Eté 2014 : L’Allemagne entre Merkel et… Merkel ?

La Chancelière allemande peut faire (ou ne pas faire) ce qu'elle veut – les Allemands adorent leur «Mutti».

A 60 ans, Angela Merkel, la "femme la plus puissante du monde", pense à tout - sauf à prendre sa retraite. Foto: © Kai Littmann

(Par Alain Howiller) – Après une mémorable -mais assez ennuyeuse- réception (un millier d’invités tout de même !) organisée pour son soixantième anniversaire au siège de la CDU à Berlin et une ultime conférence de presse-bilan sur les premiers mois de la Grande-Coalition, Angela Merkel est donc partie («optimiste» dit-elle) en vacances:pour la cinquième fois, elle est allée chercher un peu de fraîcheur à 1900 mètres dans les Dolomites. Optimiste, elle peut incontestablement l’être, malgré le peu de succès obtenu auprès de son «ami» Vladimir Poutine dans le conflit ukrainien et le sentiment de trahison éprouvé en découvrant que les services secrets de son autre «ami» Barak Obama espionnaient jusqu’à son téléphone portable ! N’est elle pas la femme politique la plus populaire d’Allemagne, au point qu’on la voit déjà gagner les élections de… 2017 et retourner une nouvelle fois à la chancellerie ?

Le magazine américain «Forbes» ne l’a-t-il pas désignée, pour la quatrième année consécutive, comme étant la «femme la plus puissante du monde» ? On est loin de celle que l’ex-chancelier Helmut Kohl -dont elle contribuera à briser la carrière- appelait «das Mädchen» (la «jeune fille»), on vit, aujourd’hui, celle à qui son Ministre des Finances Wolfgang Schäuble -dont pourtant elle brisera le rêve de devenir président de la République, voire chancelier- vouera une loyauté sans failles.

Faible et forte à la fois : voici «Mutti / Merkiavel» ! – Elle est à la fois faible et fragile dans son foyer et impitoyable en politique : certains la surnomment «Mutti»(«maman»), d’autres l’appellent «Merkiavel» (contraction de Merkel et Machiavel). Elle aime chanter, raconter des blagues, aller à l’opéra, faire la cuisine, préparer des «Streussel», regarder des films sentimentaux (dont les vieux «Heimatfilme» de l’ancienne RDA), faire de la randonnée et on sait qu’elle adore le football ! En politique, elle est calculatrice, dissimulatrice, brutale, elle sait ce qu’elle veut et surtout ce dont elle ne veut pas, ce qui ne l’empêche pas -pragmatique avant tout- de changer d’attitude si les circonstances ou les opportunités l’exigent. Cela s’est vu avec la manière dont elle a décidé la sortie du nucléaire, peu après avoir prolongé la vie des centrales !

Elle réfléchit longtemps («Tu es lente Angela»), lui disait Nicolas Sarkozy), n’aime pas décider dans l’urgence et est un exemple typique d’un centrisme équilibré plus (c’est un reproche qu’on lui adresse notamment du côté de la CSU bavaroise) que d’une «démocratie chrétienne», pourtant coeur de cible du parti qu’elle dirige ! C’est sans doute ce qui explique qu’elle se sent plus à l’aise que son parti dans cette Grande-Coalition qu’elle dirige depuis les dernières élections.

71% d’Allemands satisfaits ! – C’est sa personnalité qui permet à la CDU, comme à la CSU de mener la danse en politique : son parti le sait d’autant mieux que les sondages sont là pour le rappeler et que les résultats des élections où elle ne s’est pas engagée -grandes villes, un certain nombre de Länder- se sont traduits par des échecs pour la démocratie chrétienne ! Dans le dernier sondage «ARD-Trend» (Juillet), Angela Merkel rassemble 71% d’Allemands (+5% !) satisfaits de sa politique : elle devance Frank-Walter Steinmeier, son Ministre SPD des Affaires Etrangères (qui recueille 69% de taux de satisfaction) et, en troisième position, Wolfgang Schäuble, ex aequo avec Hannelore Kraft (la ministre-présidente SPD de Nordrhein Westphalen – NRW).

Si des élections avaient lieu maintenant, souligne le sondage, la CDU bénéficierait de 39% (+1% par rapport au sondage de Juin) des intentions de vote, devant le SPD (26%, stable), les «Verts» et «Die Linke», également stables à respectivement 11 et 9%, tandis que le parti «Alternative für Deutschland – AfD» obtient 5% (-2%) et que le parti libéral «FDP» reste toujours en dessous des 5% nécessaires pour revenir au Parlement.

Une «nouvelle économie sociale de marché» ? – Tout semble contribuer à accréditer l’idée que la politique menée par Angela Merkel avec une Grande-Coalition marquèe par ce que la chancelière appelle «la nouvelle économie sociale de marché» qui aurait succédée -sans le dire- à la «Soziale Marktwirtschaft» de Ludwig Ehrhard et de Konrad Adenauer- serait politiquement payante. Il est vrai que des mesures telles que le «salaire minimum» recueillent 88% de voix favorables contre… 10% de voix hostiles ! 68% des sondés ne croient pas que ce «SMIC» fera perdre des emplois, contrairement à ce qu’affirme le patronat ! Avec la «GroKo», l’Allemagne pourrait bien vivre un tournant qui l’inscrirait dans une économie moins libérale ? Au grand dam des chefs d’entreprise et des leaders de son économie ? Cette dernière en souffrira-t-elle ? Ce tournant pourrait aussi signifier qu’Angela Merkel devrait, plus ou moins, se sentir obligée -poussée par son parti- à être candidate à sa propre succession en 2017 !

Le Vice-Chancelier SPD -Sigmar Gabriel- a fait de l’humour à ce propos, lors de l’anniversaire de «sa» chancelière. Evoquant une autre mesure décidée par la «GroKo», il a souligné mi-figue, mi-raisin : «En proposant la possibilité de prendre une retraite à 63 ans, nous n’avons évidemment pas pensé à la chancelière !» Cette dernière interrogée, à ce propos, lors de sa conférence de presse-bilan, a été, une fois de plus, équivoque : «J’ai déjà souligné combien j’avais hésité la dernière fois et combien j’avais hésité longtemps avant de me décider !» Alors Merkel succèdera-t-elle -pour la… quatrième fois- à Merkel ? Ou à l’image de l’un de ses héros -Philippe Lahm, le capitaine de l’équipe nationale de football- décidera-t-elle de prendre sa retraite en 2017, après avoir tout gagnée ?

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