Espagne-Portugal : mauvais timing !

La réouverture des frontières ne pose pas de pas problèmes qu'à la France et à l'Allemagne.

Le Puente de Segura, construit sous Trajan et enjambant l'Erjas, à la frontière entre le Portugal et l'Espagne. Foto: Caligatus / Wikimedia Commons / PD

(Jean-Marc Claus) – Pour le ministre portugais des Affaires Étrangères Augusto Santos Silva (PS), l’Espagne est allée un peu vite en besogne lors de l’annonce par la ministre espagnole de l’Industrie, du Commerce et du Tourisme Maria Reyes Maroto Illera (PSOE), de l’ouverture de la frontière prévue le 22 juin 2020. « Celui qui décide de l’ouverture de la frontière portugaise est naturellement le Portugal, et le Portugal veut le faire en étroite coordination avec le seul État avec lequel il a une frontière terrestre, l’Espagne », a-t-il ajouté sans la moindre acrimonie, les deux pays s’étant distingués dès le début de la crise sanitaire par leur bonne coordination.

Dans sa déclaration du 4 juin, Maria Reyes Maroto Illera a simultanément annoncé l’ouverture des frontières hispano-portugaise et hispano-française, sachant que la France devrait ouvrir les siennes le 15 juin. Or, le Portugal se projetait fin juin, s’appuyant alors sur la déclaration du gouvernement espagnol en date du 25 mai annonçant la levée des mesures de restriction de circulation des personnes pour le 1er juillet. Ainsi n’y a-t-il pas qu’entre France et Allemagne que la réouverture des frontières fait l’objet de quelques couacs !

Les deux pays ont longtemps été concurrents sur les mers et à la conquête du Nouveau Monde ; mais ils n’ont pas, contrairement à la France et à l’Allemagne, nourri d’antagonismes propres à générer des conflits meurtriers. Espagne et Portugal possèdent, suite à la victoire d’Alfonso Enriques sur les musulmans à la bataille d’Ourique en 1139, la plus ancienne frontière d’Europe. Frontière officialisée en 1143 par le Traité de Zamora reconnaissant alors le Royaume du Portugal. Il y a bien eu cinq siècles plus tard une seconde indépendance marquant la fin de la temporaire Union Ibérique (1580-1640). Association n’ayant strictement rien de comparable avec les annexions de l’Alsace-Moselle par l’Allemagne.

L’actuelle frontière hispano-portugaise est quasiment identique à celle du Traité d’Alcañices (1297), réputé le plus ancien du monde définissant des limites territoriales aujourd’hui encore en vigueur. Étant ainsi au bénéfice de cette double particularité lui conférant ancienneté et stabilité, la frontière hispano-portugaise ouverte en 1995 suite à la Convention de Schengen signée en 1990, devient aujourd’hui l’objet d’un litige entre les deux pays. Litige des plus croquignolesques, eu égard aux bonnes relations entretenues par les populations. En effet, contrairement à ce qui est ces derniers temps vu et  entendu de part et d’autre de la frontière germano-française, la presse de la Péninsule Ibérique ne fait pas état de tensions entre citoyens portugais et espagnols.

Chacun porte le poids de sa propre histoire, celle-ci s’inscrivant dans l’histoire de son pays, mais personne n’est obligé de se l’accrocher autour du cou et d’en tenir son voisin responsable…

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