Être LGBT au Royaume d’Espagne

L'Espagne qui, en matière de respect et d'intégration des LGBT, a de l'avance sur d'autres pays européens, reculerait-elle ?

Manifestation LGBT organisée en 2015 par XEGA et XEGA XOVEN dans les rue de Gijón, au Nord de l'Espagne. Foto: XEGA / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(Jean-Marc Claus) – S’il est vrai que l’adoption du mariage dit homosexuel en 2005 par l’Espagne, lui a donné une considérable avance sur la France ne légiférant elle, qu’en 2013 au prix d’une guerre d’opinions, au Royaume d’Espagne (Reino de España), les LGBT ne sont pas pour autant à l’abri d’agressions. Du chemin reste en effet à parcourir, mais l’actuel gouvernement ne baisse pas les bras, bien au contraire.

Le chef du gouvernement s’est récemment positionné très clairement. Tout comme il sait admirablement pourfendre l’ogre caudillo-nostalgique Abascal, en citant le militant Pedro González Zerolo (1960-2015), Pedro Sánchez a publiquement apporté son soutien à Diego José, un jeune cartagènois âgé de 11 ans, victime d’une agression homophobe à la sortie de son établissement scolaire. Agression qui a nécessité une intervention de chirurgie maxilo-faciale. Victime d’un harcèlement qu’avait dénoncé sa sœur, le jeune garçon a été retrouvé inconscient, gisant au sol, cloison nasale éclatée.

Pedro Sánchez a écrit à Diego José une lettre particulièrement émouvante dans laquelle il a notamment assuré au jeune garçon que la haine n’a pas d’avenir dans le pays (sic), et l’a félicité pour son courage, lui apportant également le soutien de la commune Carthagène et de la Communauté Autonome de Murcie. La Murcie, région où le parti d’extrême-droite Vox n’a pas perdu de temps depuis sa percée aux élections de 2018-2019, notamment avec l’affaire du « Veto Parental » au début de cette année. Il était alors question de permettre aux parents de dispenser leurs enfants de participer à certaines activités pédagogiques dites complémentaires, dont celles consacrées à l’égalité des sexes, aux droits des LGBT, à l’avortement et forcément, la lutte contre les violences faites aux femmes.

A Barcelone, Eva, une jeune transsexuelle âgée de 19 ans installée dans la ville depuis à peine deux mois, a été agressée verbalement et physiquement en pleine rue, alors qu’elle sortait de son domicile. Elle a exprimé sa détresse sur les réseaux sociaux et a reçu de nombreux messages de soutien, tant d’anonymes que de personnalités dont Ada Colau, maire de la ville, et Irene Maria Montero Gil, actuelle Ministre de l’Égalité du Gouvernement  Sánchez II. La première l’assurant que Barcelone est une ville ouverte, fière de sa diversité, prête à lui apporter gracieusement  soutien juridique et psychologique ; la seconde affirmant son engagement à appliquer la tolérance zéro envers les discours haineux conduisant à de tels actes.

Connue pour sa « Barcelona Pride » qui témoigne de sa tolérance, la capitale catalane connaît pourtant depuis 2017, une recrudescence des agressions homophobes. La manifestation, portée par la Movida, a débuté en 1977 sur les Ramblas où 4.000 personnes furent alors dispersées violemment par la police. Depuis, les mentalités ont évolué en Catalogne, mais actuellement, on assiste à une réelle involution, même si elle ne concerne pour l’instant qu’une minorité agissante.

Le parquet de la région de Murcie a récemment porté plainte contre Fernando Ferrín Calamita, un juge aux affaires familiales sanctionné dès 2009 au motif qu’il a freiné une procédure d’adoption. Il s’agissait alors en 2006, de l’adoption de Candela par Vanesa de las Heras, l’épouse de sa mère Susana Meseguer. L’homosexualité des deux femmes était alors un obstacle pour le juge qui n’en a pas démordu et, écopant de nouvelles sanctions, a développé une attitude victimaire, se disant objet de « christophobie », publiant même en 2012 un livre intitulé « Moi, victime de la  christophobie : Le calvaire d’un juge catholique pour avoir respecté la loi en Espagne ». Ce qui lui a permis de gagner de nombreux soutiens, notamment à l’extrême-droite.

La récente décision du parquet de Murcie est motivé par le fait que  Fernando Ferrín Calamita a écrit une lettre ouverte à Candela qu’il a diffusé sur les réseaux sociaux. Courrier délirant dans lequel il lui dit avoir appris le divorce de ses mères, sa prise en charge par les services sociaux et qui l’informe de son droit à l’âge de 16 ans de demander son émancipation, lui suggérant au passage de porter plainte contre l’État. Candela et ses mères vivent toujours sous le même toit, en toute harmonie, mais le juge homophobe n’a jusqu’ici jamais cessé de les harceler.

Ces trois situations montrent bien que, si selon la récente étude du  « Pew Research Center » (USA), l’Espagne occupant la troisième place du classement européen, est réputée comme un pays des plus respectueux des droits des homosexuels, des foyers infectieux d’homophobie y existent bien et des minorités agissantes font des dégâts. La montée de l’extrême-droite, sur toile de fond de caudillo-nostalgie et de franquisme à effet boomerang, n’est certainement pas étrangère à cela.

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste