Est-ce que la prochaine chancelière allemande sera sarroise ?

Plusieurs éléments indiqueraient que la chancelière Angela Merkel, sous pression actuellement au sein de son propre parti, ait déjà choisi celle qui pourrait lui succéder – Annegret Kramp-Karrenbauer.

La ministre-présidente de la Sarre, Annegret Kramp-Karrenbauer, se trouve en pole position pour la succession d'Angela Merkel. Foto: Eurojournalist(e)

(KL) – Angela Merkel est fatiguée. Très fatiguée. Pour la première fois en trois mandatures, elle a pris une décision courageuse, émotionnelle, motivée par un réflexe humaniste – en ouvrant fin août, les frontières allemandes pour accueillir de dizaines de milliers de réfugiés. Depuis, sa bonne étoile semble l’avoir quitté. Et du coup, celle qui a réussi pendant plus d’une décennie d’écarter tous ceux qui auraient pu prétendre à son trône, semble commencer à organiser elle-même sa succession. Son apparition vendredi dernier aux côtés d’Annegret Kramp-Karrenbauer à Sarrebruck laisse penser que son choix se soit porté sur la ministre-présidente de la Sarre qui elle, s’est empressé de soutenir dans son discours, la position actuelle de la chancelière.

Pendant plus de dix ans, plusieurs challengers s’étaient présentés face à Angela Merkel et son instinct infaillible pour la politique. Wolfgang Schäuble, à l’époque pressenti comme successeur «naturel» de Helmut Kohl, ne voyait pas Angela Merkel le doubler – quand il se rendit compte que c’était elle qui allait prendre la succession de Helmut Kohl, il était trop tard pour réagir.

Idem pour Horst Seehofer, son éternel rival et patron de la «petite sœur» de la CDU, la CSU bavaroise, qui pensait un moment faire le poids contre Angela Merkel, tout comme Edmund Stoiber, son prédécesseur en Bavière, qui pensait pouvoir se présenter comme candidat aux législatives en écartant Angela Merkel. Ce qui signifiait la fin de sa carrière politique. Idem pour ceux qui pensaient pouvoir la critiquer dans l’espoir de prendre sa place, comme l’ancien ministre-président du Bade-Wurtemberg Günter Oettinger – qui se voyait rapidement éjecté de la politique nationale. Mais en ce qui concerne Oettinger, Angela Merkel était généreuse : sa chute dans la politique nationale était accompagnée d’une promotion sur un siège de Commissaire Européen. Depuis, on a plus entendu Günter Oettinger commenter la politique allemande…

D’autres prétendants ont été placés sur un siège éjectable – le portefeuille du ministre de la défense était particulièrement approprié pour calmer les ambitions d’un Karl-Théodor von und zu Guttenberg (déjà célébré comme la «nouvelle star» de la droite allemande, avant de trébucher sur ses performances en tant que ministre de la défense et surtout, une affaire de plagiat de sa thèse de doctorat) et d’une Ursula von der Leyen qui affichait un peu trop ouvertement ses envie de suivre la chancelière sur son fauteuil. En vue de l’état assez lamentable de la «Bundeswehr» et l’incapacité de von der Leyen de réformer l’armée allemande, ses chances de devenir la prochaine chancelière allemande se sont amoindries.

D’autres potentiels candidats à la succession d’Angela Merkel ont vieilli avec elle. Autant Wolfgang Schäuble que le chef du groupe CDU au Bundestag Volker Kauder que le ministre de l’intérieur Thomas de Maizière se trouvent en fin d’une carrière politique et Angela Merkel aura eu le mérite de tenir ces trois «faucons» à l’écart d’une prise de pouvoir plus importante.

Reste donc deux femmes – la chef de la CDU en Rhénanie-Palatinat Julia Klöckner, jeune talent de la CDU et très apprécié au sein du parti, et Annegret Kramp-Karrenbauer, la ministre-présidente de la Sarre. Julia Klöckner, ancienne «princesse du vin» et journaliste spécialisée dans la viticulture (un vrai atout en Rhénanie-Palatinat), représente une nouvelle génération politique au sein de la CDU. Mais pour Angela Merkel (et on peut parier qu’elle organisera sa propre succession), Julia Klöckner est trop indépendante, trop difficile à contrôler, pas assez «apparatchik» – et cela dérange la chancelière qui apprécie la discipline. Mais si jamais Julia Klöckner devait réussir à gagner la Rhénanie-Palatinat lors des élections régionales dans le Land en 2016, Angela Merkel devra probablement revoir sa position.

Alors – Annegret Kramp-Karrenbauer. Le fait que la chancelière se soit déplacé vendredi dernier pour une apparition aux côtés d’Annegret Kramp-Karrenbauer, malgré l’absence d’un membre du gouvernement français lors des festivités autour du 60e anniversaire du référendum en Sarre, en dit long. Tout comme le discours de la ministre-présidente sarroise qui, à contrario des autres ténors de son parti, a repris le fameux «Wir schaffen das!» («nous allons y arriver») de la chancelière. Le regard que lançait à ce moment le chef de la chancellerie Peter Altmeier à sa chancelière, était aussi éloquent que le discours d’Annegret Kramp-Karrenbauer.

Annegret Kramp-Karrenbauer, femme du compromis et d’une politique pragmatique, est autant appréciée par son parti que par ses adversaires politiques. Un jour, dans un discours, elle s’était désignée elle-même comme la «socialiste la plus noire», et la politique européenne que mène la Sarre sous sa direction ne peut que plaire à Angela Merkel.

A un moment où Angela Merkel mène un combat difficile, où pour la première fois, elle assiste à une forte baisse de sa popularité et où son parti baisse sensiblement dans les sondages, à un moment où au sein de la CDU on parle ouvertement de la possibilité de l’écarter moyennant une «promotion honorifique» sur le siège du Secrétaire Général de l’ONU au mois de mars 2016, Angela Merkel, prévoyante, se met à organiser sa succession. Et tout semble indiquer que son choix se soit porté sur Annegret Kramp-Karrenbauer. Ce qui, du moins pour la coopération franco-allemande, serait sans doute le meilleur choix.

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