Et si l’Ukraine libérait la Russie ?

Cela fait aujourd’hui quatre mois que la Russie a tenté d’envahir l’Ukraine, pensant y faire une Guerre des Six Jours. La suite montre qu’il n’en est rien et André Markowicz nous livre quelques éléments de compréhension.

Un opuscule des plus percutants. Foto: Jean-Marc Claus

(Jean-Marc Claus) – André Markowicz, traducteur et écrivain français né à Prague, tient depuis plusieurs années un journal en ligne particulièrement intéressant. Fils d’un journaliste communiste, qui en 1964 décida de quitter Moscou pour rentrer en France, car « il ne supportait plus la violence de la vie quotidienne, l’alcoolisme, la violence des rapports entre les citoyens de ce pays qu’il aurait rêvé de voir comme la patrie du socialisme, c’est-à-dire le paradis sur terre », son regard sur la société russe dès avant et encore après l’URSS est sans concession aucune.

Ce qui le rend d’autant plus crédible, car en homme cultivé et intellectuellement honnête qu’il est, son analyse ne souffre pas les prises de positions partisanes. Balayant l’histoire de la Russie dans un très large spectre et explorant l’âme slave à travers la littérature, il nous livre dans un opuscule de 50 pages de texte écrit en avril 2022, des éléments clefs pour la compréhension de ce qui se joue actuellement en Ukraine. En Ukraine et en Russie, car la tentative d’invasion poutinienne ne sera pas sans conséquences sur le devenir du pays de Tchekhov, Lomonossov et Ouvarov.

Tchekhov, avec lequel il débute son propos car, la bataille de Kharkov avec laquelle a débuté l’invasion le 24 février dernier, se déroulait là où tous les protagonistes s’en vont à la fin de « La Cerisaie », pièce de théâtre à la traduction et l’adaptation de laquelle il a participé lors du dernier Festival d’Avignon. Or, « cette Cerisaie, pour Tchekhov, c’est l’image de la Russie en tant que telle, magnifique, mais laissée à l’abandon et vouée à la destruction ».

Lomonossov, car personne mieux que lui, n’explique pourquoi « le marteau a besoin de casser le verre pour forger l’acier », ceci faisant référence de manière imagée, mais très explicite, à la brutalité des systèmes tant tsariste que soviétique, brisant l’humain pour forger l’empire. Thématique reprise par Pouchkine dans « Le cavalier de bronze », écrit en 1833 et interdit de publication par Nicolas Ier. Interdiction, censure et sanction, des mots et des pratiques présents de manière transversale dans l’histoire de la Russie où tous les pouvoirs ne se sont jamais privés d’user très largement du knout.

Ouvarov, car, Ministre de l’Intérieur de Nicolas Ier, il avait théorisé et mis en pratique la triade provoslavié (orthodoxie) – samoderjavié (autocratie) – narodnost (principe national), que Vladimir Poutine emploie en ayant juste modifié l’ordre en samoderjavié – provoslavié – narodnost, l’autocratie de droit divin gardienne de la nation en quelque sorte. Ce qui amène André Markovicz à faire le constat d’une faillite engendrée, par l’idéologie panslaviste, l’Église Orthodoxe Russe et la violence endémique régissant les rapports humains.

Constat que chaque citoyen russe devrait, malgré la propagande, être à même de faire, la violence et le mensonge de la guerre engagée contre l’Ukraine depuis maintenant quatre mois pouvant alors provoquer un électrochoc salutaire, car « Les crimes commis par les envahisseurs russes sont patents, ils sont en train d’être répertoriés, et il est indispensable que les criminels soient jugés. ». Or, pour juger, il importe d’avoir une connaissance précise des tenants et aboutissants d’une affaire, ce à quoi cet opuscule contribue par une analyse très pointue.

Et si l’Ukraine libérait la Russie – André Markowicz
Éditions du Seuil – Collection Libelle – 06/2022
60 pages – 4,50€

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