Eve au pays de Vidal, plus dure sera la chute

Qui est responsable lorsqu'un enfant naît avec un handicap ? Pour les docteurs et les administrations, la réponse est claire - les mères.

Depuis le Moyen Age, les mœurs n'ont pas beaucoup évolués en ce qui concerne l'handicap physique. Foto: Pieter Bruegel l'Ancien / Wikimedia Commons / PD

(Par Esther Heboyan) – L’enfant des autres n’intéresse personne. L’enfant qui naît malformé intéresse encore moins. En France, on l’institutionnalise ou on lui prodigue des soins à domicile. Le processus dure une vie entière, plusieurs vies si l’on inclut l’entourage de l’enfant. Ailleurs, ou même en France, on destine cet enfant à la réclusion ou à la mendicité. A la non-vie, si l’on préfère les euphémismes.

Les causes de la malformation sont parfois dues aux médicaments prescrits pendant la grossesse, surtout pendant les trois premiers mois de la grossesse. Personne ne voudra le reconnaître, ni les laboratoires pharmaceutiques, ni le corps médical. A moins d’un scandale à grande échelle, suivie ou précédée d’une action collective citoyenne. Pendant très longtemps, le Vidal a servi de référence pour donner bonne conscience à tous. Si l’on n’a pas constaté d’effets tératogènes sur les souris, c’est sans danger pour les femmes. C’est écrit dans le texte. Aujourd’hui, l’internet permet d’avoir accès à des articles plus complexes et plus nuancés qui restent néanmoins contradictoires. Et tout dépend si la recherche a été financée en toute indépendance ou bien par l’industrie du médicament. Une vérité que l’on clame haut et fort désormais.

La femme enceinte a le loisir de se documenter et la liberté de s’informer. Et donc de refuser de se faire prescrire un médicament. Si, bien entendu, elle dispose d’un temps élastique avant l’accouchement, pour comprendre la littérature mise à sa disposition. Au cas où la femme enceinte prend le risque d’exprimer quelques interrogations ou angoisses, on peut parfaitement lui rétorquer : « C’est vous le médecin, ou moi ? ». Si la femme enceinte accouche d’un enfant malformé et qu’elle veut connaître la source du problème, il n’est pas impensable d’entendre cette parole rassurante : « Il y a toujours eu des monstres. »

L’erreur est humaine… – L’humain, l’enfant, ne doit pas être une erreur sur l’échiquier des intérêts et corporatismes, des arrogances ou incompétences. Cette réflexion, qui déplaira à beaucoup de médecins, pharmaciens, chercheurs et fabricants voire à tous ceux formés à la noble école de médecine de France ou d’ailleurs, s’impose après une journée passée dans une institution spécialisée pour enfants handicapés. Pour ceux qui n’y ont jamais mis les pieds, la visite peut être instructive. A la sortie, il ne leur sera pas demandé d’écrire un rapport sur ceux qui s’y rendent régulièrement pour voir, aimer, réconforter un enfant à qui il manque un bras ou une jambe, par exemple.

On achève bien les femmes enceintes, même dans un pays où les politiques natalistes multiplient les allocations d’aide à la naissance, les congés de maternité pour la mère ou le père, les allocations calculées à partir de 3 enfants, etc. Quoi, les femmes enceintes n’ont pas appris à connaître leur corps, à contrôler leur psychisme, à discerner les médicaments tératogènes des gènes de l’hérédité ?! Est-ce la faute à Voltaire ? à Rousseau ? à l’école ? à la famille ? à vos origines ethniques, géographiques, sociales ? Est-ce un châtiment des dieux pour hérésie, maladie, fantaisie ? Si seulement, si seulement Eve s’était retenue de croquer la pomme…

La faute à personne, ma p’tite dame. Subissez ou abandonnez votre enfant. Mais surtout, ne posez pas de questions.

Ne demandez surtout pas si des injections répétées de psychotropes peuvent nuire au fœtus. Ne venez pas demander pourquoi un médicament conçu pour soigner la schizophrénie (c’était noté dans le Vidal autrefois, c’est noté sur le site du CRAT aujourd’hui) a été utilisé pour soigner vos nausées.

Personne ne vous répondra.

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