EuTalks : L’Europe demain
Christophe Nonnenmacher : « Il nous faut apprendre à avoir confiance dans la parole citoyenne »
(KL) – Directeur du Pôle européen d’administration publique de Strasbourg (PEAP), Christophe Nonnenmacher revient sur le lancement, ce mardi, des premières rencontres « EuTalkS » dans le cadre de la Conférence sur l’Avenir de l’Europe. Un nouveau format hybride en direct, en ligne et en public, auquel cet ancien journaliste entend pleinement associer les Strasbourgeois et en recueillir les propositions de réforme pour l’UE. Un ADN citoyen que le PEAP avait déjà initié avec succès avec le remaniement des « Rendez-vous européens de Strasbourg » en encourageant l’échange entre experts européens, ONGs, artistes et simples citoyens. Interview.
Mardi est le grand jour pour vous, avec le lancement des premiers EuTalkS. Comment appréhendez-vous cette première soirée qui se tiendra en public dans les locaux de l’Association Sp3ak3r avec laquelle vous avez fait le choix de travailler sur ce projet ?
Christophe Nonnenmacher : On l’appréhende avec pas mal d’excitation, mais également avec pas mal d’appréhension Mais de la bonne. On ne va pas se le cacher : cela fait trente ans que les médias mainstream nous expliquent que l’Europe c’est compliqué, que les gens n’y comprennent rien, que c’est trop technique. Et nos élus, à commencer par nos représentants nationaux, s’enferment trop souvent dans ce schéma, voire brouillent les cartes en se défaussant assez régulièrement sur Bruxelles et Strasbourg dès qu’une mesure européenne est jugée impopulaire ou insuffisante. Cela a non seulement tendance à braquer pas mal de gens contre l’Europe – dont des personnes initialement pro-européennes – mais également à les inciter à prendre de la distance avec des sujets qui, bien que touchant directement leur quotidien, leur apparaissent désormais complexes, hors sol et hors d’atteinte.
« L’UE n’est pas un club de technocrates agissant seuls, sans un quelconque contrôle »
C’est-à-dire ?
CN : Prenez simplement deux exemples : le premier, récurrent, la Politique agricole commune. Dès que nous avons affaire à une manifestation d’agriculteurs contre la PAC, tous nos gouvernants – j’entends ici de tous bords – expliquent qu’ils sont soumis aux diktats de Bruxelles et qu’ils n’y sont pour rien. Mieux, ils promettent de brandir l’épée pour défendre la veuve et l’orphelin face à une administration communautaire toute puissante. Mais qui valide l’accord, sinon les Etats membres ? Qui travaille dessus, sinon nos élus européens ? La France n’aurait-elle ni gouvernements, ni élus ? J’avoue toujours attendre avec gourmandise qu’un ou une journaliste d’un grand quotidien – et encore d’avantage d’une chaîne info en continu – pose cette simple question au ministre en charge de l’Agriculture, lorsqu’il ou elle essaie de se défausser sur la soi-disante technocratie bruxelloise : « Mais qui a signé, sinon vous ? ». Second exemple : la gestion de la pandémie de Covid-19 : là encore, l’Union a eu bon dos, et l’a d’ailleurs toujours. Mais la politique de santé est-elle une compétence de l’Union ? Non. Elle est intrinsèquement liée aux Etats membres, voire dans certains pays comme l’Allemagne à leurs provinces et Länder. Ce sont eux qui ont la compétence. Ce sont eux qui ont longtemps refusé de la communautariser, la France en tête, à tort ou à raison. L’Europe, sur le papier, peut beaucoup de choses mais encore faut-il qu’elle en ait la compétence. Aider à coordonner les politiques publiques en matière de santé à l’échelle européenne n’est pas décider. Là encore, cela relève du feu vert, de la compétences des Etats membres, donc de nos gouvernements nationaux qui oublient régulièrement, sans doute parce que cela a quelque chose d’assez confortable électoralement, de rappeler ce petit détail. Le souci est que, là encore, en l’absence de clarté, voire d’honnêteté, cela braque, année après année, un nombre croissant de citoyens contre l’Europe.
Tout ne va pourtant pas bien au niveau européen…
CN : Bien sûr. Mais l’Union n’est pas un club de technocrates agissant seuls sans un quelconque contrôle. Et les Etats en sont le premier acteurs : ils impulsent les politiques publiques européennes et les valident en tant que co-législateurs aux côtés du Parlement européen. Là aussi, combien de citoyens, en France notamment, savent que le Parlement européen ne vote pas les lois seul ? Qu’une Directive ne s’impose pas à eux au lendemain du vote mais qu’elle doit encore être transposée dans notre droit interne, ce qui peut parfois prendre un certain temps. En réalité, les Etats, dont la France, sont dans la boucle décisionnelle du début jusqu’à la fin du processus. Quant à la Commission, de qui tire-t-elle ses compétences sinon des Etats membres ? Attention : je ne dis pas que la Commission fait tout bien mais qu’il serait parfois peut-être bon de ne pas dédouaner certains de leurs responsabilités. Prenez un dernier exemple : d’ici quelques années, voire même d’ici quelques mois, d’aucuns s’offusqueront très probablement que le nucléaire puisse être considéré comme une énergie verte. Mais qui pousse aujourd’hui en ce sens sinon la France, qui vient de prendre la présidence de l’Union ? Si les autres Etats membres venaient à la suivre dans cette perspective et que le nucléaire venait effectivement à être classifié comme énergie verte, sera-ce alors du fait de la Commission ou des Etats membres, à commencer par la France ?
Ce point particulier souligne tout particulièrement la question de l’information et de la participation des populations à la décision politique, au moins quant à ses grandes orientations.
CN : C’est effectivement un point de dysfonctionnement récurrent. On entend souvent parler du poids des lobbies industriels dans la construction législative européenne. Mais croyez-vous sérieusement que ces lobbies ne sont pas actifs au niveau national ? Croyez-vous que Total, Dassault, EdF et autres consortiums sont inactifs à Paris ? Que leur action est plus encadrée sur le plan national qu’européen ? Les lobbies industriels – mais, bien que moins puissants, aussi civils – font partie du jeu politique depuis que la politique est politique. Par contre, les lobbies sont-ils moins encadrés à Bruxelles qu’à Paris alors que nous disposons au niveau européen d’une Directive Transparence, d’un Registre de transparence ? J’avoue ne pas en être convaincu. Jouer sur la stigmatisation de l’Union – au seins d’institutions communautaires – pour tout et n’importe quel dossier ne participe pas selon moi à une information honnête sur la réalité européenne. Pas plus que, dans de nombreux cercles europhiles, de considérer toute mesure européenne comme foncièrement positive, voire enthousiasmante par principe. Donc oui, mettre l’Europe – de manière non dogmatique – au cœur de nos rédactions nationales et régionales serait une avancée relativement positive pour permettre un débat serein et pertinent. La question n’est pas la complexité de l’information politique et législative européenne – elle ne l’est pas davantage que la française : qui, dans le grand public serait simplement capable d’expliquer de manière détaillée le principe de la navette législative entre l’Assemblée nationale et le Sénat ? – mais bien celle du volontarisme de certaines rédactions de s’emparer du sujet plutôt que de se concentrer, comme cela est la tendance grandissante, sur quelques punchlines de nos élus nationaux, qui n’apportent pas grand chose au débat public. De manière général, peut-être serait-il temps de revenir à une ère où l’information prime sur la communication.
Quelle démocratie citoyenne demain ? Cœur des premiers EuTalkS
Reste la question de la participation des citoyens ?
CN : C’est un point extrêmement minoré et pourtant essentiel. Et pour tout vous dire, nous arrivons là au cœur des premiers EuTalkS : quelle démocratie citoyenne demain ? Sans pouvoir présager de ce qui sera dit pendant l’émission, plusieurs pistes ont déjà été abordées par nos intervenants, dans sa préparation: la consultation des citoyens sur les grandes orientations politiques – la question du nucléaire par exemple, ou la communautarisation des questions de santé publique en période de pandémie afin de ne pas se retrouver avec 27 stratégies déconnectées les unes des autres et, au final, peu efficientes à l’échelle de l’Union. Est-il à ce point compliqué d’imaginer que nos Etats puissent adopter une même série de mesures sur un même laps de temps pour combattre de manière coordonnée cette pandémie, alors même que nous avons réussi à contracter une dette commune de 750 milliards d’euros pour y faire face sur le plan économique et social ? Avouez que cela a quelque chose d’ubuesque : parvenir à s’entendre sur cela mais ne pas y parvenir quant aux mesures sanitaires à adopter, au risque de faire de ce virus le héros d’un jeu de chaines musicales. Autre question : quelle poids des régions – l’échelon européen le plus proche des citoyens – dans la définition des politiques communes ? Serait-il aberrant d’imaginer que le Comité des Régions qui, dans les faits, n’est pas loin de la mort clinique, puisse jouer le rôle de seconde chambre législative en lieu et place du Conseil au sein duquel sont représentés les Etats membres, celui-ci officiant déjà en amont de toute orientation politique de l’Union ? Quid également de la mise en place de listes transnationales, de programmes transnationaux, voire de la présentation de listes incorporant de manière transparente une proposition de « collège de commissaires candidats » aux élections européennes, qui permettrait à tout citoyen de savoir par avance, qu’en cas de victoire de telle ou telle liste, qui non seulement présiderait la Commission mais également avec quels Commissaires européens. En somme : voter pour une même liste et un même programme à l’échelle de toute l’Union au sein de laquelle seraient déjà identifiés les candidats aux postes de Commissaires. De la « Liquid democracy » à une plus forte implication législative des régions ou à une plus grande transparence électorale quant à qui serait en charge de quoi, les propositions ne manquent pas. Reste, pour paraphraser Woody Allen et son récit relatif à une troupe de castors désireux de jouer Wozzeck au Metropolitan Opera, à répondre à cette question : grand projet mais comment ? Et c’est là que le débat entre experts en questions européennes et habitants, citoyens, devient intéressant et prend tout son sens.
Les Strasbourgeois, justement : quel sera leur rôle dans ces rencontres ?
CN : Multiple. Notre premier devoir est de les écouter, d’entendre leur compréhension de l’Union et leurs éventuelles propositions de réformes. C’est en ce sens que nous avons tourné en amont, à travers la ville et ses quartiers, des micro-trottoirs avec l’association Sp3ak3r. Pour donner voix à des gens hors de la bulle européenne. Ensuite, en leur permettant, tout au long de ces rencontres d’intervenir en présentiel ou dans le tchat à ce qu’en disent les personnalités invitées ou à ce que celles-ci peuvent également proposer. Enfin, en retranscrivant les conclusions de ces échanges, sous forme de propositions, qui seront ensuite portées à plus haut niveau – c’est à dire auprès de nos élus nationaux et européens – dans le cadre de la Conférence sur l’Avenir de l’Europe.
Cette forme d’engagement citoyen, le Pôle semble en avoir, au moins pour partie, fait son ADN au cours de ces dernières années, non ?
CN : Je ne sais pas si l’on peut qualifier cela d’ADN, mais cela fait effectivement partie de l’identité que le Pôle défend. S’enfermer, comme c’est malheureusement trop souvent le cas ici ou là, dans une bulle européenne avec des experts parlant aux seuls experts est certes très enrichissant intellectuellement mais n’associe pas les citoyens au devenir de l’Europe. Il nous faut apprendre à avoir confiance dans la parole citoyenne. A l’écouter, à l’entendre, à la retranscrire et, aussi, parfois de la confronter au réel quant à son applicabilité juridique ou politique. En matière agricole, un expert européen n’a pas davantage de compétences de terrain qu’un agriculteur. En manière d’aménagement urbain, un architecte n’a pas plus d’expertise pratique que l’habitant qui vit dans un quartier. Si vous ne faites pas dialoguer ces deux « mondes », vous ne parvenez à rien de sérieux.
Oui, mais à l’échelle européenne, nous avons des représentants élus…
CN : Oui, et c’est tant mieux ou très bien. Mais être élu ne résout pas tout. Ce n’est pas parce que vous êtes élu que vous maîtriser les sujets mieux que les personnes que vous représentez. Il nous faut en revenir à un peu plus d’humilité. Prenez justement l’exemple d’un député européen : il est représentant de ses administrés et doit agir en conséquence, c’est-à-dire trancher, voter dans le sens de l’intérêt collectif. Mais quel lien avec ses administrés, quel rapport de confiance et sens de la représentation existe-t-il s’il ne les écoute pas, s’il ne recense pas leurs propositions, s’il ne débat avec eux sur le fond, et s’il ne se fait pas leur porte-parole raisonné au plus haut niveau ? Etre élu, être en charge ne signifie pas disposer de l’ensemble des réponses et décider seul en toute déconnexion. C’est, au moins sur le papier, un exercice bien plus complexe duquel on ne peut pas dissocier la parole citoyenne. Et de ce point de vue, il faut avoir un double courage : le premier, d’entendre les citoyens et, le second, d’expliquer pourquoi aller dans tel ou tel sens est possible ou non et éventuellement de rechercher des alternatives à une question difficile.
« L’Europe n’est pas une affaire d’experts, elle n’est pas une affaire étrangère. Elle est une affaire humaine »
Par exemple ?
CN : Reprenez la question du nucléaire : très grossièrement, la question qui se pose est la suivante dans un contexte où la demande en énergie a vocation à augmenter, ne serait-ce qu’en raison de nos usages numériques ou du développement de la voiture électrique, auquel il serait également bon d’ajouter la problématique du recyclage des batteries qui aura un coût écologique et financier. Que faisons-nous ? On prend la solution française qui consiste à relancer la production de centrales nucléaires avec un traitement de déchets non maîtrisés ? On développe les énergies renouvelables mais lesquelles selon les endroits et à quelle échéance, avec pour problématique intermédiaire celle des énergies utilisables durant cette transition ? On renforce notre dépendance énergétique envers des pays tels que la Russie mais avec quel impact en terme de souveraineté géopolitique ? Que dirions-nous, par exemple, à Vladimir Poutine si celui-ci nous menaçait de nous couper le gaz en réponse à notre positionnement sur la crise ukrainienne ? Ce sont là des choix majeurs qu’il nous importe de faire et aucun n’est sans conséquences. Et peut-être serait-il bon d’en débattre avec les citoyens, de les associer à la réflexion, voire de les consulter sur ce type de grandes orientations. Ce qui nous intéresse est de mettre, autant que possible, dans la boucle de réflexion un maximum de citoyens, du technicien de surface au ministre. Parce que l’Europe n’est pas une affaire d’experts, elle n’est pas une affaire étrangère pour paraphraser feu Daniel Riot, l’ancien directeur de la rédaction européenne de France 3, à Strasbourg. L’Europe est une affaire humaine parce que chaque décision prise au niveau européen engage le devenir, le quotidien de 447 millions de personnes. Vous savez, dans un autre domaine, le poète martiniquais Edouard Glissant écrivait dans son Traité du Tout Monde que le monde serait métisse ou ne serait pas. Le projet européen ne sera pas davantage citoyen et fédérateur des populations si experts et populations ne se mélangent pas et ne s’apportent pas les uns aux autres dans l’échange, la confrontation et le partage d’idées, voire de décisions. Et, pour en revenir à votre remarque initiale, c’est ce que le Pôle, à sa modeste échelle, essaie depuis plusieurs années de mettre en place tant en termes de débat publique que d’analyse et d’information, au travers des Rendez-vous européens de Strasbourg – qui ont réunis en présentiel et online jusqu’à 12.000 personnes -, ou de sa revue EuTalk.eu sur laquelle publient parmi les plus grands universitaires et experts européens.
« Peut-être est-ce un risque de vouloir sortir de la bulle européenne, mais c’est là une volonté assumée »
La plupart des manifestations européennes se déroulent en centre-ville, alors que, dans cette même logique, vous, cette fois, avez pris le parti de délocaliser une partie de ces EuTalkS dans les quartiers. N’est-ce pas risqué en terme d’audience, les quartiers n’étant pas connus pour faire des questions européennes un enjeu de mobilisation et les citadins intra-muros étant généralement peu enclins à se rendre au-delà de leur zone de confort géographique ?
CN : C’est un choix. Certains, bien sûr, y verront effectivement un risque éditorial mais cela participe très clairement à notre volonté de sortir de la bulle européenne. Les habitants des quartiers – et encore nous ne parlons à ce stade que de deux d’entre eux : la Meinau et du Quartier Port du Rhin – n’auraient-ils pas droit d’avoir voix au chapitre ? Seraient-ils moins concernés qu’un habitant intra-muros par les effets d’une politique publique européenne ? Bien sûr que non. Alors pourquoi ne pas les associer aux débats ? Pourquoi s’obstiner à imaginer que seuls ceux résidant au centre-ville auraient des choses à dire, à proposer. L’Union européenne, c’est, une fois encore, 447 millions de citoyens, toutes origines, toutes classes sociales confondues. Nos travaux doivent autant que possible refléter cela. A Strasbourg, dans sa périphérie mais également, comme cela est à l’étude, dans les communes de l’Eurométropole. Alors, peut-être est-ce un risque de vouloir sortir de la bulle européenne parce que, peut-être – et encore, rien n’est moins sûr – il nous faudra convaincre de nouveaux publics de l’importance de ces débats, mais c’est une volonté très clairement assumée.
« Que cela nous plaise ou non, la carte du monde n’est plus bleue »
La Ville et l’Eurométropole vous soutiennent d’ailleurs dans ce volontarisme…
CN : Oui, et j’espère que d’autres suivront parce que les enjeux européens, quoiqu’en disent certains candidats aux présidentielles – de tous bords malheureusement d’ailleurs, avec un repli national de plus en plus prégnant – n’ont peut-être jamais été aussi importants qu’aujourd’hui. Santé, dette, transition écologique, valeurs, indépendance des médias et de la justice dans certains Etats membres, gestion migratoire, sécurité collective à nos frontières, souveraineté économique, etc. La liste des choix à opérer, à décider ensemble, est quasi sans fin. Et de ces choix dépendra très clairement de quelle Europe nous parlerons d’ici 15 à 20 ans. L’on peut retourner la question dans tous les sens mais il serait au mieux ubuesque d’imaginer que la France puisse encore peser, seule, sur ces dossiers. Que cela nous plaise ou non, la carte du monde n’est plus bleue comme cela était le cas quelques siècles en arrière. Et cela implique également que ce dialogue ne se limite pas à un débat franco-français.
Est-ce cela qui vous pousse à inviter dans vos actions des intervenants étrangers ?
CN : Oui, parce que parler d’Europe sans associer des personnes issues d’autres pays européens serait au mieux très maladroit. Parler d’Europe entre seuls Français ou seuls connaisseurs de la France serait tout autant absurde que de ne parler qu’entre experts européens. Vous ne pouvez pas construire une maison commune européenne sans écouter l’Autre, sans prendre en compte ses idées, ses sensibilités, son histoire, ses propositions. Donc oui, sur chaque EuTalkS, nous essayons d’avoir une représentation de plusieurs secteurs de la société, de plusieurs nationalités, de plusieurs pays d’origine ou de résidence. Sur la première rencontre des intervenants basés entre Strasbourg, Bruxelles, Paris, Rome, Londres, Amsterdam seront présents. Sur les suivants, la logique sera la même, simplement parce que fonctionner ainsi devrait être une évidence dès lors que l’on touche au débat européen.
Strasbourg, Bruxelles, Londres, Paris, Amsterdam… au rendez-vous des EuTalkS
Qui seront justement vos invités pour cette première ? Et, question annexe, de qui vous êtes-vous entourés pour mener à bien ce projet ?
CN : Jean-Paul Jacqué, forcément, le Président du Pôle qui est encore à ce jour l’un des plus grands experts universitaires sur les questions européennes. Mais également Henri Poulain, le co-fondateur de #DataGueule et co-réalisateur du documentaire Démocratie(s), qui a pris le parti d’aller voir partout en Europe les initiatives citoyennes – politiques ou non – susceptibles de faire émerger de nouvelles formes et outils démocratiques. Awenig Marié, un ancien étudiant de Sciences Po Strasbourg qui est aujourd’hui doctorant à l’Université libre de Bruxelles et qui a initié le site Datan.fr, qui suit le vote de chacun de nos députés nationaux. José Manuel Lamarque, grand reporter qui, après trente ans de carrière, dispose d’une vision non seulement de l’évolution démocratique de l’Europe mais également d’une connaissance fine et vécue des réalités, enjeux et ressentis des pays d’Europe centrale et des Balkans. Roger Casale, ancien député anglais, fondateur et président du Think Tank citoyen Neweuropeans qui partage sa vie entre Londres, Bruxelles et Rome. Ou encore Vitor Freire, jeune artiste digital qui, il y a quelques années de cela, questionnait depuis une résidence au Shadok la question du lien citoyen à l’Union. Et malheureusement oui, avant même que vous m’en fassiez la remarque, ce premier plateau manque cruellement de femmes, mais c’est un point important que nous cherchons très clairement à rééquilibrer pour la suite.
Et pour l’équipe : comment l’avez-vous constituée ?
CN : Nous avons fait appel à des gens auxquels nous croyons. Plutôt jeunes, plein d’envie, désireux de faire bouger les choses. En somme, bien plus que de simples prestataires. Je pense à Thomas Lafont de l’Agence LeFutur.eu, pour la partie graphique, qui nous accompagne depuis les Rendez-vous européens de Strasbourg. A l’association Sp3ak3r que nous suivons depuis pas mal de temps déjà et dont le travail a quelque chose de remarquable tant sur le plan technique qu’humain en permettant – et même si je n’aime pas cette expression qui, je trouve, a quelque chose de stigmatisant – à des « jeunes de quartiers » de se lancer dans la production audiovisuelle : un truc inimaginable quelques années en arrière et qui casse les codes, les barrières sociales que d’aucuns voudraient voir immuables. La société de production les Indépendants, constituée de jeunes trentenaires, qui travaille déjà avec ARTE ou France Télévisions et qui, au delà de ses compétences, intègre dans son cahier des charges des éléments qui nous tiennent à cœur, à commencer par la volonté de réduire l’impact environnemental lié à un tournage, que ce soit dans le choix et la gestions de ses équipements audiovisuels ou ses modes de déplacements. Et puis, côté animation, Cécile Becker, jeune journaliste qui a notamment travaillé pour plusieurs médias strasbourgeois et Radio en Construction, qui s’inscrit parfaitement dans la logique d’écoute, de proposition et de franc-parler que nous recherchons. Vous-mêmes, l’équipe d’Eurojournalist qui reprendra dans une version en langue allemande le contenu des débats, histoire de leur permettre de franchir le Rhin. Et enfin, Orange, en tant que partenaire privé, qui après nous avoir à won tour pas mal observés ces dernières années, franchit aujourd’hui le pas et nous rejoint dans ce projet en apport logistique, afin de nous faciliter techniquement une forme de nomadisme de lieux en lieux pour nous rapprocher au plus près des habitants. Et qui sait, peut-être d’autres partenaires privés demain : en tout cas c’est une porte que nous ouvrons très volontiers à qui souhaiterait participer au montage de nouveaux projets de ce type à nos côtés.
L’Appel de Strasbourg : « L’une des idées les plus malignes de ces dernières années »
Dernière question, que nous avons précédemment effleuré : quid de l’après-débat ? On tire le rideau après les discussions ou ces échanges ont-ils vocation à s’inscrire dans un plus vaste projet ?
CN : Un débat n’a de sens que s’il produit des effets. Débattre pour débattre a certes quelque chose d’intellectuellement stimulant mais reste très clairement insuffisant quant à l’ADN du Pôle. Ce qui est intéressant ici est que les conclusions et propositions issues des trois premiers EuTalks que nous lançons – le premier sur la participation des citoyens à la construction démocratique de l’Union, le second sur la protection des libertés publiques et de l’Etat de droit dans une Europe qui tend malheureusement à se déséquilibrer sur ce point entre Ouest et Est, et le troisième sur la notion de transparence législative et qui intègre la question des lobbies, des lanceurs d’alertes ou encore le secret des négociations des accords commerciaux – seront transmises à la Ville de Strasbourg et à son Agora qui regroupe de nombreuses associations sensibilisées au devenir de l’Europe. Et, de là, des citoyens – et non des élus – membres de cette Agora intégreront tout ou partie de ces propositions dans ce que l’on appelle l’Appel de Strasbourg, un document porté par la Ville et, probablement, les autres collectivités territoriales, dont le but sera de lister les vœux européens des Strasbourgeois, dans le cadre de la Conférence sur l’Avenir de l’Europe. Bien évidemment, il serait présomptueux de préjuger du résultat final de cette initiative qui ne nous appartiendra plus à ce stade, et encore moins de l’intérêt concret que porteront à ce document la Présidence française de l’Union européenne et nos responsables européens, mais c’est là, me semble-t-il une initiative qui mérite d’être soutenue au-delà de tout clivage politique. Parce que l’enjeu n’est pas partisan mais bien citoyen. Et plutôt que de laisser se noyer quelques centaines ou milliers de contributions individuelles strasbourgeoises sur le site de la Conférence, n’est-il pas bien plus stratégique – pour se faire entendre – de les regrouper dans un document porté par une Ville et Eurométropole dont il est probable que le poids politique sera bien plus évident ? Ces dernières années, beaucoup de choses ont été proposées pour renforcer le rayonnement européen de Strasbourg, jusqu’à certaines mesures assez… disons étonnantes… comme la mise à disposition gratuite de billets de tram pour nos élus européens, mais là et même si ce ne sera peut-être qu’une goutte d’eau dans un combat objectivement mal engagé, cet Appel de Strasbourg est peut-être le l’initiative la plus maligne que nous ayons vu apparaître depuis longtemps. Parce qu’une ville qui, au niveau européen, essaie de faire poids avec l’ensemble de ces habitants a quelque chose d’assez rare dans la pratique. Et rien que pour cela, s’interdire d’aller dans cette voie serait bien dommage.
Un dernier mot ?
CN : Beaucoup a déjà été dit, mais venez, visionnez, participez. Un arrêt de tram, une place de vélo ou de parking, une connexion Internet, depuis chez vous, dès ce mardi 19h sur EuTalk.eu, c’est tout ce qui vous sépare encore d’une jolie possibilité de vous faire entendre et de dialoguer avec des gens assez passionnants et, surtout, de construire ensemble. Je le répète : l’Europe n’est pas une affaire étrangère ou technocratique, réservées à quelques experts. Elle est avant tout une affaire humaine, qui impacte et impactera notre quotidien. Alors, pour peu que nous n’y soyons pas indifférents, à notre quotidien, donnons-nous les moyens de peser pour qu’il évolue en bien. Ou alors, d’ici quelques années, nous pouvons allez sur des ronds-points, mais chacun de nous en connaît déjà le résultat…
Où suivre les EuTalks
Mardi 18 janvier - 19h
Quelle démocratie citoyenne demain ?
Association Sp3k3r – 30 rue Schulmeister – Strasbourg Meinau
Accès public jusqu’à 15 minutes avant de début de l’émission, sur présentation du pass sanitaire
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Lundi 24 janvier - 19h
Libertés : Comment protéger l’Etat de droit en Europe ?
Hôtel Hannong – 15 Rue du Vingt-Deux Novembre – Strasbourg Centre-ville
Accès public jusqu’à 15 minutes avant de début de l’émission, sur présentation du pass sanitaire
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Jeudi 17 février – - 19h
Une Europe transparente est-elle possible ?
Garage Coop – 2 rue de la coopérative, Strasbourg Port du Rhin
Accès public jusqu’à 15 minutes avant de début de l’émission, sur présentation du pass sanitaire
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