Et si le « Brexit » n’allait tout simplement pas avoir lieu ?

Le « Sunday Times » évoque la possibilité que le « Brexit » pourrait avoir lieu qu’en 2019. Si jamais il devait avoir lieu. Et si la Grande Bretagne revenait sur une décision qui s’avère désastreuse pour tout le monde ?

Ils sont nombreux en Grande Bretagne à comprendre que le vote du 23 juin était une erreur. Il faut leur laisser le temps de la réparer. Foto: Katy Backwood / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(KL) – « Et quand est-ce qu’ils partiront ? », se demandent de nombreux Européens après le vote britannique lors du référendum du 23 juin dernier – environ 52% des Britanniques s’étaient exprimés en faveur de la sortie de l’Union Européenne et depuis, la Grande Bretagne se trouve au début d’une évolution cauchemardesque – et pourtant, le « Brexit » n’a même pas encore été lancé en invoquant l’article 50 des Traités Européens. Et il vaudrait mieux que cet article ne soit jamais invoqué.

La monnaie britannique est en dégringolade, des investissements ont été reportés ou carrément annulés, les perspectives pour l’économie britannique sont noires. La Grande Bretagne assiste à une relance du mouvement indépendantiste en Ecosse et le réveil d’une conscience nationale en Irlande du Nord comme en Irlande –s’il est encore difficile d’évaluer toutes les conséquences d’un « Brexit », on se rend compte que les conséquences seraient catastrophiques à de nombreux niveaux. Inutile de se frotter les mains en pensant que le « perfide Albion » a fait une belle boulette – car les conséquences de cette boulette nous toucheront tout autant, dans chaque pays de l’UE. Et ce, comme en Grande Bretagne, à plusieurs niveaux.

Des conséquences pour toute l’Europe. Au niveau économique, le « Brexit » pourrait occasionner, selon le commissaire des finances Pierre Moscovici, une perte de croissance comprise entre 0,2 et 0,5% – ce qui voudrait dire que l’Italie, l’Espagne, le Portugal et peut-être même la France pourraient rencontrer de sérieux problèmes pour satisfaire les critères de stabilité. Dans les pays du sud de l’Europe où on assiste actuellement à une timide reprise de la conjoncture, le frein causé par le « Brexit » pourrait anéantir les efforts faits – ce qui pourrait avoir des conséquences désastreuses pour des pays comme la Grèce et d’autres. De nombreux investissements internationaux risquent de se délocaliser dans d’autres régions du monde – ce « frein de croissance » est donc difficile à évaluer avec exactitude et pourrait être encore pire que ce que prévoit Pierre Moscovici. Et – le « Brexit » n’affectera donc pas seulement la Grande Bretagne, mais l’ensemble des pays européens.

Au niveau politique, on voit déjà que le résultat du référendum britannique a donné un nouvel élan à de nombreux mouvements populistes dans de nombreux pays européens. On dénombre actuellement plus de 40 référendums qui seraient en cours de préparation, portant soit sur l’adhésion à l’UE, soit sur l’adhésion au système de l’euro, soit sur l’accueil des réfugiés comme le référendum qui aura lieu le 2 octobre en Hongrie. Le « Brexit » constitue donc une sorte de « top départ » pour la désintégration de l’Union Européenne. « Tant mieux », disent certains, « elle ne fonctionne pas bien et il est temps de l’abolir ». Vraiment ? Et on remplacerait l’Union Européenne par quoi ? Les états-nations ? Un format qui était à la base de deux millénaires de guerres en Europe ? Un système dont on sait qu’il n’apporte que souffrances, inégalités et catastrophes ? Il ne faut pas abolir l’Union Européenne, mais l’améliorer. On ne casse pas l’instrument qui garantit la plus longue période de paix que notre continent a connu.

Et maintenant ? Deux choses s’imposent maintenant. D’une part, tous les responsables européens et de la politique nationale qui se sont exprimés après le 23 juin en déclarant solennellement « qu’il faut un nouveau projet européen » devraient se souvenir de leurs belles déclarations et arrêter de considérer le « Brexit » comme une question purement technique. Elle n’est pas purement technique, mais remet l’avenir de notre continent en question. Et qu’ils se mettent à élaborer un, deux, beaucoup de projets pour une « nouvelle Europe » – l’ancien Directeur des Affaires Politiques du Conseil de l’Europe, Klaus Schumann, a déjà parlé de l’idée d’organiser un « Congrès Européen 2.0 » à l’instar de celui qui avait lieu à La Haye en 1948 et qui donnait l’impulsion qui menait à la création des institutions européennes. Et deuxièmement, il convient de laisser du temps aux Britanniques. Ils sont dans une situation difficile qui devrait non pas inspirer une joie maligne, mais de la compréhension. Dans tous les pays européens, ça nous arrive de voter « bêtement » – chez nous en Allemagne, nous avons Angela Merkel, en France, vous avez François Hollande, en Hongrie, ils ont Viktor Orban etc… laissons le temps aux Britanniques de se rendre compte que le vote du 23 juin était une erreur et laissons-leur le temps de revenir sur une décision dont les conséquences seront mauvaises pour nous tous.

C’est au gouvernement britannique d’invoquer l’article 50 et de lancer ainsi le processus du « Brexit ». Pour l’instant, cela n’a pas encore été fait. Et s’ils mettaient tout sur le dos de David Cameron en revenant sur leur décision ? Est-ce qu’il vaut mieux poursuivre sur une mauvaise voie pour la seule raison que l’on l’ait emprunté un moment donné ? Ou est-ce qu’il ne serait pas beaucoup plus grand d’admettre une erreur et de la réparer avant qu’elle ne cause de vrais dégâts ?

Par contre, dans tous les cas de figure, l’Europe doit effectivement se réinventer. Et il est affligeant de constater que le monde politique ait réussi de transformer la question du « Brexit » en un dossier d’une grande technicité bruxelloise – qu’ils se mettent à table, avec toutes les forces vives qui veulent construire cette « nouvelle Europe » ! Il n’est pas encore trop tard pour bien faire, mais il faut agir. Maintenant.

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