Est-ce que les Allemands deviennent des eurosceptiques ?

Bernd Lucke fait le calcul - son AfD passe en troisième position des partis en Allemagne. Foto: Mathesar / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – Est-ce que les Allemands auraient changé de perspective sur l‘Europe ? Soudainement ? Est-ce que la montée des eurosceptiques ultra-conservateurs de l‘AfD indiquerait un changement d‘attitude des allemands ? Non. Autant que les succès électoraux du Front National ne veut pas dire que les Français soient devenus des néo-nationalistes, le succès de l‘AfD ne fait que traduire un malaise général de la population vis-à-vis des partis traditionnels qui, en Allemagne comme en France, semblent avoir dépassé leur zénith.

En l‘absence d‘alternatives convaincantes, les Allemands se mettent à voter pour l‘AfD, comme les Français se mettent à voter pour le FN. Pourtant, ni les Allemands, ni les Français auraient envie de vivre dans une société organisée selon les objectifs de ces deux formations, mais lorsque l‘on a plus envie de voter pour SPDUMPCDUPS, il reste peu d‘alternatives.

Après l‘implosion des libéraux du FDP qui se sont trop longtemps limité au rôle du parti partenaire junior des coalitions de gouvernement, les Verts aussi se mettent à perdre leur électorat. L‘électorat traditionnel des Verts n‘apprécie que moyennement le fait que les écologistes deviennent un parti de la droite qui se trouve maintenant plus de points communs avec la CDU qu‘avec le SPD. L‘un des responsables de ce mouvement des Verts vers la droite, le ministre-président du Bade-Wurtemberg Winfried Kretschmann, risque fort d‘en faire les frais l‘année prochaine lors du renouvellement de la diète de Stuttgart.

Le sondage actuel réalisé par RTL et le «Stern», voit la CDU à 42%, solide, incontestée, ennuyeuse, tandis que le SPD baisse à 22%. Vient en troisième position l`AfD avec 10%, devant Die Linke à 9% et les Verts à 8%. Malgré ce changement radical du paysage politique allemand, les partis toujours représentés dans les parlements, ne veulent pas se pencher sur le «phénomène AfD» et ne se rendent pas compte que ce n`est pas l`AfD qui grignote des pourcentages, mais que ce soient eux qui les perdent. Nuance, mais nuance décisive.

Car la vraie raison pour la montée de l`AfD, c`est la défaillance des partis traditionnels qui n’arrivent plus à défendre les intérêts des citoyens – tout juste, ils arrivent à faciliter la vie aux «marchés» et aux banques, tandis que les simples citoyens restent en rade. Le fait que les partis s’obstinent à ignorer les vraies raisons de cette évolution, estimant toujours et encore qu’ils fassent un bon boulot, les empêche aussi de réagir de manière adéquate. Ce qui apportera encore plus d`électeurs à l`AfD. Et au FN.

Ce qui est vraiment dangereux, ce sont les idées d`avant-hier de l’AfD qui voudrait interdire le droit à l`avortement, qui voudrait décrocher les pays moins riches de la zone euro, qui veut inciter les Allemandes à produire des bébés pour pouvoir chasser les étrangers – mais les Allemands qui votent pour l`AfD ne se rendent pas plus compte de la dangerosité de ces positions – tout comme en France, on ferme les yeux devant les objectifs du FN. Parmi les environ 30% des électeurs que le FN peut mobiliser, un pourcentage minime partage réellement les positions de la famille Le Pen – mais faute d`une véritable alternative, le vote-sanction passe par cette radicalisation qui dans les faits, n`en est même pas une.

Au niveau européen, on assiste un peu partout au même phénomène. Avis aux amateurs – c‘est le moment de lancer un nouveau parti. Avec des idées à peu près correctes, quelques figures de proue qui ne trainent pas trop de casseroles, on peut se différencier très facilement de l‘establishment politique – et gagner des sièges lors des prochaines échéances électorales.

Toutefois et avant que cette évolution ne déclenche une nouvelle catastrophe par mégarde, il serait temps de cesser ces «votes-sanction». On a compris que les gens ne sont pas satisfaits de leurs classe politique, mais en votant pour la pire des options, on n‘améliore rien. Et il ne faut pas se tromper – une fois ces extrémistes impliqués au pouvoir, on ne s‘en défait plus. D‘autres exemples dans l‘histoire récente le prouvent : à notre époque, les dictateurs et tyrans arrivent souvent au pouvoir par le biais d‘élections démocratiques. En France et en Allemagne, on doit être vigilants lors des prochains scrutins pour éviter de donner les clés du pays à ceux qui travaillent à sa perte.