Festival de Cannes, 76e édition (4)
Esther Heboyan a vu pour vous Black Flies de Jean-Stéphane Sauvaire, urgences macabres.
(Cannes, Esther Heboyan) – Des urgentistes paramédicaux de Brooklyn sont appelés à secourir les damnés de la terre (vieillard mourant dans une maison de retraite, clocharde énervée dans une laverie automatique, femme battue par son partenaire…). Comme les mouches qui sentent l’odeur de la mort, Gene Rutkovsky dit « Rut » (Sean Penn) et son jeune co-équipier Ollie Cross (Tye Sheridan) se rendent au chevet de malades ou de victimes avec l’intention de sauver le monde et le sentiment de puissance qui va avec. Le schéma classique du vétéran cynique qui guide l’innocent débarqué d’une petite ville du Colorado nous conduit de séquence en séquence, chaque drame se révélant plus vil, plus horrible que le précédent. Trop, c’est trop, a-t-on envie de dire au bout d’un moment.
Pour rendre les redondances du scénario plus supportables, le spectateur a tout de même le droit d’entrevoir des pans de la vie intime des deux urgentistes qui traînent des traumatismes, des échecs et leur mélancolie qui colle aux nuits infernales des quartiers délabrés de New-York. La métropole filmée de nuit, quelquefois de jour, a la noirceur des ambiances créées par Sidney Lumet. L’exercice auquel se livre Sauvaire a le mérite de maintenir une certaine nervosité. Toutefois, le long-métrage semble s’inspirer des reportages télévisés qui suivent de vraies équipes d’intervention (gendarmes, pompiers, médecins) et brouillent la frontière entre le réel et le sensationnel. Ce style semi documentaire nuit au film.
Sean Penn, qui incarne un homme blessé par la vie, incompris de tous, mâchouillant sa cure-dent et délivrant son message (im)moral, n’est pas employé au maximum de ses capacités d’acteur. Tye Sheridan, lui, rappelle l’animalité d’un Marlon Brando et semble capable de nuancer son jeu. Dans un film trop prévisible à force de guetter l’imprévisible, son personnage finit par accéder au statut de héros après l’unique rebondissement.
New-York, d’après le film de Jean-Stéphane Sauvaire qui a adapté le livre à succès de Shannon Burke, est l’enfer sur terre où le malheur frappe les non-Blancs, où les scènes d’amour sont glauques, où Coney Island (ou un lieu qui ressemble à Coney Island) n’a rien de festif, où la mort rôde à chaque coin de rue ou au fond d’un couloir, où la vie ne vaut rien.
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