España avec ou sans fiestas ?

Le déconfinement rime en Espagne comme ailleurs, avec un certain relâchement, notamment pour ce qui est des événements festifs de l'été.

« Castilla, la fiesta del pan », moitié gauche d'un tableau de Joaquín Sorolla (1863-1923). Foto: Hispanic Society of America / Wikimedia Commons / PD

(Jean-Marc Claus) – L’Espagne sans la fête, c’est le Louvre sans la Joconde ou le Château du Haut Koenigsbourg sans les fresques de Léo Schnug, et à plus forte raison durant l’été ! Les rendez-vous festifs ponctuant le calendrier, parfois dévoyés par des boit-sans-soif bas-de-plafond, ont là-bas une fonction sociale de première importance que leur exploitation touristique aurait tendance à masquer à l’observateur peu averti. Cette propension à la célébration tient au fait que les Espagnol(e)s ne font pas la fête, mais sont la fête. Fête souvent à caractère religieux, mais pas seulement si on y regarde de plus près.

Évidemment, la pandémie de Covid-19 mettant à mal le pays, de nombreux événements festifs se sont trouvés purement et simplement annulés durant le confinement. Depuis le 21 juin, avec le passage de quasiment toute l’Espagne à la « nueva normalidad » succédant aux quatre phases de la désescalade, l’envie de retrouver la vie d’avant est très forte. Mais nouvelle normalité signifie aussi nouvelle(s)s norme(s). Comme le montre tous les soirs de la semaine l’émission Espaňa Directo sur la RTVE, l’âme festive de l’Espagne demeure plus que jamais vivante, et pouvoirs publics autant qu’établissements privés font tout pour assurer tant la sécurité que le bien-être des populations.

Début juillet, 51 foyers épidémiques restaient actifs dans le pays, dont 11 jugés inquiétants. L’un en Murcie, au Sud-Est, a pour origine des passagers d’un vol venant de Bolivie. Un autre, à Huesca et Lleida au Nord-Est, concerne des travailleurs saisonniers. A Santander, au Nord, un foyer localisé dans plusieurs immeubles n’a pas encore identifié son patient zéro. A Malaga, au Sud, c’est un centre d’accueil de la Croix Rouge qui enregistre une centaine de cas. Ces foyers sont, d’une certaine manière, accidentels, en cela qu’aucun système de prévention n’est parfait.

En revanche, l’organisation par les habitants de festivités sans respect des normes de sécurité antivirale, comme à Sant Pere de Ribes en Catalogne dimanche 28 juin 2020 ne relève pas de la malchance. La foule qui dansait dans la rue s’en est donnée à cœur joie, alors que la municipalité avait convenu avec la Commission de la Danse Populaire, association organisant annuellement cette journée festive, qu’il n’y aurait pas de regroupements à cette occasion. Interpellée par la maire de la ville qui a perçu ce rassemblement comme une provocation, la « Comisión de Bailes Populares » a mis en avant qu’il était totalement spontané. Un exemple parmi d’autres, sans compter les réunions familiales reproduisant à petite échelle ce que les habitants de Sant Pere de Ribes ont fait en mode XXL.

Si le besoin de se réunir et de passer d’agréables moments ensemble n’est pas franchement incompatible avec la « nueva normalidad », il demeure nécessaire de rester prudents, comme le rappellent inlassablement les autorités espagnoles et le mettent en œuvre les professionnels des loisirs. Mais quand des anonymes décident de festoyer et que les structures associatives entretiennent le flou, tout devient possible. C’est pourquoi les autorités craignent que les fêtes de l’été, dont elles recommandent l’annulation, soient à l’origine d’événements alternatifs organisés par les citoyens frustrés. Or, comme le dit très justement le docteur Fernando Simón, épidémiologiste intervenant souvent aux côtés du Ministre de la Santé Salvador Illa : « Une flambée provenant d’une petite fête innocente peut être le début d’une nouvelle épidémie. ».

A l’occasion de la San Juan accueillant traditionnellement l’été, dans la nuit du 23 au 24 juin, dans plusieurs localités des feux de joie avaient été spontanément allumés. Des municipalités, contrairement à Abigail Garrido la maire de Sant Pere de Ribes, ont manqué de clairvoyance, car si les feux de joie étaient interdits dans les lieux publics, ils avaient par endroits été autorisés dans les espaces privatifs. Ce qui n’a pas empêché certains fêtards de se regrouper sur la voie publique, comme à Minorque où le conseil municipal de Ciutadella envisage très sérieusement des poursuites envers 200 personnes interpellées à cette occasion. Même et à plus forte raison si, comme le souligne la maire minorquoise Joana Gomila, la majeure partie de habitants suit les recommandations sanitaires.

L’été sera chaud en Espagne, car à certains citoyens mécontents et irresponsables s’associent des professionnels de la fête craignant légitimement de perdre leur gagne-pain. Nous suivrons donc ce dossier, sans perdre de vue qu’en France la Fête de la Musique a également produit des débordements dont l’impact sanitaire devrait, cliniquement parlant, commencer à se faire connaître après le 5 juillet.

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