Est-ce que la Suisse fait ses adieux au plurilinguisme ?

Deux cantons suisses, la Thurgauvie et le Nidwald, ont décidé d’abolir l’enseignement du Français dans le primaire. En Suisse romande, on réfléchit à la même mesure.

Il est beau, le canton de Nidwald en Suisse. Mais on n'y a rien compris aux bienfaits du plurilinguisme... Foto: Markus Bernet / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.5

(KL) – Le «Röstigraben» (fossé des rösti) qui sépare la partie germanophone de la Suisse de la partie francophone, risque de se creuser davantage. En effet, deux cantons viennent de mettre un terme à l’enseignement du Français dans le primaire, ce qui transforme la «deuxième langue maternelle» en une simple langue étrangère. Justification : le «surménage» des élèves.

Cette «apartheid linguistique» au sein d’un pays qui compte quatre langues officielles (français, allemand, italien et rhéto-roman), peut surprendre. Tous les scientifiques sont unanimes – c’est pendant l’enfance que l’on apprend le plus facilement les langues. Dans un pays plurilingue, la maitrise de plusieurs langues constitue un atout considérable dont les cantons de la Thurgauvie et le Nidwald veulent maintenant priver leurs jeunes. Uniquement pour faire une sorte de doigt d’honneur à la partie «welsche» du pays ? Est-ce que la Suisse serait en train de copier la Belgique et ses conflits linguistiques entre les communautés flamande et francophone ?

Et puisqu’une bêtise ne suffit pas, la partie francophone réfléchit maintenant sérieusement à la réponse du berger à la bergère. La tentation de supprimer l’enseignement de l’Allemand dans le primaire y semble constituer une option envisageable. Mais additionner les bêtises, cela ne les rend pas plus intelligentes.

Les première victimes de cette joute linguistique sont les enfants suisses qui arriveront dans les universités ou sur le marché de l’emploi avec de graves lacunes linguistiques, ce qui les défavorisera par la suite. La deuxième victime sera l’économie suisse qui a besoin de jeunes talents aux compétences interculturelles et linguistiques. Dans l’ensemble des secteurs économiques travaillant à l’international, les jeunes arrivant sur le marché de l’emploi seront handicapés par rapport à une génération de jeunes Européens qui apprennent généralement au moins deux langues étrangères en plus de leur langue maternelle.

Les deux cantons de la Thurgauvie et le Nidwald semblent estimer qu’un tel conflit linguistique soit plus important que l’avenir de leurs enfants et même de l’économie du pays – la Suisse continue sa longue marché vers l’isolement. Si la Suisse s’est d’abord isolée en limitant l’accueil d’étrangers ressortissants de l’UE, c’est maintenant au tour des cantons de s’isoler linguistiquement. A quand la déclaration d’indépendance des premières vallées alpines ?

Le «surménage» ne vient généralement pas de l’enseignement ludique d’une «deuxième langue maternelle», au contraire. Les jeunes enfants apprennent les langues souvent sans s’en rendre compte. Les expériences menées depuis de nombreuses années un peu partout dans le monde prouvent que les enfants exposés à plusieurs langues dès le plus jeune âge, présentent de plus grandes facultés d’apprentissage aussi dans d’autres domaines. Avant que ce conflit linguistique ne prenne des dimensions néfastes pour toute la Suisse, il serait indiqué de marquer une pause de réflexion, pour ensuite laisser parler la raison. Le plurilinguisme ne constitue pas un luxe inutile, pas non plus un mode de vie sectaire, mais un enrichissement intellectuel, culturel et professionnel. Dont surtout les Suisses auront besoin à l’avenir.

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