Fessenheim mon amour… (2/5)

Suite de la mini-série écrite par Franck Dautel sur un scénario par si irréaliste que ça… à lire, à méditer et à partager…

2019... Fessenheim, avant la série d'événements qui changeront tout dans le Rhin Supérieur... Foto: Florival fr / César / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Franck Dautel) – L’avion atteint à présent 900 mètres d’altitude et se trouve à présent à l’aplomb de Hombourg. Le pilote corrige légèrement l’assise et se prépare à virer à gauche pour mettre le cap sur Bordeaux.

Il s’amuse un instant à rappeler les difficultés qu’il a eu cet après-midi pour arriver à l’aéroport :

- J’ai eu un mal de chien pour traverser le pont près de chez moi et rejoindre l’aéroport. J’ai du le traverser à pied pour prendre la voiture d’un ami de mon fils sur l’autre rive !

Le copilote lui répond :

- J’ai entendu ça à la radio ce matin. Il parait qu’il y a du monde et pour la première fois beaucoup d’habitants de la région qui se sont joints aux antinucléaires.
- Peut-être mais c’était comme si la ville était en guerre ! Ils pourraient manifester autrement !
- Ce qui se passe est inquiétant quand même, ajoute le copilote.
- Il faut choisir à mon avis, c’est le dérèglement climatique ou le nucléaire, il n’y a pas trente-six solutions ! On n’est pas près de faire voler un A320 avec des batteries, conclue en riant Patrick juste avant qu’un choc puissant ne soit ressenti contre la carlingue…

Un choc violent et lourd s’est produit au nez de l’appareil et en même temps sur l’aile droite au niveau du turboréacteur qui s’enflamme quelques secondes après. Patrick constate immédiatement que les gouvernes générales de l’aile semblent atteintes.

- « On retourne sur Bâle », décide le pilote sur le champ, en restant toujours très calme. La procédure d’arrêt du turboréacteur défectueux est lancée et l’avarie est déclarée à la tour de contrôle.

Le copilote a changé de couleur. Il semble pris de panique et commence à transpirer à grosses gouttes…

- Gardez votre calme et vos yeux fixés sur le réacteur gauche! Ne perdez pas non plus le contrôle de l’hydraulique! J’ai besoin de me concentrer sur la manœuvre! L’aéroport est encore très proche mais on ne doit faire aucune erreur !, précise Patrick.

- Que s’est-il passé ?, demande timidement le copilote.
- Je ne sais pas, sûrement des oiseaux…

Le pilote annonce à la tour de contrôle avoir perdu un réacteur et une partie de l’hydraulique sur l’aile droite mais précise qu’il pense toutefois pouvoir revenir sur Bâle sans grande difficulté. Il s’adresse ensuite aux passagers pour leur annoncer que l’appareil retourne se poser à l’aéroport de départ.

Quelques instants plus tard, une hôtesse de bord l’appelle pour lui signaler que plusieurs passagers sont inquiets et demande que le pilote vienne en cabine pour les rassurer.

Patrick envoie le copilote pour qu’il explique ce qui s’est passé et leur expliquer comment un avion peut voler avec un seul réacteur.

- Dites leur bien que l’avion va retourner à Bâle avec un seul réacteur et que ça ne pose pas de gros problème et rappelez les consignes à suivre immédiatement !

L’appareil répond encore correctement et le pilote entreprend une manœuvre de boucle pour faire demi-tour par la droite afin de se mettre au plus vite dans l’axe de la piste d’atterrissage de Bâle. Il compte descendre sans trop jouer sur les ailerons de profondeur, ne connaissant pour l’heure pas encore l’étendue précise des dégâts. Des dommages sérieux certainement causés par un vol d’oies sauvages. Patrick a déjà entendu parler d’accidents plus ou moins importants causés par ces oiseaux pesant entre 3 et 4 kilos chacun. A cette vitesse, le choc ne peut qu’être lourd de conséquences, surtout si plusieurs oiseaux ont heurté l’appareil en même temps, ce qui semble être le cas. Il sait également que la plaine du Rhin est un couloir utilisé par les oiseaux migrateurs de toutes sortes. Les formations d’oies sauvages comptent de 50 à 200 individus. Pour détruire un turboréacteur il suffit d’un seul individu mais pour endommager les commandes, là il en faut quelques-uns…

Le réacteur gauche répond encore tout comme l’hydraulique à l’arrière et sur l’aile gauche. Les commandes de direction peuvent donc toujours être utilisées et ramener tout le monde à bon port sans courir de danger… En dehors des vents violents qui les attendent à Bâle…

Patrick informe la tour de contrôle et signale qu’il accélère la manœuvre tant que la propulsion gauche fonctionne car il redoute un ou plusieurs autres impacts d’oiseaux sur l’appareil.

Au même instant un nouveau choc survient à l’arrière de l’appareil et sur l’aile gauche. La queue de l’avion est touchée et les gouvernes ne répondent plus. Le turboréacteur 2 fonctionne encore mais les commandes ont du mal à répondre…

L’appareil se trouve à présent à une altitude de 3 000 pieds ce qui lui permet de tenter sans problème un retour en urgence. Patrick a déjà effectué ce type de manœuvre il y a 5 ans en Espagne. Une panne électrique générale s’était produite durant 9 minutes dans l’appareil. Une belle frayeur ! Le retour à l’aéroport s’était passé en douceur en compensant de manière très fine les équilibres globaux. Ce soir, il a de l’électricité mais plus d’hydraulique à droite. Il peut jouer avec les gouvernes de profondeur situées sur la queue de l’appareil ainsi qu’avec la gouverne de direction pour conserver l’appareil en équilibre, mais il sait qu’il ne doit plus perde de temps.

Patrick informe le copilote qu’il va cabrer l’appareil en levant légèrement le nez du vaisseau, créant ainsi une force aérodynamique suffisante pour ralentir la descente sur la longueur et limiter ainsi les risques de… crash au sol. Sans l’aide des inverseurs de poussée des réacteurs comme pour tout atterrissage, il faudra tirer les freins à fond au risque de mettre les pneus en feu et risquer le sur accident… Mais ils n’ont pas le choix. De plus, avec le vent de travers, pour se poser cela n’est vraiment pas gagné, mais Patrick reste confiant.

Il annonce à la tour de contrôle qu’il n’a plus l’entier contrôle de l’appareil et qu’il amorce un retour en urgence sur Bâle-Mulhouse.

On lui répond que l’alerte générale est donnée au sol et que toutes les pistes vont être immédiatement dégagées.

Le contrôle lui demande de dévier de 30° à droite et l’informe que le vent est tombé à 40 nœuds.

Patrick amorce la manœuvre en repassant sur la rive droite du Rhin au-dessus de Mülheim dans le Bade-Wurtemberg. Il entame immédiatement après une large boucle sur la gauche en direction de Blodelsheim dans le Haut-Rhin. Il faut ramener l’avion dans l’axe précis de l’aéroport en se fixant sur la ligne argentée du Grand Canal d’ Alsace que l’on devine vaguement dans la nuit… L’idée d’amerrir sur le canal, s’il manquait de longueur de descente lui traverse soudain l’esprit, cela limiterait les risques d’incendie. Après tout, la voilure de l’A302-200 mesure moins de 35 mètres et le canal en fait 135 de largeur, ça devrait être possible …

Au moment où l’avion repasse la frontière en direction de la France dans sa boucle sur la gauche l’ensemble des commandes hydrauliques cèdent brutalement, l’avion n’est plus contrôlé et penche immédiatement sur la droite, puis se met à piquer vers le sol !

Des hurlements d’horreur parviennent de la cabine.

La tour de contrôle signale que le transpondeur indique que l’avion perd rapidement de l’altitude.

- « Vous descendez ! », hurle le contrôleur à Bâle.

Les pilotes n’ont plus le contrôle de l’appareil.

Patrick décide de vidanger le carburant pour éviter l’incendie à l’atterrissage mais la commande ne répond plus. Il fait sortir les volets et le train d’atterrissage de manière à gagner un peu en stabilité mais l’avion continue de piquer.

- « J’ai rien ! Je n’ai plus de réponse !!! On passe sous les 2 000 pieds ! »

Il est 20h17.

Il n’y a plus rien à faire… L’avion pique droit vers le fleuve. Le choc, même dans l’eau sera fatal.

L’appareil va dévier encore légèrement sur la gauche avant de se crasher.

Ce sont les caméras de surveillance placées sur le parking de la centrale nucléaire de Fessenheim qui filment la suite…

Lisez la suite demain ici !

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