Être Président(e) au Portugal
La présidence de la République du Portugal a peu de choses en commun avec celle d’autres pays dont la France.

(Jean-Marc Claus) – Le régime semi-présidentiel du Portugal, contrairement à la dernière version de la Ve République en France, a l’avantage de ne pas concentrer les pouvoirs dans les mains d’une seule personne. La démocratie y gagne, et le locataire du « Palácio Nacional » de Belém s’en trouve contraint à une certaine humilité dont nombre de présidents français ne sont pas coutumiers.
Humilité ne rime en rien avec invisibilité et inefficacité, car l’actuel président Marcelo Rebelo de Sousa en a fait la démonstration durant son mandat. Garant de l’indépendance du pays, il est aussi le commandant suprême des forces armées. Sa fonction essentielle, en temps de paix comme en temps de guerre, est de défendre, de respecter et de faire respecter la Constitution de la République, comme il le dit obligatoirement lors de sa prestation de serment.
Un travail ne se limitant pas à couper des rubans vert et rouge, pour lequel il perçoit une rémunération inférieure à celle d’un député français toutes indemnités comprises. La France, très généreuse avec ses acteurs institutionnels, gagnerait à prendre exemple sur d’autres pays européens, dont le Portugal et même l’Espagne où en 2015 Felipe VI a consenti à réduire son salaire de 20%.
Point de roi au Portugal ou de monarque républicain comme en France, mais un président dans lequel la population peut se reconnaître, sans pour autant l’aduler et le suivre aveuglément, telle est la formule qui durant ces cinq dernières années réussit à Marcelo Rebelo de Sousa. Un président à la popularité jusqu’ici inégalée, au point que plus de la moitié des habitants souhaitant avoir un selfie en sa compagnie, une application gratuite nommée « Marcefie » a été créée en 2018 pour permettre à tout un chacun de réaliser le sien.
Aux antipodes d’Aníbal António Cavaco Silva, son prédécesseur surnommé « a Múmia » (la Momie), Marcelo Rebelo de Sousa fait preuve d’une grande humanité le rapprochant de ses concitoyens. Sans verser pour autant dans le populisme, il incarne un centrisme rassembleur jusqu’ici très influent sur la droite classique. Or, la montée de l’extrême droite ne disant pas son nom, dont le potentiel de nuisance a été récemment démontré aux Açores, tend à affaiblir cette influence.
Le prochain locataire du « Palácio Nacional » de Belém, qu’il soit Marcelo Rebelo de Sousa pour un second mandat ou l’un(e) de ses six concurrent(e)s, devra tenir compte de la dangerosité de cette composante de l’échiquier politique. Nommant le Premier Ministre après consultation des partis représentés à l’Assemblée de la République et observation des résultats des élections, il ne peut se permettre aucune fantaisie absolutiste.
Depuis le Gouvernement Provisoire de Teófilo Braga de 1910-1911, le Portugal en est à sa IIIe République. Entre la Iere (1911-1926) et la IIe (1933-1974) militaro-salazariste appelée « Estado Novo » à laquelle mit fin la Révolution des Œillets, il y eut la dictature militaire de 1926 à 1933. Une série de coups d’état à rebondissements, inaugurée par celui du général Manuel de Oliveira Gomes da Costa (1863-1929), et dont les multiples péripéties permirent à un certain António de Oliveira Salazar (1889-1970) d’émerger.
Rappelons que la Iere République Portugaise (1911-1926) est, tout comme l’actuelle IIIe, née d’une révolution se voulant progressiste, actant quant à elle, la fin de la monarchie constitutionnelle de 1822. Ce qui peut en partie expliquer la vivacité des partis et mouvements politiques de gauche. Mais l’arrivée en 2019 de l’extrême-droite (Chega) sur l’échiquier politique et sa rapide ascension, n’étant pas sans rappeler l’épisode de l’Estado Novo (1933-1974) de Salazar qui symbolisera la IIe République, le futur Président aura tout de même quelques soucis à se faire.
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