Étonnants Voyageurs à Saint-Malo, dire le monde

Esther Heboyan sur le festival « Étonnants Voyageurs » où elle a dédicacé son excellent livre « Mississippi Blues » que nous vous présenterons dans quelques jours ici-même !

Rassurant - comme ici à Saint Malo, la littérature attire toujours beaucoup de monde ! Foto: Esther Heboyan

(Esther Heboyan) – Le « Festival Étonnants Voyageurs » a investi la ville de Saint-Malo du 4 au 6 juin. L’événement, lancé en 1990, met la littérature au centre des préoccupations et des festivités. Saint-Malo accueille, présente, défend « une littérature voyageuse, aventureuse, soucieuse de dire le monde. ». Du moins, c’est l’objectif des initiateurs d’hier et des organisateurs d’aujourd’hui. Car tous les livres exposés ne racontent pas des voyages ni ne décrivent cet ailleurs qui est, ou serait, différent de la France métropolitaine. Si l’accent est mis sur des itinéraires tant choisis que subis, le festival n’en garde pas moins un air généraliste. Sur les stands des éditeurs, petits ou grands, cohabitent fiction, non-fiction, théâtre et poésie. Et tous les genres sont permis, du polar à la bande dessinée en passant par le récit de voyage ou le traité de jardinage.

Sous un immense chapiteau mal ventilé où l’on suffoque l’après-midi, le salon du livre accueille auteurs, éditeurs et festivaliers qui arrivent par vagues, souvent curieux et intéressés, quelquefois incurieux, ou bien intimidés, ou encore accablés par le choix d’ouvrages. Les dédicaces sont annoncées heure par heure, avec un résultat variable. Parmi les têtes d’affiche : Sorj Chalandon pour Enfant de salaud qui explore l’Histoire de France et l’histoire d’un père collaborateur, Patrick Chamoiseau pour l’ouvrage collectif Refusons l’inhumain sur l’accueil des migrants, Riad Sattouf pour Les Cahiers d’Esther, tome 7 : Histoire de mes 16 ans au titre bien évocateur. D’autres auteurs, connus ou peu connus, patientent derrière leur stand, dans l’attente que le public vienne feuilleter leur dernier opus, et mieux encore, en acheter un exemplaire. Comme dans tout salon du livre.

Au Palais du Grand Large qui se dresse face à la mer et en d’autres lieux de la ville intramuros se tiennent diverses manifestations : cafés littéraires, grands entretiens, ateliers jeunesse, projections de films… Sur les marches du Palais, sous un soleil brûlant, la foule se presse pour aller écouter Michel Agier et Patrick Chamoiseau. À l’intérieur du bâtiment, au Niveau 2, escaliers et couloirs sont pris d’assaut pour assister au Grand Entretien avec Sorj Chalandon. Tout le monde n’aura pas le droit d’entrer. « Jauge de sécurité ! Jauge de sécurité ! », clament les hôtesses à qui ne veut rien entendre. Les requêtes à l’admission, légitimes ou pas, ne sont pas suivies d’effet.

Par bonheur, on peut se frayer un passage, voire s’asseoir par terre, dans la grande salle face à la mer où se tient le café littéraire sur le thème « Chant choral ». On y découvre le célèbre romancier cubain Padua Leonardo venu présenter Poussière dans le vent, ainsi que trois écrivaines nouvellement venues à la littérature, la Rennaise Marie Vingtras qui a situé son thriller Blizzard dans l’Alaska où elle n’est jamais allée, la journaliste française d’origine vietnamienne Doan Bui, qui a déjà publié Le Silence de mon père, pour La Tour qui se passe aux Olympiades dans le 13ème arrondissement de Paris et la Canadienne d’origine amérindienne Katherena Vermette pour Les Femmes du North End qui décrit une communauté marginalisée de Winnipeg et montre comment on guérit de la violence grâce au pouvoir des grands-mères. Lors d’un bref échange sur le stand de son éditeur, Katherena Vermette se laisse photographier, confie que son second roman est en cours de traduction et que la traductrice française fait un travail méticuleux.

Pendant le festival, des prix sont décernés : le Prix Joseph Kessel à Fenua de Patrick Deville qui se déroule en Polynésie, le Prix Nicolas Bouvier à Une datcha dans le Golfe du journaliste espagnol Emilio Sanchez Mediavilla qui a vécu à Bahreïn, le Prix Ouest-France Étonnants Voyageurs (par un jury de jeunes lecteurs) à Blanc Résine de la Québecoise Audrée Wilhelmy qui narre la relation d’une jeune fille sauvage avec un médecin métis, le Prix Gens de Mer à l’Irlandais Paul Lynch pour Au-delà de la mer.

Le soleil profite aux stands de crêpes, gaufres et glaces. La journée du samedi se clôt par un orage d’une puissance inouïe. On se réfugie sous les auvents des commerces intramuros, les arcades de la vieille fortification, les porches d’immeubles. Le dimanche démarre par un vent frisquet, mais on échappe à la pluie et le soleil brille jusqu’à éblouissement sur le Quai Saint-Malo. Le lundi en matinée, soleil encore et l’on quitte Saint-Malo à regret. Dans le TGV retour, on parcourt à nouveau le programme du Festival Étonnants Voyageurs, riche en imaginaires de la curiosité pour l’Ailleurs et de la sympathie pour l’Autre : « Imaginaires d’un monde en commun », « Besoin d’utopies », « Notre commune humanité », « Poétique de la résistance », « Écrire pour ne pas oublier », « Éloge de la contemplation », « La tête dans les étoiles », « La littérature peut-elle nous réparer ? »…

Tandis que les fabricants de haines et d’horreurs continuent leur trajectoire à travers le monde.

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