Espagne – France : Quel soutien pour les soignants ?
Qu'ils soient infectés ou non, en Espagne comme en France, les soignants sont tous affectés par la pandémie de Covid-19.
(Jean-Marc Claus) – Selon La Vangardia, un décompte officiel annoncé le 29 mai 2020 par le Ministère de la Santé espagnol dénombrait 51.482 membres du personnel soignant infectés par la Covid-19, soit 21,5% de la population touchée. De ce côté-ci des Pyrénées, un recensement similaire réalisé par Santé Public France dans 1.156 établissements sur les plus de 3.000 que compte le pays, annonçait le même jour 30.230 cas avérés, soit 19,95% de la population touchée. Ces chiffres incomplets demeurent très provisoires, tant pour l’Espagne que pour la France, car la situation de tous les lieux où interviennent des personnels de santé n’a pas encore été évaluée, les soignants n’ont pas été tous testés et le virus poursuit son œuvre mortifère.
Plus que les querelles de chiffres dont se régalent statisticiens et politiques, une réalité passe sous les radars : le préjudice d’anxiété subi par tous les personnels de santé ne figure sur aucun indicateur. Il est pourtant bien réel ; et à ceux arguant : « Mais c’est donc leur boulot de soigner les malades ! », il convient de répondre : « Oui, mais aller au combat avec un armement inadéquat, minimaliste et donc insuffisant, ça n’est pas leur boulot. Et pourtant, ils l’ont fait. ». C’est pourquoi les soignants, tant en France qu’en Espagne, sont en demande d’aide psychologique. Ce qui, au Sud des Pyrénées, bien qu’encore insuffisant, est déjà mis en œuvre et doit se renforcer.
En Catalogne, communauté autonome très touchée par la maladie où la ministre de la Santé Alba Vergés (ERC) annonçait 10.000 personnels de santé infectés, les pouvoirs publics, des associations de professionnels, une banque, un laboratoire pharmaceutique et une fondation privée se sont associés pour soutenir la Fundación Galatea qui se montre très active dans l’accompagnement psychologique des soignants. Des consultations en visioconférence sont assurés par 48 psychologues dans ce cadre. Ce télé-accompagnement psychologique fut mis en œuvre dès le constat de l’accroissement exponentiel de la pandémie.
Toni Calvo, directrice de Galatea, fait état d’un listing de troubles allant l’instabilité émotionnelle à la dépression. Miguel Gusart, l’un des 48 psychologues engagés dans cette opération, explique la détresse de soignants confrontés à l’incertitude constante et l’improvisation continuelle. Mais il n’est pas simple pour les soignants de demander de l’aide, ainsi à Barcelone, l’Hospidal del Mar a ouvert à leur intention un café nommé pour la circonstance « Vive », où se tient à disposition un psychologue pratiquant l’écoute active. En France, une ligne d’appel gratuite (08.00.73.09.58) pour les soignants a été mise en service début avril par le Ministère de la Santé. Des organismes tels que l’association Soins aux Personnels de Santé (SPS) sont à l’écoute.
Ces initiatives, si utiles et louables soient-elles, constituent une goutte d’eau dans l’océan de détresse où sont plongés les soignants, non par la survenue brutale d’une pandémie, mais par la dégradation régulière et calculée des digues que constituent les système de santé, attaqués depuis de nombreuses années par des politiques ultralibérales. Par ailleurs, la prise en compte tardive de la gravité de la situation, notamment en France, et les mensonges d’État concernant tant les stocks d’équipements que leur réapprovisionnements, mettent les soignants dans une situation impossible qui laissera inévitablement des séquelles. De plus, au nord des Pyrénées, le Ségur de la Santé, annoncé à grand renfort de battage médiatique, risque fort de devenir un roman de la même eau que ceux de la Comtesse du même nom. C’est à dire une fable moralisatrice très manichéenne, instrumentalisant les mécanismes névrotiques des soignants pour les faire rentrer dans le rang et les culpabiliser de surcroît.
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