Et si l’Allemagne assumait son passé ?

La Grèce a fait ses calculs – selon un rapport d’une commission parlementaire grecque, les dommages causés à la Grèce par l’Allemagne nazie s’élèvent à 278,7 milliards d‘euros.

La mémoire des horreurs nazis est bien plus présente en Grèce qu'en Allemagne. Foto: MikeTheo / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – La commission parlementaire grecque a travaillé pendant deux ans et demi sur ce dossier. Les dégâts causés par l’Allemagne nazie à la Grèce s’élèveraient à une somme faramineuse – 278,7 milliards d’euros. Et le rapport présenté par cette commission recommande d’entamer toutes les démarches nécessaires pour récupérer cette somme. Si l’Allemagne refuse cette demande en bloc, il serait juste de gérer ce dossier différemment à Berlin.

Bien sûr, la IIe Guerre Mondiale est finie depuis plus de 70 ans. Bien sûr, les responsables de cette Allemagne nazie sont tous morts. Bien sûr, les générations actuelles n’y sont pour rien pour les crimes commis par leurs aïeux – mais le pays entier porte encore une responsabilité morale vis-à-vis des pays qui ont souffert sous le joug nazi et qui, en partie, souffrent encore aujourd’hui des conséquences de cette terrible guerre. Si aujourd’hui, la Grèce demande justice, Berlin ne peut pas se cacher derrière cette position froide qui consiste à dire que « l’Allemagne fédérale n’est pas le successeur juridique de l’Allemagne nazie ». Peut-être cette position est juridiquement correcte, mais moralement, elle constitue une insulte pour les souffrances du peuple grec ayant souffert sous les nazis.

Le premier point dans cette demande grecque concerne un « crédit forcé » – derrière ce terme technique se cache tout simplement le plus grand hold-up dans l’histoire de la Grèce. En 1942, les nazis obligeaient le gouvernement grec de leur accorder un « crédit » à hauteur de 476 millions de Reichsmark – selon les calculs des experts, cette somme correspondrait aujourd’hui à une somme comprise entre 5 et 11 milliards d’euros. Théoriquement, ce « crédit » aurait du être remboursé après la guerre, mais cela n’a pas été le cas. Ce crédit avait des aspects particulièrement odieux – les Grecs devaient supporter eux-mêmes le coût pour l’occupation par les nazis qui eux, se faisaient payer en matières premières et en aliments, conduisant à une pénurie et une grande famine. En vue des quantités de marchandises transportées vers l’Allemagne, le gouvernement grec accumulait un « avoir » comptable qui finalement atteignait ces 476 millions de Reichsmark que les comptables des occupants transformaient en « crédit à taux zéro ». Non seulement, ce « crédit » avait coûté la vie à de nombreux Grecs, il n’a jamais été remboursé.

Les réparations et les traités. En automne 1945, lors de la « conférence sur les réparations » à Paris, la Grèce s’est vu accorder une réparation de 25 millions de dollars qui étaient payés majoritairement sous forme d’installations industrielles démontées en Allemagne. Cette réparation se situait loin des 10 milliards de dollars que la Grèce avait réclamés pour couvrir les dégâts causés par les nazis.

En 1953, le « Traité sur la dette allemande » reportait la question des demandes de réparations à un moment après la signature d’un Traité de Paix formel. En 1960, l’Allemagne payait la somme de 115 millions de D-Mark à la Grèce comme dédommagement pour les victimes des nazis, y compris les résistants grecs. Toutefois, dans un échange de courriers entre le « Auswärtiges Amt » et le gouvernement grec, ce dernier s’est réservé le droit de relancer l’Allemagne concernant d’autres réparations.

Lors de la réunification allemande, dans le « Traité 2+4 », il était stipulé que l’Allemagne réunifiée ne devait plus payer des réparations concernant la IIe Guerre Mondiale. La Grèce, qui ne faisait pas partie des signataires, avait alors déclaré avoir pris connaissance de cette règle, sans pour autant l’approuver.

Si la question est compliquée au niveau juridique, il reste la question morale. L’Allemagne, qui avait bénéficié après la guerre des faveurs américains qui souhaitaient reconstruire l’Allemagne comme futur partenaire en Europe, pouvait se développer plus rapidement que les pays qui avaient souffert sous les nazis – le « Wirtschaftswunder » récompensait les Allemands tandis que les victimes du nazisme souffraient encore.

Les vieilles histoires ne sont pas si vieilles que ça… Si de nombreux observateurs en Allemagne estiment « qu’il faut en finir avec ces vieilles histoires », ces histoires ne sont pas si vieilles que ça. Au contraire – l’Allemagne dont l’économie se porte très bien actuellement, devrait reconsidérer cette question au lieu d’imposer sans cesse de nouvelles contraintes à la Grèce – il convient de rappeler que sur les 211 milliards d’euros « d’aides » accordées à la Grèce depuis 2010, seulement 9 milliards sont arrivés dans le budget grec – le reste est allé directement dans les caisses de banques allemandes et françaises.

Au lieu de chercher un bras de fer juridique avec la Grèce, le ministre des finances Wolfgang Schäuble pourrait enfin apporter la preuve que son but n’est pas la destruction de l’Europe – en négociant un accord avec la Grèce sur cette dette. Qui est peut-être difficile à chiffrer à un niveau juridique, mais qui est énorme au niveau moral. En trouvant un accord sur le remboursement de cette dette, l’Allemagne pourrait fermer définitivement le chapitre le plus noir de son histoire.

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