Festival des Arts de la Rue à Strasbourg

Une ville sens d’ssus d’ssous ce week end.

La Compagnie Les Fugaces au FARS samedi dernier Foto: mchaudeurojournalist/CC-BY-SA/4.0Int

(Marc Chaudeur) – Ça bouge dans tous les coins, dans tous les sens. « Les Arts de la Rue », pour quelqu’un d’inattentif, cela évoque des performances médiévales genre jongleurs et cracheurs de feu, des danseurs post-post-modernes et du hip hop comme à Beaubourg, des musiciens de rock qui se contorsionnent tous les cent mètres, des comédiens qui nous disent quelque chose de la société actuelle et qui nous suggèrent que nous vivons, dans notre existence quotidienne, une guignolerie tragique parmi d’autres possibles, dont certaines moins tragiques. Et nous avons eu droit à tout cela à la fois durant trois jours pleins, à 36 degrés centigrades. Nous avons été très gâtés.

Comment choisir parmi tous ces spectacles dans un programme aussi alléchant ? Il faut se munir d’un vélocipède à ressort hélicoïdal et se déplacer dans notre bonne ville de Strasbourg. Encore que les lieux des performances soient assez concentrés dans une portion du centre – ce que, dans une autre perspective, on pourrait regretter : des spectacles à la Meinau ou à Hautepierre. Tant pis.

Il fallait faire fissa pour aller rejoindre un spectacle et passer de la cathédrale à la Krutenau, par exemple. Mais l’organisation impeccable de la manifestation qui s’étendait sur ces trois jours d’estoufade caniculaire a permis bien des enfilades successives de 3 à 4 spectacles. Ce qui a permis de constater à quel point les 3 ou 4 types de prestations proposés offraient une délectable variété.

Pour le candide (pour ne pas dire pire) que nous sommes en matière d’arts de la rue, cette variété est réellement passionnante. Il y a par exemple cirque de rue et cirque de rue : on a pu voir des performances qui allaient des manifestations les plus raffinées à ce qui relevait de l’exhibition d’ados attardés dans le bac à sable au pied de leur barre de téci. De l’inventivité concentrée au défoulement subhumain. Mais c’est la rue, que voulez-vous.

Danse hip hop et sobriété aux débordements baroques. Pour les premiers, une assez ingénieuse combinaison de reality show avec l’évolution très pro d’une danseuse : c’était Ce qui m’est dû (titre oh combien actuel!) de la Compagnie débordante.Et un peu le même esprit dans une performance plus hip hop, D-Construction de la Compagnie Dyptik (ils assument cette orthographe, pas moi).

Pour ce qui est du rock, nous avons pu goûter l’excellente prestation de Mojo Sapiens : une synthèse de hip hop, de rock et de notre vieux blues, Willie Dixon et Muddy Waters, comme nous n’en avions jamais entendue auparavant. L’esprit blues très intense et rafraîchi à la fois. Superbe, et depuis vendredi soir, grâce à ces braves jeunes hommes motivés avec un petit diablotin dans leur moteur, I feel my mojo walking comme tout.

Et ce qui nous intéressait le plus : les déambulations et performances qu’on pourrait qualifier « de  situation » : Annie Ernaux par le Groupe Tonne – quel plaisir d’entendre de l’intelligence sonorisée dans les ruelles de la ville… Et plus encore dans cette direction : la Compagnie Les Fugaces a mis quintuplement en situation, de façon poignante et angoissante, les modalités de notre existence ; celle principalement de jeunes personnes en proie à toutes les difficultés que nous pouvons imaginer. Le grand talent de monter les scenario de la vie sociale qui sont les nôtres, et qui pourraient être autres : plus solidaires, plus chaleureux et moins axés sur le fétichisme des affaires. Saisissant.

L’organisatrice du Festival des Arts de la Rue de Strasbourg avait déclaré pour intention l’hommage aux « héros du quotidien » : les employés municipaux ; les pompiers, etc, après le printemps étouffant que nous venons de vivre. Pari réussi ; mais ce Festival a une portée bien plus large. Il a assumé dans nos venelles tout l’éventail de notre existence contemporaine : du plaisir le plus intense à l’angoisse la plus corrosive. Avec une organisation impeccable : vigilance tous azimuths et propreté anti-COVID 19 assurée siopgneusement partout. Vivement le prochain FARS.

 

 

 

 

 

 

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