncées par le dictateur-président Recep Tayyip Erdogan, est la réinstauration de la peine de mort. Celui qui ne cesse de répéter que son idole n’est autre qu’Adolf Hitler, poursuit un objectif clair – éliminer toute opposition et, par la menace de la peine de mort, et intimider tous ceux qui ne partagent pas cette perspective d’une Turquie fasciste. Mais, Erdogan devra faire face à une crise économique grave, car sa politique a déjà causé des dégats énormes au niveau économique et ceci n’est qu’un début. Comme les Britanniques, les Turcs ont aussi opté pour une sorte de « suicide collectif » – les trois grandes agences de « rating » ont déjà classé les obligations turques au niveau « junk », le tourisme (qui représente 13% du PIB turc) dégringole, le chômage et l’inflation passent par le plafond. Mais cette crise économique, Erdogan en blâmera l’Europe et en profitera certainement pour rassembler son peuple derrière lui. Tout ça, l’Europe l’a déjà vécu le siècle dernier.

La Turquie est un état souverain et les Turcs peuvent, bien entendu, voter comme ils veulent. Mais cela n’engage pas les Européens qui eux, doivent maintenant réagir. L’annonce de la réintroduction de la peine de mort (et qui doute qu’Erdogan, investi des pleins pouvoirs, ne réussira pas à l’imposer ?) doit entraîner deux choses – l’exclusion du Conseil d’Europe et la fin officielle des négociations sur une adhésion turque à l’Union Européenne.

Bien sûr, il y a un fort pourcentage de cityens turcs qui ne partagent pas le phantasme d’omnipuissance d’Erdogan et il conviendra désormais de soutenir par tous les moyens, les opposants à un système qui est maintenant aussi officiellement un système totalitaire.

Mais soyons sérieux – voilà ce qu’il va se passer : les états européens exprimeront pendant quelques jours une certaine indignation face à ce coup d’état mené par le haut, pendant quelques semaines, la Turquie sera traitée comme un paria, l’économie turque implosera et dès que l’occasion sera assez prometteuse, l’Europe, l’Allemagne en première ligne, se mettra à nouveau à investir en Turquie, pour faire de bonnes affaires.

Erdogan serait bien le premier dictateur avec lequel les Européens ne collaboreraient pas – comme en 1938, on se dira pas d’accord avec les violations systématique des Droits de l’Homme et après, les affaires reprendront. Pecunia non olet et quand on peut réaliser un joli chiffre d’affaires, on se fiche pas mal du sang qui colle aux billets de banque.

Ceux qui prônent maintenant au contraire un assouplissement dans les relations entre la Turquie et l’Europe, ces représentants d’une « Realpolitik » cynique, ont tort. La Turquie d’Erdogan ne peut plus être un partenaire de l’Europe et de l’OTAN, le pays ne correspond plus en rien à un partenaire européen.

En vue de ce qu’il s’est passé en amont de ce « référendum » dans les états-membre de l’UE, notamment en Allemagne, aux Pays-Bas et en Autriche, à savoir des actions écoeurantes des services secrets turcs qui avaient demandé aux autorités des états cités de surveiller et de dénoncer des activités d’opposants à Erdogan, il convient maintenant d’être ferme vis-à-vis du dictateur-président Erdogan.

Une bonne partie de la responsabilité pour cette évolution incombe aux Européens, et surtout à l’Allemagne. Angela Merkel aura été le meilleur soutien d’Erdogan avant les dernières élections, s’affichant à Ankara aux côtés d’Erdogan en lui apportant, à une semaine des élections, la promesse de 6 milliards d’euros pour un accord honteux concernant les réfugiés syriens. Maintenant que les dégats sont faits, l’Union Européenne doit faire plus que de publier des communiqués dépourvus de sens. A moins que l’on tienne réellement à un « remake » de l’Histoire. La Turquie 2017 n’est plus un partenaire européen et il faudra se comporter en tenant compte de ce fait.

Le 16 avril 2017 aura été le jour de la mort de la Turquie de Kemal Atatürk – les conséquences de ce « référendum » seront catastrophiques. Surtout pour la Turquie.

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