Festival de Cannes, 76e édition (5)

Esther Heboyan a vu pour vous « Les Herbes sèches » de Nuri Bilge CEYLAN, des leçons de vie.

Scène de "Les herbes sèches" - en hiver, il fait froid en Anatolie... Foto: Festival de Cannes 2023

(Cannes, Esther Heboyan) – On connaît la ferveur du réalisateur-scénariste turc Nuri Bilge Ceylan pour l’Anatolie déjà mise en images dans Le Poirier sauvage (sélection officielle 2018), Winter Sleep (Palme d’or 2014) et Il était une fois l’Anatolie (Grand Prix 2011). Ceylan revient à Cannes avec Les Herbes sèches, une autre histoire anatolienne dans laquelle Samet (Deniz Cemiloglu), jeune professeur d’arts plastiques qui termine ses quatre années d’enseignement obligatoire dans un village reculé, espère obtenir son transfert à Istanbul. Ses chances de mutation s’amenuisent lorsqu’il est accusé de harcèlement par son élève Sevim. Alors que Samet se croit condamné à une vie morne dans un coin perdu de l’Anatolie, il fait la connaissance de Nuray (Merve Dizdar), une enseignante d’anglais, d’origine alévie, femme moderne, brillante, intellectuellement provocante, victime d’attentat mais qui a foi en l’action solidaire.

Ce film co-écrit par Ceylan, sa femme Ebru Ceylan et l’acteur-scénariste Akin Aksu, a été tourné à Erzurum et à Adiyaman où le pont romain Cendere Köprüsü sert de cadre sublimant aux réflexions existentielles du protagoniste. Le récit commence par une envoûtante photographie de l’Anatolie sous la neige. Comme dans Il était une fois l’Anatolie, un véhicule s’insère, puis disparaît du paysage. Le passager qui vient de descendre s’intègre dans la blancheur froide de l’hiver et se met à avancer vers la caméra. La réalité s’efface pour devenir une toile blanche où va s’écrire le récit. Le professeur revient de vacances pour le second semestre au collège.

Le récit traîne en longueur à cause des séquences aux dialogues intenses. Chaque personnage défend sa perspective sur le quotidien, l’avenir, la vie provinciale, la recherche de l’amour, la mission d’éducateur, le rôle dans la société turque. Agacé par le provincialisme étriqué des villageois et menacé par les rumeurs, Samet prédit à ses élèves de ne pouvoir prétendre qu’à devenir des planteurs de patates et de betteraves.

Cependant, sa vision des êtres et des lieux ne reste pas catégorique. Après bien des échanges et des confrontations, lui apparaît la vérité sur la vie, le temps, les espérances, les désillusions. L’ascension d’une colline lui ouvre d’autres perspectives, au sens physique et au sens figuré. Le héros/l’anti-heros de Ceylan se réconcilie avec les herbes sèches de l’Anatolie, qui flétrissent avant même de pouvoir verdir. Il se découvre aussi à travers la jeunesse, la détermination, les facéties de la jeune Sevim qui prendra un jour le relais de Nuray.

 

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