Et après ? Back to the Past ?
Ressentiments, souverainisme, complotisme
(Marc Chaudeur) – La crise du COVID-19 dessine un contour bien particulier pour les mois et les années qui viennent. Phénomènes prévisibles, d’autres plus surprenants… A consulter les réseaux sociaux, on s’aperçoit que le trait le plus marquant en est sans doute la montée (ou plutôt, la remontée) virulente d’un identitarisme fait surtout de ressentiment et de paranoïa sociale…
Outre les aspects sanitaires de la situation actuelle, le monde sera tissé de dangers divers. L’un de ceux que tous craignent,c’est la montée de la confusion et du ressentiment social, un mouvement gilets jaunes puissance 10. En France et ailleurs en Europe, les gens se sentent fragilisée et passent des journées entières sur les réseaux sociaux : cela favorise, encore bien davantage qu’auparavant, les échanges positifs, souvent chaleureux, mais aussi tous les déversements de fiel des laissés pour compte, des déclassés et des frustrés. Ces catégories ne se recouvrent pas, m’empressé-je d’ajouter : dans certains pays, le sentiment subjectif de frustration est de loin supérieur au déclassement effectif. C’est le cas en France, sans doute parce que l’idéologie républicaine et sa vulgate clament sans cesse sur tous les toits ce que d’ailleurs la République n’a jamais été capable de réaliser, à savoir l’égalité et… la fraternité.
Par ailleurs, on assiste aujourd’hui à un recentrage bien évident sur l’économie et l’identité nationales : c’est que la propagation du virus est très visiblement liée à l’économie et aux échanges globalisés ; on se reconcentre donc sur ce qui est propre (aux deux sens du mot !) et sur ce qui est le plus proche. Ce qui constitue une source très dangereuse de démagogie populiste et d’extrémisme : de gauche et de droite.
Pour ce qui est du populisme, ses grandes figures, contrairement à ce qu’on pouvait constater au tout début de la propagation du COVID-19, ne se trouvent nullement en perte de vitesse, bien au contraire. Les matamores bombent le torse, désignent des boucs émissaires et rivalisent d’obscénité. Par exemple, Trump reprend du poil de la bête : sa popularité s’avère encore très forte aux Etats-Unis. Et il n’est pas sûr du tout que Bolsonaro, au Brésil, perde la partie aux prochaines élections, contrairement à ce que veulent croire certains journalistes trop optimistes.
Le populisme va de pair avec le complotisme, qui le soutient très efficacement. Certains sites parmi les pires nous expliquent que le virus a été créé intentionnellement en Chine, aux Etats-Unis ou même en France, pour soumettre les peuples et installer plus solidement le pouvoir des forts. Ils beuglent aussi que les « riches » ne font rien contre le virus et le laissent agir, pour se débarrasser des faibles. Et pourtant, le gouvernement français, par exemple, a décidé d’un plan d’aide financière extrêmement consistant et ambitieux – après certes une gestion catastrophique de la crise, en février et début mars. Etc ! Le site du RN n’est pas en reste, où Marine Le Pen soutient les délires les plus paranoïaques et les plus bourrés de ressentiment.
On a besoin de certitude : c’est pourquoi on relève le menton, on bombe le torse, on appelle à une très improbable union sur des critères assez flous. Emmanuel Macron, en mars, jouait à Clemenceau. Mais Clemenceau n’a pas gardé longtemps le pouvoir après novembre 1918, hum hum.
Ce recentrage revêtira un caractère très sommaire et produira une immense confusion, dans quelques mois, sur laquelle certains jouent d’ores et déjà pour tirer leur épingle du jeu. Partout en Europe, et même dans les régions. En Alsace, par exemple, le petit mouvement autonomiste Unser Land se rapproche toujours davantage des groupuscules et des sites identitaires d’extrême-droite, voire « néo »nazis. Sa dirigeante ne cesse de retransmettre les posts de Breizh-Info, de TV-Liberté, de Boulevard Voltaire, semble vouer grande admiration à… Dupond-Aignan et même à… à Alain Soral, dont elle poste les articles parus sur son site brunâtre et puant, que je ne nommerai pas ici ! Ces sympathies ne sont pas nouvelles ; mais elles prennent une acuité et une intensité qui, elles,le sont. Et elles marqueront la période qui s’ouvre aujourd’hui et demain.
Bien entendu, cela vaudra bientôt pour toute l’Europe. Une période de populisme sommaire, paranoïaque et obscène s’ouvre devant nous, et il faudra que nous restions sur le qui-vive. Mais pas sur le pied de guerre. Contrairement à notre président, nous n’aimons pas la guerre.
Kommentar hinterlassen