Eurodistrict : les «forces vives» refusent le dialogue

L’Eurodistrict Strasbourg-Ortenau avait invité le monde associatif à une Table Ronde. Cette Table Ronde n’aura pas lieu, les responsables associatifs refusant de participer.

Déjà tout petit, on apprend que bouder le dialogue ne constitue jamais une solution... Foto: © Kersten Schröder / www.pixelio.de

(KL) – Le Président de l’Eurodistrict Strasbourg-Ortenau Frank Scherer avait invité des représentants du monde associatif à un dialogue structuré, à l’instar de la première Table Ronde de ce type au mois d’octobre 2012. Le but, comme l’avait souligné Frank Scherer à l’époque, était de pouvoir échanger avec les forces vives dans le domaine transfrontalier, histoire de pouvoir les associer davantage dans les travaux dans la construction de cette structure. Faute d’inscriptions, cette deuxième Table Ronde, prévue ce jeudi soir, n’aura pas lieu. Un geste de la part du monde associatif aussi fort qu’inutile.

Pendant de longues années, de nombreuses associations et initiatives avaient cherché le rapprochement avec cet Eurodistrict, demandant une participation citoyenne, demandant plus d’efficacité dans les travaux de cette structure qui, selon les souhaits de Gerhard Schröder et de Jacques Chirac, devait devenir un «laboratoire européen».

Soyons honnêtes – l’Eurodistrict Strasbourg-Ortenau n’est jamais devenu un «laboratoire européen», mais une sorte de structure de la coopération transfrontalière. Ce qui n’est pas la même chose. La faute à qui ? La liste des responsables de cette évolution est longue. Manque d’attitude et de volonté politique de la part des anciens responsables locaux et régionaux, manque de soutien de Paris et de Berlin, manque de soutien de la part des institutions européennes, manque de volonté d’expérimenter réellement de nouvelles formes démocratiques européennes. Mais aussi : manque de structure.

Le petit bureau de l’Eurodistrict à Kehl, qui porte le grand nom du «Secrétariat Général», mais qui manque chroniquement de ressources humaines pour pouvoir travailler dans le sens d’un «laboratoire européen», ne peut pas réaliser des projets aussi ambitieux que l’intégration transfrontalière. Pour pouvoir y arriver, il faudrait une structure avec plus d’experts capables de mener à bien de grands projets, il faudrait beaucoup moins d’administration franco-allemande et beaucoup plus d’implication de la société civile.

Les associations refusent donc maintenant le dialogue avec les responsables de cet Eurodistrict. Qui en prend acte. Mais que gagne le monde associatif en boudant ce dialogue ? Bien sûr, on entend partout «ça ne sert à rien, ils se moquent de nous depuis dix ans…» – la frustration au niveau associatif est grande et on le comprend. Dix ans de travail associatif avec un résultat quasiment inexistant, cela finit par user les bonnes volontés.

Mais pour changer cet état des choses, il aurait fallu passer par un travail commun, définissant les objectifs et élaborant des plans de mise en oeuvre concret. Ce ne sont pas les idées qui manquaient au monde associatif, des idées que l’on aurait pu formuler comme «mission politique», avec des délais, des plans de projet et tout ce qui faut. Et c’est ça que Frank Scherer a voulu réaliser en organisant ces Tables Rondes. Que le monde associatif a décidé de bouder.

Boycotter quelque chose, cela implique systématiquement de laisser le champs libre à ceux qui poursuivent d’autres objectifs. Refuser un dialogue que l’on a reclamé pendant des années, cela n’arrangera rien. Au contraire. Le grand public n’en sera ni informé, ni choqué – il ne s’intéresse plus à ces structures. Ni les structures publiques, mais plus non plus aux associations oeuvrant dans ce domaine.

L’Eurodistrict, avouons-le, arrive maintenant au point mort. Il risque fort de devenir une administration transfrontalière qui passe le plus clair de son temps à s’auto-administrer. Les associations dans le transfrontalier connaissent le même sort. Manque d’adhésion des gens, réunions intimes où l’on croise les mêmes têtes que l’on croise depuis 20 ans, cela devient le désert.

Les erreurs, on en fait des deux côtés. L’Eurodistrict doit assumer le reproche de travailler beaucoup trop lentement et de n’avoir pas réussi à instaurer une participation citoyenne digne de ce nom. Depuis des années, les associations demandent d’être associées aux travaux, d’avoir des sièges dans le Conseil de l’Eurodistrict, de pouvoir co-décider ou de décider d’une partie du budget destiné aux projets citoyens et l’Eurodistrict n’a jamais fait le moindre pas dans une telle direction qui effectivement, aurait conféré la dimension du «laboratoire européen» à cette structure. Les potentats locaux avaient toujours peur d’associer le monde citoyen à ses travaux. L’argument avancé – les citoyens ne seraient pas légitimés pour sièger dans une assemblée comme le Conseil de l’Eurodistrict. Ce que les élus locaux ne disent pas, c’est qu’ils ne sont pas non plus légitimés pour sièger dans ce Conseil. Ils ont tous «hérité» de leur siège dans le Conseil de l’Eurodistrict, sans avoir été élus pour. Ils sont maires, conseillers municipaux, conseillers communautaires, mais pas un seul membre de ce Conseil de l’Eurodistrict n’a été expressement élu pour sièger dans un conseil transfrontalier.

Et il convient également de constater que la plupart des membres de ce conseil ne disposent même pas des compétences fondamentales pour travailler au sein d’une telle structure – on le constate à chaque réunion du conseil, lorsque environ 40 des 48 membres du conseil doivent mettre le casque de traduction. La compétence interculturelle, ce n’est pas vraiment ça. Donc, si la volonté politique avait été là, une plus forte intégration du monde citoyen dans la construction de cet Eurodistrict aurait été parfaitement pensable. Seulement, il manquait la volonté politique. Un reproche qu’on ne peut pas épargner à cet Eurodistrict.

Maintenant, le monde associatif présente la réponse du berger à la bergère. Et ce, à un moment où Frank Scherer tente d’instaurer une autre forme de dialogue. Arrêter les échanges, cela n’a rien de constructif, au contraire. Quelle suite propose donc ce monde associatif qui lui, se porte aussi mal que l’Eurodistrict ? La fin de cette aventure ? La création parallèle d’un «Eurodistrict citoyen» ? Il faut être réaliste. Un projet comme un «laboratoire européen» ou l’intégration franco-allemande, nécessite beaucoup de temps et ne peut fonctionner qu’à condition que le monde public et le monde privé trouvent des terrains d’entente et de coopération. Ce qui passe, que cela plaise ou non, par le dialogue et le rapprochement.

Le refus de dialoguer rélègue le monde associatif au rang du spectateur. Et ce, pour très longtemps. Le grand public se fichera pas mal de ce refus, il ne s’en rendra même pas compte. Comme il se fiche de l’Eurodistrict. Dommage – l’annullation de cette Table Ronde, faute d’inscriptions, marque un arrêt des relations entre le monde associatif et l’Eurodistrict. Et ce, pour longtemps. Il est trop facile de pointer cette structure de l’Eurodistrict du doigt, lorsque l’on refuse soi-même de s’engager. Il faudra attendre longtemps avant que ces deux mondes puissent se croiser à nouveau. D’ici là, il a de fortes chances à ce que l’Eurodistrict Strasbourg-Ortenau soit devenu une structure de la coopération simple – une structure comme nous en avons déjà à revendre dans la région. Quel gâchis !

4 Kommentare zu Eurodistrict : les «forces vives» refusent le dialogue

  1. Yveline MOEGLEN // 23. Mai 2014 um 1:57 // Antworten

    Quel gâchis !……, Est le terme qui convient tout à fait à la situation de l’Eurodistrict : CUS/ORTENAU !
    Le monde associatif en a plus qu’assez de ne pas se faire entendre … par ceux qui ont un pouvoir de décision … depuis maintenant 9 ans !
    A quoi servirait encore un dialogue entre élus et association de l’Eurodistrict sachant que plus de 800 000 € sont destinés à faire de la coopération transfrontalière comme on en fait depuis 40 ans … et que dans l’invitation même , il n’y a pas le mot EUROPE mais bien coopération transfrontalière … c’est dire à quel point il y a divergence entre le projet initial de « laboratoire sur l’Europe » et ce qu’en ont fait les élus depuis presque 10 ans !
    Boycotter reste la dernière manifestation de mécontentement possible vu le peu d’intérêt porté à l’Eurodistrict … Et enfin … ?.. Dialoguer sur quoi ?? Tout à déjà tant de fois été dit ! Rien n’a jamais été entendu et encore moins retenu..
    L’Eurodistrict est devenu ce que tous les élus , tous partis confondus en ont fait : une machine qui par le prélèvement d’un euro par habitant de la CUS et du ORTENAU renfloue les caisses dédiées aux coopérations transfrontalières .. , fait croire qu’on innove…. Créée des postes administratifs qui existent déjà dans les structures de coopérations transfrontalières existantes….
    L’idée fut bonne mais détournée …. !

  2. La relative désaffection s’explique aisément:l’

  3. Il faudrait simplifier la procéfdure -extraordinairement complexe- du système des subventions accordées,payer un séminaire de formation aux relations publiques à la directrice,sensibiliser les élus (surtout français)à la nécessité d’être présents,amélopoàrer vbles hirpeytrdee oréxenhts

  4. Il faudrait simplifier la procédure -extraordinairement complexe- du système des subventions accordées, payer un séminaire de formation aux relations publiques à la directrice, sensibiliser les élus (surtout français)à la nécessité d’être présents, améliorer les horaires d’ouverture (avec 1 personne en plus ?). Alain Howiller.

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