Festival de Cannes, 76e édition (8)

Esther Heboyan a vu pour vous 'Asteroid City' ou Wes Anderson s’amuse

En réalisant 'Asteroid City', le réalisateur Wes Anderson s'est beaucoup amusé... Foto: Festival de Cannes 2023

(Cannes, Esther Heboyan) – Le film, co-écrit avec Roman Coppola, commence par la chanson Last Train to San Fernando relatant la dernière aventure amoureuse d’une Dorothy qui doit rentrer par le dernier train à destination de San Fernando au Trinidad avant de se marier. L’image d’un train qui entre à Asteroid City dans un décor de carton-pâte n’a – évidemment – rien à voir avec la chanson. Wes Anderson nous a déjà embarqués dans son univers complètement dingue. Le film aurait pu s’intituler « Le dernier train pour San Dingo ».

Pour ceux qui n’étaient pas encore convaincus que le réalisateur américain avait le sens de la comédie, Asteroid City saura les séduire. Certes, il s’agit d’un sens bien particulier de la comédie, un comique andersonesque qui puise à la fois chez Buster Keaton et chez Jacques Tati et qui emprunte à toutes les sources de la culture populaire américaine – publicités, bandes dessinées, littérature, peinture, théâtre, cinéma, musique – en ajoutant sa verve déjantée et ses couleurs pastel.

Dans l’Amérique en période de paix (comme on le lit sur une banderole) mais aussi paranoïaque des années 1950, Asteroid City est une petite ville dans le désert où convergent de jeunes lauréats porteurs de projets scientifiques. Un extra-terrestre d’allure bizarroïde mais inoffensif débarque d’un vaisseau spatial pour récupérer un fragment de météorite tombée 3000 ans avant J.-C. Le bouleversement est total pour la communauté des chercheurs à la pointe du progrès et les représentants de l’État qui se plient aux injonctions du Président.

Ce récit est clairement emboîté dans un autre récit dans un film qui en compte plusieurs et où les personnages traversent portes, décors et drames, tantôt sans se poser de questions, tantôt en interrogeant le dramaturge à l’origine de tout ce remue-ménage. Mais à quoi bon essayer de tout comprendre ? En convoquant sa galaxie de stars, dont on ne citera que Jason Schwartzman, Scarlett Johansson, Tom Hanks et Jeffrey Wright, Wes Anderson se sert de tous les médias pour raconter son histoire de l’Amérique.

On dirait qu’il prend un malin plaisir à subvertir le pathos des tableaux de Norman Rockwell. Le personnage de Scarlett Johansson dans une scène de train rappelle Tippi Hedren ou Eva-Marie Saint chez Hitchcock. Adrien Brody en maillot de corps blanc, baragouinant des paroles, fait songer à Marlon Brando dans Un tramway nommé Désir. D’ailleurs, on se demande si le personnage d’Edward Norton n’est pas inspiré de Tennessee Williams. Mais tout cela importe peu. L’incongru est au rendez-vous dans chaque plan. Le spectateur n’a plus qu’à se laisser porter allègrement jusqu’à l’absurde qui, chez Anderson, a un pouvoir de catharsis.

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