Europe de l’Est : la double contrainte

Les Balkans à hue et à dia

La Pride à Belgrade, en 2019 Foto: Mickey Mystique/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/4.0Int

(Marc Chaudeur) – La toute récente « nouvelle méthodologie » que la Commission Européenne soumet à notre attention dégoûtée pose bien les données du problème – c’est là son principal mérite : les dirigeants des institutions européennes veulent que les pays d’Europe orientale (et centrale, sensiblement le même problème) respectent l’état de droit, pratiquent la transparence et la démocratie, mais dans le même temps, favorisent les politiciens qui les bafouent le plus gravement.

Ils soutiennent ces politiciens au nom de la « stabilité  (cette “stabilocratie” que décrit le politologue Florian Bieber), puis ils les laissent choir avec d’hypocrites hululements d’orfraie quand vraiment, c’est trop voyant. Ils avancent de grands principes et abandonnent les sociétés civiles de ces pays, pourtant en pleine mutation, à leur sort, au lieu de les soutenir vigoureusement contre ces manquements et ces lacunes qu’il ne cessent de dénoncer.Fi, fi donc.

Les dirigeants européens, et principalement Emmanuel Macron, ont décidé de repousser l’ouverture des négociations d’adhésion de la Macédoine du Nord et de l’Albanie. Cela peut se comprendre, dans le sens où certains pays de cette région de l’Europe évaluent toujours davantage vers des régimes semi-autoritaires, et que la corruption y galope toujours plus allègrement. Encore qu’il faille immédiatement peser chacun des termes que nous venons d’utiliser : des négociations d’adhésion, ce n’est nullement synonyme d’adhésion ; pour ce qui est de pays comme l’Albanie et la Macédoine, il faudrait patienter au moins 5 ans, à notre avis, avant que ces négociations puissent aboutir. Quant à la corruption : quelles en sont les causes ? Qui a permis de la perpétuer à l’issue du monde « communiste » stalinien et titiste ?

Au sortir des années « socialistes », il n’existait pas d’autre espérance dans les populations des Balkans – surtout occidentaux – que l’entrée dans l’Union Européenne. Mais au nom de la stabilité, surtout dans les pays de l’ancienne Yougoslavie en proie à la guerre durant une grande partie des années 1990, l’UE a grandement favorisé les glissements de nombre d’anciens apparatchiks : ceux là mêmes qui ont acheté l’économie de leurs pays pour quelques bouchées de pain, sont devenus parfois milliardaires puis se sont lancés dans la politique, devenant ainsi de superbes oligarques de plus en plus autoritaires.

C’est à ces dirigeants corrompus et autoritaires auxquels Emmanuel Macron prétend s’attaquer. Alors même que ses pairs occidentaux se trouvent largement à l’origine de la situation actuelle. Bien sûr, on ne peut leur donner tort quand ils disent craindre (ou, dans une certaine mesure, souhaiter !) une Europe à deux vitesses, qui peut être nuisible pour les deux parties. Mais précipiter le mouvement entraînera(it) de graves conséquences.

La première est la montée du populisme, accélérée encore par rapport au mouvement que nous avons connu dans les années 2010-2019. De plus en plus déçues, les société civiles des Balkans occidentaux, qui ne cessent pour l’instant d’évoluer vers toujours davantage de participation et de prise en main de leur existence, vont se détourner toujours davantage de ce qu’il est convenu d ‘appeler les « valeurs européennes ».C’est du pain béni pour les tribuns du genre Vučić ou Đukanović (ou Orbán pour ce qui est de l’Europe centrale) ; et on se doute bien que la droite populiste des pays occidentaux va s’engouffrer dans la brèche et tenter de fonder une Europe conservatrice-populiste jusqu’à ses extrêmes franges orientales – jusqu’à la Turquie.

Car on sait de manière évidente depuis dix ans que là où l’UE reflue, les autres déboulent. Les autres, ce sont la Chine, la Russie et la Turquie. Ils sont déjà très présents ; mais quelle aubaine pour eux si le reflux de l’océan démocratique laissait le sable couvert de populations aigries et dominées…

Enfin, si l’UE ne vient pas à elle, la jeunesse viendra à l’UE. Les pays des Balkans sont en train de se vider de la partie dynamique et cultivée de leur population. Imaginons le paysage social dans une dizaine d’années ! Mais n’ayons crainte : les jeunes travailleront à l’Ouest, et ils en deviendront l’une des parties les plus actives, les plus dynamiques et les plus créatrices. Un sang nouveau pour une Europe de l’Ouest qui en a bien besoin.

Mais il va de soi que les conséquence d’un tel exode s’avéreraient catastrophiques pour le continent considéré dans son ensemble.

Un remède à cela ? Comme nous le disons depuis quelques années maintenant, l’UE doit favoriser avec vigueur, financièrement et avec d’autres moyens plus politiques, l’éclosion de sociétés civiles libres, maîtresses d’elles mêmes et capables de prendre solidement en mains les conditions de leur existence dans tous les domaines.

Au lieu de soutenir encore des personnages qui, dans leurs pays, soutiennent le crime organisé, la corruption, le double langage et les partis populistes occidentaux !

 

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