Et la Catalogne ?

10 000 Catalans avaient fait le déplacement à Strasbourg pour protester contre l’exclusion de leurs 3 eurodéputés. Au lieu d’essayer de résoudre ce déni de démocratie, la politique européenne regarde ailleurs.

Tausende Katalanen protestierten am Dienstag friedlich in Strasbourg gegen die Nichtaneerkennung ihrer demokratisch gewählten Abgeordneten. Foto: Eurojournalist(e) / CC-BY-SA 4.0int

(KL) – Impressionnante, la manifestation catalane mardi devant le Parlement Européen à Strasbourg ! 10 000 Catalans avaient fait le déplacement à l’occasion de la session constitutive du parlement, plongeant toute la ville de Strasbourg dans une mer jaune et rouge, le tout dans une ambiance non-agressive et totalement pacifique. Et la question concernant les 3 eurodéputés catalans Carles Puigdemont, Toni Comin et Oriol Junqueras reste totalement ouverte.

Cette question risque de poser un vrai casse-tête à la justice européenne. D’un côté, il y a trois eurodéputés démocratiquement élus et de l’autre côté, il y a l’Espagne qui souhaite supprimer le mouvement séparatiste catalan en incarcérant ses leaders pendant 25 ans. Les juristes doivent déjà se frotter les mains face à une telle situation.

L’Espagne insiste pour que tous ses élus, que ce soit au niveau local, régional, national ou européen, prêtent personnellement serment sur la constitution espagnole et ce, dans la mairie où vit le député. Autrement, l’Espagne ne reconnaît pas le statut d’élu de la personne concernée. Carles Puigdemont, le leader du mouvement séparatiste catalan, se trouve en exil, frappé d’un mandat d’arrêt pour « rébellion », un chef d’accusation qui peut se traduire par une peine de prison allant jusqu’à 25 ans. En cas d’arrestation, Puigdemont serait exposé au même procès politique qui se déroule actuellement à Madrid contre 12 responsables politiques catalans et dont une délégation du Parlement Européen a estimé que les conditions du déroulement seraient indignes d’un état de droit européen.

Carles Puigdemont avait proposé de prêter ce serment sur la constitution (qui prévoit indivisibilité du territoire espagnol…) par voie écrite, ce que l’Espagne a refusé. Et puisque l’Espagne a également refusé d’inscrire les 3 élus catalans sur la liste des élus espagnols soumise au Parlement, les trois ne sont donc pas considérés comme des eurodéputés. Pourtant, ils ont été démocratiquement élus. On fait quoi alors ?

Mardi, la situation était ubuesque. Depuis une tour à Kehl, la ville frontière entre la France et l’Allemagne, Carles Puigdemont envoyait un message vidéo aux 10 000 manifestants catalans qui se trouvaient à 6 km de lui devant le Parlement Européen à Strasbourg. Après son procès en Allemagne, qui s’était soldé par le refus de la justice allemande de l’expulser vers l’Espagne, Puigdemont était en sécurité à Kehl, mais 6 km plus loin, il aurait risqué son arrestation. Des policiers espagnols en civil s’étaient glissés parmi les manifestants et espéraient visiblement que Puigdemont vienne à Strasbourg.

La question du mouvement séparatiste catalan ne peut pas être résolue par des tribunaux et certainement pas à un moment où on attend les jugements contre les 12 inculpés dans le procès à Madrid. Politiquement, les discussions entre Madrid et Barcelone sont coupées, et il est clair qu’on ne pourra pas simplement hausser les épaules et oublier cette histoire.

Pourquoi le vote des catalans compterait-il moins que celui des autres citoyens espagnols ? Les leaders du mouvement séparatiste catalan ne sont pas des criminels de droit commun, mais des gens qui défendent une vision politique que l’on peut partager ou non. Mais il s’agit d’un débat politique et il convient de souligner le caractère totalement pacifique de ce mouvement. Rébellion ? Insurrection ? Violence ? Rien de tout cela, et mardi, à Strasbourg, on a pu observer le comportement de ces manifestants. Discussions ouvertes, échanges respectueux, pas un seul mauvais geste, ni devant le Parlement, ni au centre-ville après la manifestation.

Le traitement qu’infligent les institutions européennes aux 3 eurodéputés catalans constitue un déni du vote des citoyens et citoyennes catalans. Une démocratie saine doit pouvoir supporter des positions politiques qui ne lui conviennent pas – si l’exemple catalan devait faire école, ce seraient désormais les gouvernements qui décideraient, APRES les scrutins, qui peut siéger dans un parlement. Cette évolution constitue un danger pour la démocratie européenne.

Il aurait été beaucoup plus correct que le Parlement accueille les trois eurodéputés catalans (2, car Oriol Junqueras se trouve en détention provisoire) à titre provisoire et jusqu’à un verdict définitif de la Cour Européenne. Si jamais la plus haute instance juridique européenne avait confirmé l’exclusion des eurodéputés catalans, le Parlement leur aurait demandé de quitter l’assemblée. En les excluant maintenant, le Parlement court le risque que leur exclusion soit jugée illégale ; et ceci remettrait en cause toute décision prise par ce Parlement avant une telle décision. Du grabuge juridique en perspective…

Et après, il y a le message que l’Europe envoie à ses citoyens et citoyennes. Et ce message est clair : « Votre vote n’intéresse personne »… Entre les eurodéputés britanniques et leur manque de savoir-vivre et la question catalane, le nouveau Parlement Européen démarre sur une très mauvaise note dans cette nouvelle législature. Au lieu de trancher sur la question européenne, il serait du devoir de l’Union Européenne d’engager tous les canaux diplomatique pour organiser une médiation entre les responsables à Madrid et à Barcelone. Pour cela, il faudrait stopper le « procès de la honte » contre les séparatistes (ce procès ne fait que perpétuer ce conflit), libérer les détenus politiques, et entamer une négociation ouverte sous l’aile de l’Union Européenne.

Que l’on partage les idées des séparatistes catalans ou qu’on s’y oppose – on ne peut pas traiter ainsi des élus du peuple, qui ont été désignés comme représentants de plusieurs millions de personnes. On ne peut pas se déclarer « fief de la démocratie » en faisant fi d’un vote démocratique. Il faut raison garder – les 3 eurodéputés catalans ne sont pas des criminels, mais des hommes politiques. Qui doivent intégrer l’hémicycle strasbourgeois le plus rapidement possible.

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