Festival de Cannes, 76e édition (7)

Esther Heboyan a vu pour vous 'Club Zero' de Jessica Hausner, le martèlement de fausses vérités

Club Zero - quand l'éducation tourne au cauchemar. Foto: Festival de Cannes 2023

(Cannes, Esther Heboyan) – Club Zero de l’Autrichienne Jessica Hausner, troisième film dans la compétition officielle (après Monster du Japonais Kore-eda et Les Herbes sèches du Turc Ceylan) sur le (dys)fonctionnement du système éducatif. Cette fois-ci, la cause du malaise est le cours d’Alimentation Consciente que dispense Miss Novak (Mia Wasikowska) dans un internat prestigieux où la projection géométrique du soleil rivalise avec l’alignement mesuré des bureaux et tables, des chaises et fauteuils.

L’établissement idéal offre un décor aseptisé où les lycéens ressemblent aux robots de la série d’anticipation suédoise Real Humans. Quant aux parents, ils vivent dans de splendides demeures où chaque espace combine le néant et la perfection, où chaque instant de vie s’inscrit dans la tension. Tirant partie des contrastes de couleurs et des dissonances sonores, Hausner hésite entre dystopie franche et hyperréalisme s’inspirant des sujets/faits d’actualité.

Car cette Miss Novak est une guru qui cache à peine son jeu. Aux adolescents de sa classe, elle promet maîtrise de soi, bien-être et longévité. Elle leur impose de manger très peu, puis de jeûner. Quelques élèves contestent timidement, d’autres résistent en cachette ou ouvertement, mais le groupe passe vite sous l’emprise du professeur. Si dans la salle des spectateurs ont ri à cause d’un comique de l’automatisme, le spectacle n’est pas une comédie. Le film est déconseillé aux personnes souffrant de troubles alimentaires.

Les vérités déclamées comme des slogans en même temps que les tisanes distribuées par Miss Novak font penser à toutes les formes de manipulation et d’endoctrinement que les individus, jeunes et moins jeunes (la directrice de l’école interprétée par Sidse Babette Knudsen, est séduite aussi), peuvent subir dans n’importe quelle société. D’ailleurs, Hausner prend soin de ne pas ancrer son action dans un lieu précis. Le lycée privé pourrait se situer en Autriche, en Suisse, au Canada ou tout autre pays. Hausner dit avoir choisi l’anglais parce que c’est la langue universelle des pensionnats internationaux.

Les adeptes du Club Zero croient pouvoir atteindre le meilleur pour eux-mêmes mais semblent voués au pire. La musique de Markus Binder, qui accompagne leur quête, se veut à la fois sophistiquée et primitive, envoûtante et répulsive. Pour le spectateur, les coups de tambour produisent un son crispant.

S’attaquer à un sujet aussi déprimant que le processus de dépersonnalisation et de déshumanisation est louable de la part de la cinéaste autrichienne. Mais il manque au film quelque chose qui pourrait le rendre intéressant. Saluons la performance de l’actrice australo-polonaise Mia Wasikowska vue dans Alice au pays des merveilles de Tim Burton, Only Lovers Left Alive de Jim Jarmusch ou encore dans Bergman Island de Mia Hansen-Love.

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