Et pourquoi pas le Nobel de la Paix aux soignants cubains ?

Plusieurs associations européennes demandent l'attribution du Prix Nobel de la Paix aux brigades médicales cubaines pour leur contribution à la lutte mondiale contre la Covid-19.

Le Cuban Emerald, un colibri au nombre des trésors de la biodiversité cubaine. Foto: Thomas Brown / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(Jean-Marc Claus) – Lorsqu’on entre dans un moteur de recherche, quel qu’il soit, les mots « Europe », « Cuba », « aide » et « covid-19 », de nombreuses références nous renvoient à plusieurs articles de presse. Et là, stupéfaction : c’est ce petit pays prétendu sous-développé qui est venu au secours de l’Europe, et non l’inverse ! Ainsi, l’appel lancé le 28 avril 2020 par les associations européennes « Cuba Linda » et « France Cuba » pour l’attribution du Prix Nobel de la Paix aux brigades médicales cubaines du contingent Henry Reeve, fait-il son chemin.

Granma, le quotidien cubain issu de la révolution, donnait le détail de ces soutiens dans son édition du 25 mai 2020. Mais dès le 5 mai 2020, l’organisation non gouvernementale « Code Pink : Women for Peace » avançait : « Une nomination pour la Brigade médicale internationale Henry Reeve, avec le soutien important de personnes et de mouvements sociaux du monde entier, montrerait au peuple cubain à quel point nous l’admirons ». Basée aux USA, cette organisation pacifiste née en 2002, en réaction à la préparation de la Seconde Guerre du Golfe (2003-2011), s’oppose également au blocus étasunien imposé à Cuba depuis 1962. Embargo maintenu en dépit des 29 résolutions de l’Assemblée Générale de l’ONU adoptées depuis 1992, la dernière s’étant soldée par 187 voix pour, 3 contre et 2 abstentions…

Pour mémoire, en 2017, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a décerné le Prix de la Santé Publique au Contingent Henri Reeve. Ses brigades avaient alors porté secours aux victimes de catastrophes naturelles dans divers pays, et mis leurs compétences au services de populations d’Afrique de l’Ouest touchées par l’épidémie de fièvres hémorragiques Ébola. Cette décision fut approuvée à l’unanimité lors de la 140ème réunion du Conseil Exécutif de l’OMS.

Le Contingent Henri Reeve créé en 2005, porte le nom d’un héros de l’armée de libération cubaine, lors de sa lutte menée contre la tutelle espagnole. Un brave né à Brooklyn en 1850 et tombé à Matanzas l’année de ses 26 ans, à l’issue de 7 ans d’engagement. Les personnels du contingent médical portant son nom se sont illustrés récemment en Italie, pays sinistré par la pandémie de Covid-19 et en Andorre, îlot de prospérité où l’on ne s’attendrait pas à le voir intervenir.

La presse mainstream a traité l’information de diverses façons.  Qualifiés d’esclaves modernes par l’Express, mais aussi d’experts par le Figaro, les médecins cubains ont fait l’objet d’un reportage de la Radio Télévision Suisse (RTS). Documentaire à charge, dans lequel la juriste étasunienne d’origine cubaine Maria Werlau prétendait que l’idée de ces brigades d’urgence est de poser le pied dans un pays lors d’une situation de crise et d’y rester. Ce qui, comme si nous avions encore besoin de ça, devrait logiquement nous faire craindre en Europe, une satellisation de la Lombardie et d’Andorre par les barbudos ! D’où peut-être aussi la prudence du gouvernement français, ne donnant suite à la proposition faite par une quarantaine de députés de solliciter l’aide médicale cubaine, en l’autorisant seulement à opérer dans nos départements d’Outre-Mer.

Plus sérieusement, cette proposition de candidature pour le Prix Nobel de la Paix, porté aujourd’hui par différentes associations, avait déjà été adoptée à l’unanimité par la conférence annuelle des syndicalistes norvégiens en 2015. L’altermondialisme enfin pris en compte dans diverses hautes instances, après le Nobel de l’Économie décerné en 2019 aux chercheurs Esther Duflo, Adhijit Banerjee et Michael Kremer pour leurs travaux sur la lutte contre la pauvreté, ne serait-ce pas aussi une bonne idée d’accorder le Nobel de la Paix aux brigades médicales du Contingent Henry Reeve, faisant sa part à l’instar du colibri ? Un part se chiffrant tout de même, depuis la création du contingent composé actuellement de 7.400 personnels de santé, à plus 3,5 millions de personnes soignées dans 22 pays et 80.000 vies sauvées dans des situations d’urgence.

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