Européennes en Pologne

A votre santé…

Wiosna (Le Printemps), de Teodor Axentowicz, 1900 Foto: Pinakoteka zascianek / Wikimédia Commons/ CC-BY-SA PD

(Marc Chaudeur) – Les élections européennes, c’est dans un mois. Où en sont les votes polonais ? La gauche a-t-elle progressé ? Le national-populisme PiS a-t-il reculé ? Et à qui profitera la grande grève des enseignants, qui vient de s’achever, peut-être provisoirement ?

Les choses bougent en Pologne, ce pays-clé à la population de 39 millions d’habitants ; mais elles bougent très lentement… Il se trouve que c’est le parti populiste au pouvoir depuis 2015, PiS (Droit et Justice) qui l’emporte dans les sondages, et de loin ! Il faut reconnaître que ce parti demeure le plus populaire, malgré son désaveu dans toutes les grandes villes du pays – et dans beaucoup de villes moyennes, d’ailleurs… Selon les sondages, son score aux Européennes avoisinerait les 40 %. Les raisons à cela ? La santé relativement bonne de l’économie polonaise, la baisse du taux de chômage (entre 3,5 % et 5 % selon les critères adoptés…), les quelques mesures sociales prises ou promises, et la lourde propagande instillée quotidiennement dans les médias, de plus en plus aux mains du gouvernement…

Et la cessation de la grève des enseignants, décidée avant-hier par le grand syndicat responsable, joue ici un rôle contradictoire, puisque d’une part, elle apparaît comme une victoire du gouvernement, mais qu’en même temps, la population montre une certaine reconnaissance aux enseignants pour leur respect de ce qui est l’un de ses principaux sujets de préoccupations (tout comme en France) : la bonne tenue des examens nationaux, en juin. En tout cas, le PiS ne va pas manquer de s’attribuer le mérite de cette fin de grève !

A droite et au centre, face au PiS : la fameuse Coalition européenne. Elle se regroupe autour de la Plateforme civique, le grand parti qui gouvernait avant 2014 – et dont, reconnaissons le, la gestion n’a guère été convaincante. Autour de la PO, des partis euro-favorables, qui disent vouloir empêcher la sortie de l’UE que promeut selon eux le PiS. Mais les inconvénients de cette Coalition sautent aux yeux. En effet, elle se compose de partis très différents, de la gauche à la droite en passant par les Verts polonais : le PSL de centre droit, le SLD, proche du groupe européen Socialistes et Démocrates, le parti libéral Nowoczesna et le tout petit parti des Verts.

Il est évident qu’après les Européennes, tout ce beau monde s’égaiera pour aller se poser sur la branche des apparentés : S&D, PPE, groupe écolo. Mais c’est là un galop d’essai : dans tous les partis polonais, hélas, comme cela se fait en tant de partis dans toute l’Europe, on transforme ces élections si importantes en test pour les législatives de l’automne prochain…

Plus à gauche, il y aura essentiellement Wiosna (Printemps), le parti de Robert Biedroń, l’ancien maire charismatique de Słupsk, qui veut lutter pour les droits étendus (notamment pour les LGBT) et la laïcité. Les Polonais ont beaucoup progressé tout récemment sur ces 2 points très délicats ; mais pas encore assez pour que plus de 10 % environ des électeurs accordent leur suffrage à ce Printemps de Biedroń.

La gauche plus classique et moins libérale (car Biedroń est un libéral) est représentée par la coalition Lewica Razem (La Gauche ensemble) : c’est-à-dire le parti Razem autour duquel on fait graviter d’autres petits partis. Lewica Razem fait partie de DIEM25, le mouvement que fonde et que dirige partiellement Yannis Varoufakis. Plus largement, elle appartient à ce courant qui souhaite fonder un « Etat-providence européen » – un refrain qu’on entend souvent ces dernières semaines quand on traverse discrètement les rangs du PS français… Mais chut !

En définitive, la coalition Lewica Razem n’est hélas créditée que d’environ 2 % des votes… Globalement, la gauche continue manifestement, d’une part, de pâtir de l’anti-communisme solide de la grande majorité, et d’autre part, de déclarations peu appréciées auprès du grand public…

Un fait remarquable, pourtant, et une source d’optimisme – la seule dans ce tableau peu lumineux ? Il montre l’intérêt essentiel de ces élections européennes qui permettent des réalisations quasi-impossibles dans un autre contexte que celui-ci : c’est que dans le même groupe européen Socialistes et Démocrates cohabiteront des partis polonais ailleurs concurrents : le Wiosna de Biedroń, le SLD mentionné plus haut, et l’Unia Pracy (Union du travail, membre de Lewica Razem). Le groupe aura donc un effet rassembleur de cette gauche qui, comme partout ailleurs, exprime son désir de réunion tout en agissant obstinément en sens inverse !

Il ne nous reste plus qu’à déglutir avec intrépidité un bon verre de wódka des bisons pour reprendre courage. Na zdrowie !

Lire notamment : Gazeta Wyborcza, Courrier d’Europe Centrale, OKO.Press

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