Eurimages : réalisatrices de cinéma, distinguez-vous !

Quand le Conseil de l’Europe fait son cinéma… non, quand il soutient celles qui font du cinéma…

Le cinéma décliné au féminin compte parmi les sujets principaux d'Eurimages. Foto: Eurométropole Strasbourg

(Par Antoine Spohr) – Elles n’ont pas besoin de faire des manifestations tonitruantes pour trouver enfin une considération presque comparable à celle de leurs collègues masculins : à «Eurimages», c’est l’institution dirigeante, i.e. le Comité de Direction du Fonds, basé à Strasbourg, qui s’en charge, par une mesure à la fois préventive et incitatrice.

C’était avant la «guerre des sexes» engagée au festival de la BD d’Angoulême, haut lieu de cet art. Armistice déclaré dans ce cas : des femmes auteures figureront cette année sur la liste des 30 présélectionnés pour les prix.

Petit rappel. – Les cinéphiles et même les spectateurs moins assidus connaissent le nom de l’organisme «Eurimages», émanation depuis 1988 du Conseil de l’Europe. Il apparaît souvent sur les génériques de fin dans la liste des coproducteurs. On comprend alors qu’il s’agit tout simplement d’un fonds à visée culturelle, destiné particulièrement au cinéma (fiction, animation et documentaire), doté de 25 millions d’euros, budget alimenté par la contribution des 36 Etats membres sur les 47 du Conseil (tous n’ont pas véritablement de cinéma national ou les moyens de contribuer) et les remboursements des avances sur recettes si le film a été bénéficiaire. Mais le fonds vient en aide aussi aux exploitants dans la distribution comme dans la présentation en salle, sur le terrain en somme !

Pour ce qui est de la coproduction, les choix sont souvent judicieux selon le palmarès des grands festivals. (cf. le site d’Eurimages). Compliments ! Reste à y déceler la part des réalisatrices féminines si tant est qu’elles aient été sélectionnées. Voir aussi en annexe.

Parité ou égalité entre femmes et hommes ? – Parmi d’autres mesures adoptées par le Comité de Direction du Fonds, on retiendra ici tout particulièrement l’attribution d’un «Prix de la meilleure réalisatrice dans un prochain festival international du film» : 30 000 euros, une manne appréciable !

On écoute à ce sujet la brillante Isabel Castro, Directrice exécutive adjointe d’Eurimages : «Eurimages se base sur l’expérience acquise par son groupe de réflexion sur l’égalité́ des hommes et des femmes au cours de ces deux dernières années. Selon moi, l’un des moments les plus marquants a été́ l’adoption par le Comité́ de direction au mois d’octobre 2015 d’une stratégie et d’un plan d’action pour l’égalité́ des hommes et des femmes qui vont nous permettre de montrer la voie du changement au sein de l’industrie cinématographique européenne». Belle ambition !

Une question cependant subsiste,… difficile. Quels seront les critères, quel jury par exemple au festival de Berlin le 15 février prochain où vous mettrez en œuvre les innovations adoptées ? Jury du festival ? Le vôtre constitué ad hoc et pro domo ? D’éminents experts ou autre ?

Eurimages a fait savoir que l’indication du genre des acteurs et des techniciens est pratiquée depuis 2013 à titre d’information et surtout que les scénarios sont soumis au test de Bechdel.

En raccourci tiré de Wikipedia et vérifié par ailleurs :

Le test de Bechdel, ou test de Bechdel-Wallace, est un test qui vise à démontrer par l’absurde à quel point certains films, livres et autres œuvres scénarisées sont centrés sur le genre masculin des personnages. Une œuvre réussit le test si les trois affirmations suivantes sont vraies :

• l’œuvre a deux femmes identifiables (elles portent un nom) ;
• elles parlent ensemble ;
• elles parlent d’autre chose que d’un personnage masculin.

Le test de Bechdel a trois niveaux. Il est possible de donner un point par niveau pour noter les œuvres. Pour réussir ce test, il faut obtenir les trois points. Le test est une grille de lecture factuelle et ne juge pas de la qualité artistique. Son but est de montrer la grande quantité de films et autres œuvres qui ne réussissent pas à valider ces trois affirmations.

Voyons ou écoutons une interview fictive mais possible :

«De fait, madame, vous aviez fait un film merveilleux mais connaissiez vous le test de Bechdel ?»

Réponse imaginée de mesdames les réalisatrices comme Jane Campion ou Ariane Mnouchkine ou Agnès Varda ou d’autres… : «Non, mais…. c’est quand même vrai, quelque part…». Par exemple !

Question à poser aussi à la réalisatrice Diane Kurys dont le film «Arrête ton cinéma» sort le 13. Il est inspiré par un roman presque autobiographique de Sylvie Testud, qui partage le plateau avec Zabou Breitmann et Josiane Balasko. Là, les conditions sont remplies amplement.

Oui Eurimages, vous avez raison, et on sait que, dispensateur de grâces, vous n’oubliez jamais la qualité intrinsèque de l’œuvre, le réalisateur fût-il inconnu et même supposé bi-ou-trans-sexuel voire asexué.

Votre plus grand mérite est de travailler avec discernement aux échanges entre les cultures européennes et de favoriser, ce faisant, une prise de conscience d’appartenance à une civilisation commune où malheureusement la femme n’a pas toujours eu la place qu’elle revendique justement aujourd’hui. «Elle est l’avenir de l’homme» ! Avec vous et avec Ferrat réinterprétant Aragon, on veut y croire.

Annexe :

Eurimages récompensé par 11 prix aux «European Film Awards» !

15/12/2015 – La 28e cérémonie de remise des prix du cinéma européen (European Film Awards) qui s‘est déroulée samedi dernier à Berlin a véritablement consacré les choix du Comité de direction d’Eurimages en décernant pas moins de 11 récompenses à divers films soutenus par le Fonds : Youth de Paolo Sorrentino a remporté les prix du Meilleur Film Européen, du Meilleur Réalisateur Européen et son interprète Michael Caine celui du Meilleur Acteur Européen ;
 Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence de Roy Andersson a obtenu le prix de la Meilleure Comédie Européenne ; 
Lobster de Yorgos Lanthimos a été récompensé par le prix du Meilleur Scénariste Européen et par celui des Meilleurs Costumes ;
Le chant de la mer de Tomm Moore a été élu Meilleur Film d’Animation Européen ;
 Mustang de Deniz Gamze Ergüven a remporté le Prix de la Découverte Européenne – Prix FIPRESCI ; 
Le Tout Nouveau Testament de Jaco van Dormael a obtenu le prix des Meilleurs Décors Européens (Sylvie Olivé) et
 Les mille et une nuits de Miguel Gomes s’est vu décerner le prix du Meilleur Son Européen (Vasco Pimentel et Miguel Martins).
 Le Prix de la coproduction européenne 2015 – Prix Eurimages a été remis à Andrea Occhipinti.

Retrouvez tout le palmarès sur le site de la «European Film Academy».

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