Et en Pologne ?

Le COVID-19 entre la messe et l’auto-suffisance

Michal Wos, le ministre de l'Environnement polonais touché par le virus Foto: Krzemi28/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/4.0Int

(Marc Chaudeur) – Il est bien évident que les réactions au virus COVID-19 prennent dans une certaine mesure le pli de la culture des pays où il sévit .En Pologne, il rencontre des inflexions paradoxales, voire des injonctions contradictoires.

Dès les premiers cas avérés, l’Église catholique a proclamé qu’il fallait davantage de messes pour demander la miséricorde de Dieu. Mais il ne faut pas s’y tromper : la population polonaise est profondément divisée, même géographiquement, entre une bordure occidentale qui se rapproche des modes d’être allemands, et un Centre et un Est plus traditionnels et souvent traditionalistes.

En tout cas, le gouvernement conservateur populiste a pris les choses en mains, même si le parti au pouvoir, PiS, a annoncé assez tardivement la présence du méchant virus dans le pays : le ministre de la Santé publique, Łukasz Szumowski, a informé la population qu’un premier cas a été détecté le 4 mars, alors qu’il pratiquait le déni avant cette date. Attitude de déni qui a été celle d’à peu près tous les pays européens, d’ailleurs. Mais on a soupçonné le PiS d’avoir dissimulé la possible gravité du COVID-19 pour ne pas compromettre la réélection de son président, Andrzej Duda, lors des prochaines élections qui se tiendront à partir du 10 mai. Et qui n’ont pas encore été annulées ni repoussées.

Un événement a cependant beaucoup frappé les esprits : c’est l’annonce de la contamination du ministre de l’Environnement, Michał Woś, la semaine dernière. Ensuite de quoi le gouvernement tout entier a été mis en quarantaine… Une quarantaine qui a permis d’établir qu’aucun autre membre de gouvernement n’avait été touché par le virus.

Les mesures mises en place sont assez strictes, quelque part entre Italie et France. Et il y a des fortes chances pour qu’elles soient bien mieux respectées qu’en France. On trouvera plusieurs raisons à cela.

D’abord, la vigoureuse subsistance de l’Eglise catholique dans le pays a au moins, c’est un mérite qu’on peut lui reconnaître, empêché que l’après-communisme occasionne, comme le dit excellemment Edgar Morin ces derniers jours, une société « de l’interaction sans entraide ». L’entraide existe encore, en Pologne. Par ailleurs, la vie dans la dictature stalinienne elle-même, un stalinisme avec quelques discrets accomodements à la polonaise, a certes habitué les Polonais à obéir à des autorités le plus souvent intraitables, mais elle les a aussi accoutumés à construire leur vie du mieux possible, en deçà, de l’idéologie officielle et de la planification tous azimuths.

Par ailleurs, les relations sociales présentent un aspect différent de celui de la France ou de l’Italie : on ne s’y embrasse pas toutes les trente secondes, on y fréquente très peu les cafés (un article du Courrier d’Europe Centrale reprend une statistique selon laquelle bien moins de la moitié des Polonais fréquenteraient les cafés et les restaurants). La distance sociale qu’on avance sans cesse actuellement est bien plus facile à respecter ici que dans les pays dits « latins ». Bien que les Polonais n’aient tout de même aucune commune mesure en la matière avec les Suédois ou, moins encore, avec les Finlandais !

Pour l’instant, la presse encore dmocratique du pays annonce 300 personnes contaminées hier le 18 mars, et 5 personnes qui ont succombé au virus. Les consignes seront sans doute largement respectées. Mais comme l’écrit très bien la Gazeta Wyborcza, l’un des meilleurs journaux du pays (centre gauche) dont la devise est justement : “Il n’y a pas de liberté sans solidarité“, le problème est ailleurs. Il se situe dans la très grande fragilité financière d’un grand nombre de personnes, travailleurs et employés. Selon les chiffres de la GW que reprend le Courrier d’Europe Centrale, un quart des travailleurs sont précaires, puisqu’ils travaillent dans des conditions de grande flexibilité. Pour les même raisons, très peu d’entre eux pratiquent l’épargne : que pourraient-ils bien épargner !

« Précaire en quarantaine : le COVID-19 t’évitera, mais de faim tu mourras ! » Voilà la conclusion de la Gazeta Wyborcza.

A lire : Gazeta Wyborcza https://wyborcza.pl
Courrier d’Europe Centrale  https://courrierdeuropecentrale.fr/

 

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