Festival MUSICA : Avanti Populo !

Un réservoir de vie et d’énergie

A MUSICA, l' Ensemble de Musique contemporaine (soprano : Gabrielle Varbetian) interprète une oeuvre du jeune compositeur Minchang Kang Foto: Rédaction

(MC) – MUSICA est parfois l’occasion d’admirer une belle vitalité ; et de bénéficier d’un regard à la fois lucide et tonique sur les possibilités sociales de l’art, et donc sur l’utilité sociale du compositeur – ou du chorégraphe. C’était le cas au cours du dernier week end. On croit naïvement que la plupart des compositeurs « contemporains » sont enfermés dans leur tour d’ivoire hautaine et pensent oeuvrer dans un pré vert empli de licornes et vivre d’amour et de whisky frais. Eh bien non.

Nous avons interviewé à la BNU, vendredi matin, Pierre Durr qui présente sur Radio Bienvenue des musiques déjantées et zinzins que (très) peu d’autres personnes que lui connaissent : un exemple d’enthousiasme et de constance ! Nous reproduirons cette entrevue très bientôt. Et immédiatement après cela, Luca Francesconi a parlé de son expérience de la musique et de la vie à la BNU avec Arnaud Merlin. Des propos riches d’enseignement et très stimulants.

Luca Francesconi a été programmé lors de 11 éditions de Musica, pour 26 concerts… Entre 2000 et 2005, le compositeur d’origine milanaise, né en 1956, a vécu une crise très profonde. A cette époque du tout Berlusconi où le Commodore faisait la pluie et le beau temps en Italie au moyen de ses 6 chaînes de TV, Francesconi s’est demandé, regardant ses orteils : mais… Que fais-je donc là ? Mon insignifiance est si incalculable… Comment se faire entendre alors même que cette possibilité nous échappe ? Quelle influence un compositeur peut-il bien espérer exercer dans le monde ?

La réponse de Francesconi ressemble à sa musique, cette musique qui naît beaucoup de la préoccupation du temps et de la durée. Les médias de type berlusconien, estime le compositeur de Mambo, ponctuent de virgules incessantes le quotidien de millions de personnes ; le compositeur, lui, produit un discours long, il s‘exprime pour très peu de personnes, et ce discours se déroule linéairement dans la durée. C’est infiniment plus profitable, n’est-ce pas, et cela fonctionne. Trop lentement, certes ; mais le mouvement global de ce média solide et profond peut être accéléré.

Et puis, dit encore Francesconi, évitons surtout de rejoindre une tendance très actuelle : celle de « produire un discours sur l’impossibilité de faire une discours », comme l’a fort bien écrit Umberto Eco – ce qui, reconnaissons le, est contradictoire. Le compositeur, que fait-il dans cette société en voie de désintégration et déjà bien fragmentée ? Eh bien, la « masse » y est soumise à une sorte de chuchotement continu, de sollicitation permanente à la consommation. Nous pouvons y résister – à partir surtout du moment où nous décidons de ne pas nous laisser complètement manipuler. Francesconi est de ceux, dit-il, qui prennent leur responsabilité et qui persistent à résister. A résister, oui, et cela implique que l’on trouve et que l’on donne à cela une forme ; y compris, bien sûr, une forme artistique.

Deux expériences non moins stimulantes ensuite à MUSICA : d’abord, vendredi soir, cette véritable leçon de choses sur l’humanité en chorégraphie, en musiques (Kyriakides, Nono, Aperghis,) et en textes (Sophocle, Scabia, Pavese Regnault, Aperghis) qu’est Homo Instrumentalis, de Romain Bischoff et Johanne Saunier (et alii). Des tableaux saturés de puissance et de hachures qui couvrent l’épopée et la tragédie humaines, de l’Homo faber jusqu’à l’ homme « dépassé », en passant par l’homme broyé et consumé par l’industrie et ensuite, l’homme dépecé (comme l’homme aliéné selon Marx…) par la « cybernétique », donc l’informatique. Qu’en ressort-il ? Au fond, une très ancienne constatation, que soulignait implicitement la fameuse citation de Sophocle (« Il est bien des merveilles en ce monde, il n’en est pas de plus grande que l’homme », etc). A savoir, que c’est l’Homme qui construit son Histoire… Hop, au travail !

Ensuite, nous avons admiré les Jeunes talents, compositeurs samedi matin. Des compositeurs âgés de 28 ou 30 ans qu’enseignent Daniel D’Adamo, et Tom Mays pour l’électroacoustique ; ils sont élèves du Conservatoire et de l’Académie supérieure de musique de Strasbourg-HEAR. Mathias Bethod, Matias Couriel, Loïc Le Roux, Antonio Tules, Minchang Kang nous ont laissé pantois par la densité et l’aboutissement de leurs œuvres, dans des registres et pour des formations diverses : quatuor, octuor, unidécimuor (hum…) ou dialogue serré entre piano et ordinateur, soprano accompagnée. Quel plaisir…

On voyait là une réalisation à venir des propos de Luca Francesconi : le rôle du compositeur dans notre société démantibulée est tout trouvé : trouver le sens, donner du sens, et réunir.

MUSICA se poursuit jusqu’au 6 octobre : contact@festivalmusica.org

 

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