Et si -maintenant- on parlait enfin de l’après-Covid ?

Quelle écologie pour quelle économie – c’est la question que se pose Alain Howiller.

Si l'écologie était aussi simple que sur ce dessin... Foto: Lars Eberrsmeyer / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Alain Howiller) – Les « satisfecits » adressés au gouvernement par la Cour des Comptes, la juridiction indépendante dont la mission est de s’assurer du bon emploi de l’argent public, sont suffisamment rares pour qu’on relève la manière dont les auteurs d’un récent rapport, ont souligné que c’est grâce aux mesures décidées par les pouvoirs publics qui ont apparemment atteint leur but : contenir le chômage autant que faire se peut. Et de fait, le chômage, en repli depuis la fin de 2020 où il se situait à 9,1% de la population active, vient de retrouver à 8%, le niveau d’avant la crise sanitaire : en 2019, il s’inscrivait à 8,1%. Et Emmanuel Macron, s’appuyant sur l’amélioration de la situation sanitaire (est-il assez prudent en l’occurrence ?), laisse entrevoir un assouplissement de certaines règles structurant la lutte anti-Covid-19.

La bouffée d’optimisme que génère ces constats, est corroborée par d’autres éléments encourageants : les défaillances d’entreprises sont, elles aussi, en recul selon l’INSEE, les effectifs du secteur privé ont dépassé cet été, ceux de 2019 et le Ministère des Finances, s’appuyant sur les prévisions de la Banque de France, table désormais sur un taux de croissance dépassant, cette année, les 6% (contre -8% en 2020 !). Alors que Christine Lagarde, Présidente de la Banque Centrale Européenne (BCE), ne prévoit qu’un taux de +5% pour la « Zone Euro » et que l’Allemagne continue de prévoir un taux de croissance frôlant, au mieux, les 4% en attendant un début de rattrapage à partir de l’année prochaine !

Ce que veulent les Français ! – « Globalement, l’activité devrait revenir à son niveau d’avant la crise, à la fin de cette année », risque, optimiste, Julien Pouget, responsable du service « conjoncture » de l’INSEE, même si, pour certains observateurs « jusqu’à la fin de 2022, nous serons dans une économie de rattrapage ». Pour les Français qui, paradoxalement, continuent d’épargner (+24% d’argent collecté depuis 2019, pour les seuls comptes courants et dépôts à vue !) alors que l’économie aurait besoin de leur argent en investissements et en consommation, le taux de chômage ne figure plus, pour 13% de sondés, qu’en 9ème position (sur dix positions de classement) de leurs préoccupations.

Par contre, pour 32% des sondés, les difficultés en matière de pouvoir d’achat figurent en 5ème position des préoccupations. C’est ce qui ressort d’un sondage « Ipsos-Sopra-Stera » pour Le Monde. L’étude révèle que (première préoccupation) 41% des sondés continuent à être préoccupés par la « Covid-19 », 39% par la protection de l’environnement, 36% par l’avenir du système social, 33% par le niveau de la délinquance et 30% par le niveau de l’immigration !

Lorsque l’Etat retirera ses aides !… – Pour l’économie de cette rentrée 2021, l’évolution de la Covid-19 est évidemment un facteur déterminant, mais les chefs d’entreprises placent dans les tout premiers rangs de leurs préoccupations, non seulement la réponse aux revendications de pouvoir d’achat et de protection du système social, alors que la pandémie a fait exploser les déficits budgétaires, mais encore l’impact sur leurs activités de la protection de l’environnement. Lorsque les états sortiront des (souvent généreux) soutiens qu’ils avaient accordés à l’activité économique, les chefs d’entreprise, comme leurs salariés, seront confrontés à de dures réalités !

Le climat social sera la première marche de « l’échelle de l’après Covid-19 » ! Pourra-t-on contenir une flambée de défaillances d’entreprises, exsangues, victimes de la crise sanitaire voire de ce manque d’approvisionnement dont, par exemple, 51% (contre 49% précédemment) se plaignent ? Ou encore victimes, pour certaines branches (restauration, hôtellerie, bâtiment, industries agro-alimentaires, agriculture, professions de santé) d’un manque d’effectifs qui peut conduire à l’arrêt de certaines productions voire au dépôt de bilan !

Le pouvoir d’achat et après l’environnement ? – Si le recrutement pêche souvent par manque de gens formés, il souffre pour l’essentiel d’une image dégradée ou d’un manque d’attractivité lié au niveau des rémunérations. Un début d’inflation (augmentation des prix à hauteur de +2%, attendue cette année) pèse d’ores et déjà sur les revendications de hausse de pouvoir d’achat qui alimentent les « négociations annuelles obligatoires » (NAO) qui vont s’engager dans les entreprises. Elles sont aussi la base sur laquelle un certain nombre de syndicats (y compris dans la fonction publique) s’appuient pour justifier les grèves annoncées pour le 5 Octobre. L’une des revendications porte notamment sur la demande d’un effort supplémentaire (ce qu’on appelle un… « coup de pouce » !) à l’augmentation (+2,2%) du salaire minimum (SMIC) à partir du 1er Octobre.

Une augmentation qui obligera sans doute, en boomerang, à aller au-delà de cette révision à la hausse avec cet effet pervers, la récupération par les entreprises des augmentations « arrachées » à travers une… hausse des prix de vente, alors que sur un an, les augmentations des matières premières étaient déjà en moyenne de l’ordre de +30% ! Il y a fort à parier que le même phénomène se produira sur les prix pratiqués par la « grande distribution » qui a, enfin(1), accordé des augmentations plus adaptées aux producteurs agricoles. Avec ce risque, dans l’un et l’autre cas, de contribuer à relancer la spirale de l’inflation ?

Quelle écologie pour quelle économie ? – Au sortir de la pandémie, l’économie et la société en général, seront amenés à gérer la protection de l’environnement avec ces interrogations de base auxquelles les électeurs seront amenés à répondre : quelle écologie avec quels effets entre croissance, attractivité et risques de décroissance, à quel prix, qui en paiera les effets et comment en supportera-t-on le coût social d’une transition qui sera, inévitablement, longue et difficile. Pour les entreprises, la transition écologique engagera une évolution technologique, sociale, financière. Ira-t-elle, comme certains le croient (ou l’espèrent !) jusqu’à la transformation du modèle économique ?

Aux Etats-Unis d’Amérique, les grandes entreprises ont pour la plupart commencé à étudier l’impact qu’aurait la prise en compte de mesures de protection de l’environnement. En France, plus d’une centaine de patrons ont créé une « Convention des Entreprises pour le Climat » (C.E.C.) pour étudier l’impact de l’écologie sur leurs entreprises : ils comptent, après plusieurs rencontres, proposer des mesures environnementales et sociétales susceptibles de transformer ce qu’ils appellent le « business model ».

L’attractivité n’est pas un… gros mot ! – Les préoccupations « vertes » ne seront pas absentes dans le « Plan d’Investissement France 2030 » que le gouvernement, mettant 30 milliards sur la table, va proposer le mois prochain pour favoriser l’émergence des entreprises dans les secteurs porteurs du futur. La publication du plan, à quelques mois désormais des élections présidentielles, promet de belles empoignades entre partisans et adversaires, entre promoteurs de compétitivité et d’attractivité et porteurs de croissance « douce » et raisonnée !

Mais « l’attractivité n’est pas un gros mot. On peut la faire évoluer vers une réalité visible et vertueuse », a lancé récemment Jean-Luc Heimburger, Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Alsace Métropole. Il s’exprimait dans le cadre de la conférence de rentrée à laquelle participaient les présidents de la Chambre d’Agriculture et de la Chambre des Métiers d’Alsace. Il entendait répondre à une interview de la Maire écologiste de Strasbourg, qui entend « transformer profondément » la ville qu’elle dirige.

(1) Voir eurojournalist.eu des 13.03. et 6.09.2021.

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