Erfurt et Stuttgart interpellent Angela Merkel

Les évolutions de la politique régionale en Allemagne commencent à inquiéter la chancelière qui doit craindre les conséquences au niveau national.

Ce qui se passe actuellement dans les Länder, ne peut pas plaire à Angela Merkel. Foto: Eurojournalist(e) / KL

(Par Alain Howiller) – Angela Merkel avait raison : avec l’élection de Bodo Ramelow à la présidence du Land de Thuringe, c’est… Karl Marx qui entre au bureau présidentiel à Erfurt ! Personne ne s’étonnera qu’il soit rouge, mais la plupart des visiteurs du nouvel élu le trouveront bien petit voire grotesque pour le penseur révolutionnaire qu’il a été. En fait le «Karl Marx» dont il s’agit ici, est une statuette cadeau de camarades d’études qui l’accompagne dans ses pérégrinations politiques d’élection en élection. Car, né à l’Ouest et formé en Hesse, Bodo Ramelow, ancien employé d’un grand groupe de distribution, ancien syndicaliste, ancien du Parti du Socialisme Démocratique (PDS), fils unique du parti communiste (SED) est-allemand avant d’épouser la «WASG – Alternative Electorale Travail et Justice Sociale» pour former «Die Linke» dont il est l’un des animateurs les plus en vue.

Il laboure le terrain de la Thuringe, d’une élection à l’autre, depuis plus de vingt ans ! Il est «philosophiquement marxiste» tout en n’hésitant pas à se déclarer «chrétien, protestant pratiquant» en réponse à une interview de Joachim Gauck, le Président de la République qui sur fond d’autel et de cierges allumés attaquait ses engagements au service d’un parti né en Allemagne de l’Est ! (voir eurojournalist.eu du 18 Novembre).

Les risques d’un scrutin étriqué ! – Comme prévu, Bodo Ramelow a été élu Ministre-Président de Thuringe au deuxième tour de scrutin avec une voix de majorité : premier élu «rouge», il représentera aussi son Land -autre première- au Bundesrat ! Le scrutin d’Erfurt a été serré : ce qui exigera de la part des élus de la coalition SPD-Die Linke-Les Verts désormais au pouvoir, une présence et un engagement sans faille. Ce sera l’exigence première s’ils veulent faire passer leurs idées et faire adopter, premier obstacle de taille, un budget 2015 qui n’est toujours pas adopté !

L’élection du nouveau ministre-président s’est faite contre toutes formes de pression venues du Président de la République ou de la Chancelière, qui rappelèrent les expériences vécues dans l’ancienne DDR, venues aussi de la CDU, qui dirigeait le Land depuis la réunification et qui lança ses militants et sympathisants dans la rue : l’avant-veille du scrutin du 5 Décembre, 1.500 opposants à l’élection du nouveau ministre-président défilèrent dans les rues d’Erfurt !

La CDU battue : «On s’en souviendra !…» – Volker Kauder, le Président du groupe CDU/CSU au Bundestag, estimant que la coalition à trois d’Erfurt est une véritable entorse à la coalition à deux de Berlin, n’a pas hésité à lancer : «Nous ne sommes pas près d’oublier cette élection d’un ministre-président de gauche : certes cette alliance a été décidée au plan local, mais je considère qu’elle fait aussi du tort au SPD national, dans la mesure où elle montre une plus grande ouverture vers une alliance rouge-rouge-verte. Il y a désormais un signal venu d’Erfurt.» En quelques mots, Kauder, tout en affirmant que le travail de la «Grande Coalition» continue, met le doigt dans la plaie ouverte en Thuringe : la crainte du côté de la CDU que la coalition thuringeoise serve de laboratoire à une coalition à trois organisée pour servir de relais à la «GroKo» après les élections fédérales de l’automne 2017 !

Une crainte nourrie par les propos de cadres locaux du SPD affirmant qu’ils ont perdu des voix lors des élections régionales de Septembre, non seulement à cause de la coalition CDU/SPD qui dirigeait le Land, mais aussi en raison de la politique menée depuis Berlin par la «GroKo» ! L’essai d’Erfurt tenté alors que le Land voisin -le Brandebourg- continue à être dirigé par une coalition SPD/Die Linke et, surtout, alors que la CDU/CSU ne dirige plus que… 5 Länder sur 16 !

Gabriel veut «arrêter les réactions hystériques !…» – L’élection de Thuringe (voir : eurojournalist.eu du 8 Décembre), constitue un nouvel avertissement pour Angela Merkel dont le parti n’a pu que constater à la veille de son congrès des 9 et 10 Décembre à Cologne, les pertes subies d’une élection à l’autre ! Et les propos mielleux de Sigmar Gabriel n’y changeront rien, même s’il a affirmé que la situation en Thuringe n’est qu’un exemple local et qu’il «faut arrêter les réactions hystériques qu’elle a déclenchées !»

Le jour même de l’élection d’Erfurt, un autre avertissement a été adressé à Angela Merkel, depuis Stuttgart cette fois. Alors que le congrès de Cologne ne menacera pas sa présidence à la tête de la CDU, les militants chrétiens-démocrates ont refusé de placer le député Thomas Strobl en tête de la liste qui affrontera Winfried Kretschmann aux élections régionales du printemps 2017 ! Proche d’Angela Merkel, député au Bundestag, gendre de Wolfgang Schäuble, ex-collaborateur de deux présidents CDU (dont Stefan Mappus – ce qui n’a pas été le moindre des points négatifs!), Strobl était un candidat «quasi officiel» et les sondages le donnaient gagnant : il est difficile de ne pas voir dans son éviction, un autre avertissement adressé à Angela Merkel !…

Un avertissemement venu de Stuttgart ! – Comme tête de liste, les militants ont, finalement, préféré choisir son challenger Guido Wolff, le Président du Landtag de Stuttgart. Wolff l’a emporté avec près de 56% des suffrages des militants consultés. C’est donc lui qui aura le redoutable honneur d’affronter le ministre-président vert sortant. Il devra battre un Kretschmann dont, d’après les récents sondages, 70% des habitants du Land se déclarent satisfaits !

Dès Janvier, Wolff devrait démissionner de la présidence du Landtag pour se consacrer à sa campagne électorale. Une campagne difficile, mais pas désespéré puisque d’après les sondages, les électeurs voteraient CDU à 41%, ce qui correspondrait en gros au score du SPD (20% des intentions ce vote) et des Verts (22%) réunis. Avec le jeu des alliances revisitées, en attendant de connaître le sort que les électeurs réserveront à l’AfD ou à Die Linke, le scrutin reste largement ouvert !

En se rappelant, toujours, qu’un sondage n’est pas une élection et que cette dernière n’aura lieu qu’en 2017 !

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