Festival AUGENBLICK : Les Invisibles

Clandestinité et Justes allemands

Les Invisibles, de Claus Räfle Foto: Festival AUGENBLICK

(Marc Chaudeur) – Une histoire de persécution qu’on aimerait croire révolue, un espoir quant au secours que peuvent apporter des êtres humains à leurs semblables… Début 1943, 7000 juifs vivent dans la clandestinité à Berlin. Ils ne seront, en 1945, que 1500 survivants. Aidés durant deux longues et lourdes années par des résistants, communistes ou chrétiens, et… des femmes et hommes de bonne volonté.

Le film Les Invisibles – Nous voulons vivre (Die Unsichtbaren – Wir wollen leben), de Claus Räfle, réalisé en 2017, raconte l’histoire de quatre personnages, deux hommes et deux femmes, plongés dans la clandestinité à partir de Février 1943. Des juifs qui ont décidé de vivre et refusé de se laisser emprisonner, déporter ; refusé de subir passivement un « destin », un faux déterminisme choisi pour eux par des êtres qui les haïssent. Le film tisse très adroitement le récit direct des personnages dont certains vivent encore, en divers pays, avec la reconstitution de leur histoire interprétée par des comédiens.

Hanni Levy, Ruth Arndt, Cioma Schönhaus et Eugen Friede racontent et sont racontés, et leurs histoires se croisent, nouées un temps par des liens de parenté ou d’amitié, par des personnages de la vie berlinoise racornie comme elle l’était alors, entre 1941 et 1945 : des traîtres, des personnes craignant pour elles-mêmes, des résistants héros et des héros modestes. Surtout des héros modestes : ce sont eux qui animent ce film à la croisée du documentaire et de la fiction, où on est tenu en haleine bien mieux que dans un Hitchcock ou dans n’importe quel film de suspense.

A la fin de son témoignage, Eugen Friede, qui s’est admirablement bien sorti d’une mouise suprême en se cachant dans de nombreux appartements obscurs et en fabricant de faux papiers pour ses compatriotes d’infortune, rapporte qu’interrogée sur les raisons de l’aide qu’elle a apportée aux risques constants de sa vie, l’une des femmes qui l’a secouru a répondu : « Pour sauver ma patrie ». Et Eugen Friede estime que oui, elle l’a sauvée, cette patrie : en montrant qu’il a existé des Allemands, relativement nombreux, pour lesquels le sentiment d’humanité en l’indignation à l’égard des persécutés l’emportaient sur toute autre considération moutonnière ou de prudence. Certains ont été reconnus comme Justes à Yad Vashem.

Les Invisibles laisse un goût ambivalent sur la langue, en effet : celui qu’amène le sentiment que toute histoire de clandestinité n’est sans doute pas finie dans notre vieille Europe, et que ces quatre personnages peuvent nous servir d’exemples, essentiellement par la persistance obstinée de leur instinct de survie. Et le goût lié à l’exaltation qu’apporte la certitude que dans nos sociétés, il n’y a pas que des salauds.

Ce film sera encore programmé samedi le 16 et mercredi le 20 novembre à 18.20 à l’Odyssée (Strasbourg). A voir absolument.

Le Festival AUGENBLICK, qui en est à sa quinzième mouture, continue de plus belle jusqu’au 23 septembre. On regrette que cette année ne nous offre presque plus de films suisses ou autrichiens (ou même danois, comme en 2016…). Il nous réserve cependant de nombreuses soirées à ne pas manquer. Comme par exemple, pour ceux qui peuvent se permettre le déplacement jusqu’à Dorlisheim (20 kms de Strasbourg), le film muet tourné en 1929, Menschen am Sonntag (Les Hommes le dimanche), de Robert Siodmak sur un scénario de Billy Wilder – et avec une création musicale et interprétée sur place de Thomas Bloch, Pauline Haas et François Hagenmuller.

Pour le programme complet : https://www.festival-augenblick.fr

 

 

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