Europe – on nivelle toujours vers le bas

Après la Grande-Bretagne, l’Allemagne coupe dans les prestations sociales pour les ressortissants des autres états-membres de l’Union Européenne vivant en Allemagne. Une nouvelle mesure populiste visant à nuire à la cohésion européenne.

Vue d'en haut, l'Europe et l'Allemagne sont carrément belles. Mais plus on s'approche... Foto: NASA / Wikimedia Commons / PD

(KL) – La ministre du travail allemande, Andrea Nahles (SPD) s’était déjà «distinguée» par sa réforme de la loi sur les syndicats, coupant l’herbe sous les pieds de l’ensemble des petits syndicats et les syndicats de niche, mettant ainsi fin à une histoire d’amour vieille de 150 ans entre les social-démocrates et le mouvement syndicaliste. Mais cela ne lui suffit pas, maintenant, elle s’attaque à la cohésion sociale en modifiant la protection sociale des ressortissants des autres états-membres de l’Union Européenne vivant en Allemagne, à l’instar de ce que la Grande Bretagne avait obtenu de l’Union sous la menace du «Brexit». Au lieu de renforcer la coopération européenne, au lieu de faire ce pas décisif vers une politique commune et démocratique au nom de l’ensemble des citoyens et citoyennes européens, les états-membres nivellent la protection sociale vers le bas. D’autre pays suivront sans doute, l’Europe se désintègre de plus en plus.

Environ 440 000 ressortissants issus des autres états-membres de l’UE perçoivent des aides sociales en Allemagne. La plupart du temps, il s’agit d’allocations qui viennent compléter les rémunérations ridiculement basses des travailleurs européens en Allemagne, comme par exemple dans la grande industrie agro-alimentaire en Basse-Saxe et dans les Länder de l’est de l’Allemagne, où des ouvriers venant des pays de l’Europe Centrale travaillent souvent, en qualité «d’autoentrepreneur» pour 3 à 4 € / heure, nécessitant des allocations pour au moins atteindre les minima de l’aide sociale («Hartz IV»). Peu étonnant que la majorité de bénéficiaires de ces aides viennent de la Pologne, de la Bulgarie de la Roumanie, mais également de l’Italie et de la Grèce.

Cette proposition de loi qu’Andrea Nahles soumettra au vote au Bundestag où la coalition CDU-SPD dispose d’une majorité écrasante et qui passera donc sans problème, se situe à l’opposé d’un jugement de la Cour Sociale Fédérale qui avait déterminé que les ressortissants d’autres états-membres de l’UE vivant en Allemagne, avaient droit aux prestations sociales après un séjour de six mois – désormais, il faudra que les personnes concernées justifient d’un séjour de 5 ans en Allemagne avant de pouvoir prétendre à des aides sociales. A ceux qui se verront désormais refuser ces aides, l’état proposera une «aide de transition» pour une durée de 4 semaines couvrant que les premières nécessités, plus un «prêt» pour un billet retour dans leur pays d’origine.

Les cas d’abus de ces prestations sociales par des ressortissants d’autres états-membres de l’UE vivant en Allemagne sont rares – et ne justifient en rien ce nouvel obstacle aux libertés individuelles à l’intérieur d’une Europe qui va mal. Il ne s’agit même pas d’une mesure pour combattre un phénomène qui poserait problème – le coût d’éventuels abus des systèmes sociaux sont négligeable, la majorité des Européens venant en Allemagne pour travailler, travaille. Et cotise. Il s’agit d’une mesure populiste à l’aube de la campagne pour les élections législatives de 2017 en Allemagne, le SPD veut se présenter comme l’un des partis qui mettent tout en œuvre pour décourager des étrangers de venir s’installer en Allemagne.

Ce nivellement vers le bas constitue une nouvelle attaque sur la cohésion européenne et suit la logique de l’installation de barbelés et de murs un peu partout en Europe. Pourtant, les sondages le prouvent à chaque fois, les citoyens et citoyennes européens souhaitent une Europe sociale et juste et voudraient que l’Europe institutionnelle la mette en œuvre. Mais l’Europe est actuellement marquée par les intérêts nationaux, un égoïsme porté par les partis de l’extrême-droite dont le néonationalisme déferle sur notre continent comme la peste au Moyen Age. Le repli nationaliste, censé communiquer le message «nous nous occupons de vos préoccupations», est une voie qui mène tout droit vers le gouffre. L’Histoire du vieux continent nous enseigne que les nationalismes de presque 50 états sur ce continent, est une histoire de guerres, de conflits de toute sorte et n’a jamais engendré quoi que ce soit de bien. Si cette Europe nécessite d’urgence d’être repensée de A à Z, il n’en reste pas moins que l’idée européenne nous a procuré la plus longue période de paix au cœur de l’Europe (même si pendant cette période, de nombreux états européens ont mené des guerres hors Europe, en Asie et en Afrique et il y avait aussi des guerres et guerres civiles en Europe Centrale et l’Europe de l’est). Cette paix, nous la devons aux liens tissés entre les états européens pendant toute cette période et il est plus que dangereux de remettre ces acquis en cause.

Schengen n’existe plus que sur le papier. – Et cette Europe intergouvernementale à 28 n’arrive plus à prendre des décisions face à l’obligation de l’unanimité (il suffit de regarder «l’union» européenne dans le dossier des réfugiés) et si nos responsables devaient continuer à porter de telles attaques sur la cohésion européenne, ils jouent avec le feu. Le retour vers une Europe composée d’états plus ou moins grands qui se ferment vis-à-vis de leurs voisins et partenaires, est une Europe qui se met à nouveau sur le chemin de la guerre. Depuis la nuit des temps, l’Europe était un champ de bataille et la réponse aux crises actuelles, ne peut pas être ce nivellement vers le bas ou carrément l’invalidation des acquis des 70 dernières années, mais la mise en œuvre d’une Europe fondamentalement démocratique, avec un parlement et un gouvernement européen élus par les Européens assurant le contraire de ce qui se passe actuellement. Au lieu de baisser la protection sociale et de porter atteinte à la libre circulation en Europe, il faudra au contraire que cette Europe se mette à augmenter le niveau social pour l’ensemble de ses 500 millions d’habitants, avec une politique commune, solidaire et démocratique. Ou, pour utiliser une platitude qui ne manque plus dans aucun discours politique – nous avons besoin de plus d’Europe et non pas de moins d’Europe.

Et si, lors des prochaines élections européennes en 2018, on se décidait enfin de changer de comportement électoral en votant pour ceux qui justement défendent une telle vision d’une Europe unie, sociale, solidaire et humaniste ? 2018 risque d’être la dernière échéance pour sauver l’Union Européenne. Voter en 2018 comme on a toujours voté, pourrait revenir à louper la dernière chance de changer démocratiquement le cours des choses. Si nous ratons cette occasion, l’Europe se dirigerait alors vers sa propre décomposition. Il est temps de se réveiller.

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