Europe – Tunisie : et maintenant ?

Lors d’un échange informel entre l’Ambassadeur de la Tunisie à Bruxelles, Nabil Ammar, et plusieurs eurodéputés à l’Association Parlementaire Européenne, l’importance du dialogue a été soulignée.

Ambassadeur Nabil Ammar (2e à droite) a souligné que la Tunisie se trouve sur le chemin vers une "vraie" démocratie. Foto: Eurojournalist(e)

(KL) – « Nous sommes sur le chemin d’un ‘démocratie de passage’ vers une ‘vraie’ démocratie », a rassuré l’Ambassadeur de la Tunisie à Bruxelles, Nabil Ammar, ses interlocuteurs mardi matin à l’Association Parlementaire Européenne à Strasbourg. Cette prise de position était importante, car la situation en Tunisie est compliquée depuis que le nouveau président Kaïs Saïed a pris la décision, le 25 juillet dernier, de « geler » le parlement et de prendre seul les commandes du pays. Pourtant, malgré le fait que les participants à cette réunion étaient tous acquis à l’amitié entre l’Europe et la Tunisie, le doute planait sur cette réunion.

Il est vrai que la situation en Tunisie est difficile à comprendre pour les Européens. « Ne regardez pas la situation en Tunisie à travers des yeux d’Européens », a insisté Nabil Ammar, « la Tunisie n’a pas besoin d’ingérence étrangère, mais de soutiens concrets dans cette quête d’une ‘vraie’ démocratie que souhaitent très majoritairement les Tunisiens. » Interrogé par Eurojournalist(e), le haut diplomate tunisien a précisé les domaines où l’Europe peut favorablement intervenir : ouverture du marché européen pour des produits agricoles, tourisme, investissements, formation de jeunes. Mais il n’en reste pas moins qu’il faut maintenant convaincre les responsables européens que ce qui pourrait être mépris pour un coup d’état, n’est en vérité qu’une étape vers une démocratie.

Nathalie Loiseau, ancienne ministre française des affaires européennes, était très claire dans sa réponse : « Loin de l’Europe de vouloir s’ingérer dans la politique tunisienne, mais il faudra établir une feuille de route qui dessine les étapes suivantes vers la mise en œuvre d’un système démocratique. » Mais une telle feuille de route est difficile à dessiner dans un pays marquée par une grande instabilité politique et qui actuellement, cherche justement sa voie vers la démocratie.

Il faudra également être vigilant de ne pas tomber dans un schéma « qui était là en premier, l’œuf ou la poule ? », car si la Tunisie a besoin d’investissements, les investisseurs, eux, ont besoin de stabilité politique. Le danger étant qu’on attend des deux côtés que l’autre bouge et cela se traduirait par l’inertie.

Mais cette stabilité politique, autant la Tunisie que l’Europe en ont besoin. Ainsi, Nabil Ammar a rappelé que l’Europe a également un besoin vital d’une situation stable autour de la Méditerranée, car même si cette mer sépare les continents, la Tunisie reste un voisin de l’Union Européenne.

Les eurodéputés ayant participé à cette rencontre, souhaitent tous raviver les bonnes relations entre l’Europe et la Tunisie, toutefois, ils attendent de voir la suite de l’évolution en Tunisie. De cette évolution, dépendront ensuite les mesures concrètes que l’on peut mettre en œuvre. Et il faudra agir rapidement. Autant Nabil Ammar que d’autres intervenants ont relaté un rejet de l’étranger croissant en Tunisie, certainement du à un sentiment d’abandon et également, la peur de l’avenir dans ce pays de 11 millions d’habitants situé dans une région en proie d’une grande insécurité ces dernières années.

La question si la prise des commandes par le nouveau Président tunisien est conforme à la Constitution tunisienne ou pas, n’est pas qu’académique. Car pour que les relations entre l’Europe et la Tunisie puissent être ravivées et intensifiées, l’Europe a besoin de constater que l’état de droit y est respecté, tout comme certains fondamentaux démocratiques. Et c’est là que la situation devient difficile à lire pour les Européens.

« Les Tunisiens ne sont pas contre le parlementarisme », a souligné Nabil Ammar, « mais ils étaient contre les parlementaires présent au parlement. La démocratie tunisienne, elle, n’est pas mise en cause ! ». Les chiffres du chômage, de la pauvreté et d’autres indicateurs sont au rouge actuellement en Tunisie, le Covid ayant aggravé une situation déjà compliquée. Mais contrairement à d’autres pays dans la région, l’armée tunisienne n’est pas politisée et il n’y a donc pas de danger d’un coup d’état militaire. Mais est-ce que cela suffira pour rassurer les investisseurs européens et la politique européenne ?

En vue des très anciens liens entre l’Europe, en particulier la France et la Tunisie, il est important de pouvoir continuer le dialogue et de lancer de nouveaux projets de coopérations dès que la situation en Tunisie sera assez claire pour pouvoir procéder.

« La Tunisie se trouve à un moment décisif », martèle Nabil Ammar, tout en annonçant un dialogue entre le pouvoir tunisien et les autres piliers de la société tunisienne, « les modalités en seront rapidement communiqués ».

L’échange qui a eu lieu mardi matin à l’Association Parlementaire Européenne à Strasbourg, fait partie de ce dialogue extrêmement important. Au pouvoir tunisien de faire les prochains pas en vue d’une démocratisation du pays, à l’Europe de soutenir ces efforts. Et l’Ambassadeur Nabil Ammar a raison – le dialogue entre les partenaires sera crucial pour pouvoir rapidement soutenir une évolution démocratique en Tunisie.

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