Etre pauvre = être malade…

Pendant que les pays riches se disputent les vaccins disponibles sur le marché mondial, les pays dits pauvres n’ont, pour l’instant, obtenu que 0,1% de la production. Là aussi, il s’agit d’une erreur monumentale.

Sur les 54 pays africains, seulement 6 ont déjà obtenu des doses de vaccin en tout petit nombre. Foto: Seychelles Nation / Wikimedia Commons / CC-BY 4.0int

(KL) – La pandémie dévoile, une fois de plus, le clivage extrême entre les pays riches et les pays pauvres. Tandis que les pays riches se partagent actuellement environ 70% de la production mondiale des vaccins, seulement 0,1% de cette production sont arrivés dans les pays les plus démunis, donc là où l’application des mesures sanitaires est déjà plus compliquée qu’ailleurs, à défaut d’infrastructures et de matériel comme des masques où du gel. Ceci ne constitue pas seulement un manque flagrant de solidarité, un signe d’un néonationalisme froid et inquiétant et, surtout, une erreur incroyable. Est-ce que, au bout d’une année de crise, on n’a toujours pas compris qu’une pandémie doit être combattue à l’échelle planétaire ?

La situation pandémique dans les pays en voie de développement prend une tournure cauchemardesque. Malgré toutes les déclarations, malgré tous les appels, la plupart de ces pays n’ont, pour l’instant, pas obtenu une seule dose de vaccin et ne disposent pas non plus d’une infrastructure, de l’administration et des moyens pour organiser une campagne de vaccination. Cela veut dire que le virus, avec toutes ses mutations, peut s’y propager presque librement et il est évident que dans un monde globalisé, il nous reviendra immédiatement. Mais nous sommes tellement occupés par la bataille des vaccins que le destin des pays en voie de développement ne nous intéresse pas trop.

L’Afrique compte 54 pays, mais seulement 6 d’entre eux ont pu administrer les premières doses de vaccin. 48 pays attendent, certains se sont adressés à la Chine et à la Russie, puisque leurs appels au secours adressés à l’Union Européenne, sont restés lettre morte. Pour Jagan Chapagain, le Secrétaire Général de la Fédération Internationale de la Croix Rouge, l’attitude européenne et internationale, constitue une grave erreur: « Ceci est alarmant, car d’une part, c’est injuste et d’autre part, cette attitude pourrait prolonger ou même aggraver cette terrible pandémie. » La santé est devenue un business, un champ de bataille des marchés financiers et des spéculateurs à la Bourse où règne actuellement une ambiance « Klondyke City » du temps de la Ruée vers l’Or.

Le cynisme du monde occidental ne connaît pas de limite – ainsi, les pays les plus pauvres doivent payer le prix le plus fort pour les vaccins. Tandis que l’UE doit payer 1,78€ par dose du vaccin AstraZeneca, un pays comme l’Ouganda doit payer pour la même dose 5,80€. La frustration face à cette attitude est grande, comme l’a exprimé de manière élégante la Directrice Afrique de l’OMS Matshidiso Moeti qui a commenté : « Il est naturellement regrettable qu’il y ait des pays pauvres qui doivent payer plus cher que les pays riches… ».

L’un des grands problèmes des pays en voie de développement, est l’absence d’une infrastructure permettant la gestion des vaccins (si jamais ils pourraient l’acheter) – les vaccins nécessitant une chaîne de froid performante, assurant pour certains types de vaccins, un stockage à -70C°. Mais les pays en voie de développement ne disposent pas de telles structures et visiblement, les organisations internationales ne voient aucune nécessité d’agir à ce niveau.

Mais notre égoïsme, le même d’ailleurs qui nous fait assister les bras croisés face au drame des réfugiés qui se noient en Méditerranée, nous reviendra sous forme de boomerang. L’idée que l’on puisse vaincre ce virus dans une région du monde, pendant qu’il continue à sévir ailleurs, est fausse. Dans un monde globalisé où il est impossible de couper court à tous les échanges, ce virus sera soit vaincu au niveau mondial, soit il ne le sera jamais.

Autre problème – en vue de la pénurie de vaccins, plusieurs pays dits pauvres, développent des stratégies peu prometteuses. Ainsi, le Kenya prévoit la vaccination de 1,25 millions de personnes, ce qui correspond à seulement 5% de la population adulte au pays. Mais vacciner seulement les castes au pouvoir et les leurs, n’apportera strictement rien. Dans d’autres pays, la situation est comparable – les « stratégies » y prévoient de vacciner seulement une frange de la population, faute de moyens pour envisager de vacciner tout le monde. Cela n’endiguera donc en rien le virus, mais creusera encore davantage le fossé social entre les différentes couches de la population. Comprendre : tu es pauvre, tu seras malade. Ceci n’est pas tout à fait nouveau, mais on l’a rarement vu aussi clairement. La pauvreté tue. Mais sur ce coup, on peut s’attendre au retour de la manivelle.

L’initiative « Covax » veut y remédier. 145 pays participent à cette initiative qui a pour objectif, de fournir des vaccins à tous les pays. D’ici l’été, l’initiative prévoit la fourniture de vaccins pour, en moyenne, 3,3% de la population de ces 145 pays. 3,3%. Avec un tel taux de vaccination, on ne sauvera pas la santé dans les pays, mais on fait uniquement en sorte à ce que les grands laboratoires pharmaceutiques puissent ruiner l’économie mondiale. Le Président de l’IRC (International Rescue Committee) David Milibrand, le dit clairement : « La pénurie des vaccins, avec le nationalisme des vaccins, fera que les gens dans des régions à crise ou à conflit, n’obtiendront aucun vaccin cette année. » Mais rassurons-nous: si nous ne sommes pas en mesure de fournir des vaccins aux pays les plus pauvres, cela n’affectera en rien nos livraisons d’armes dans ces pays. Mais à quoi servent des organisations internationales qui ne peuvent pas assurer l’approvisionnement en médicaments, nourriture et sécurité, mais qui continuent à vendre des armes à ces pays ?

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